La compagnie le Grégoire du théâtre de Lenche de Marseille a présenté dimanche dernier au Théâtre national algérien la pièce la Mouette d'Anton Tchekhov. Cette œuvre, dont le thème central est l'amour et ses tracas, s'étend sur d'autres sujets tels que la solitude, la jalousie et la célébrité. Sur scène, dix personnages, des gens normaux issus de la bourgeoisie, qui décident de passer un bon moment au cœur de la campagne. S'amuser et rester là à ne rien faire, c'est leur programme. Pour meubler le temps et combattre l'ennui, ils décident de monter une pièce théâtrale qui se jouera au clair de la lune. Pour ce faire, ils demanderont à une comédienne russe renommée d'encadrer leur troupe. Mais la comédienne ne peut se concentrer sur son travail. Sa raison s'aliène car son cœur bat pour Trigorine, un auteur présent parmi les comédiens amateurs qu'elle doit diriger. Hélas, le cœur de Trigorine est déjà pris. Il est l'amant d'Akadina. L'amour impossible au sein d'un groupe ne peut qu'entraîner tous les autres personnages dans ses rets. L'intrigue se corse quand on découvre que les autres personnes ont chacune leur jardin secret où des roses flétrissent et des sentiments éclosent, comme pour cette belle fille qui dit «porter le deuil de [sa] vie». Vêtue de sa longue robe noire, elle passe son temps à boire de la vodka, fumer des cigares et à ruminer des idées noires. Mais un rai de lumière déchire la noirceur de son quotidien morose. Elle décide de se marier juste pour «créer un changement dans [sa] vie». Il y a aussi Treplev, un jeune homme téméraire, épris de Nina tandis qu'elle n'a d'yeux que pour Trigorine. Le trio devient quintet. L'amour dévoile le revers de sa médaille : déception, déconvenue, malheur, désillusion… la mort. Treplev se suicide. Ça ne surprend personne. Le jeune homme avait une vie tourmentée : une mère comédienne tyrannique et narcissique, une bande de copains qui ne lui ont rien apporté et, pour combler la mesure, même l'amour lui tourne le dos. Pourquoi alors vivre quand on n'a plus aucun idéal dans la vie ni rien à quoi s'attacher ? Mise en scène par Ivan Romeuf, cette comédie dramatique de Tchékhov dévoile l'impact et l'influence des sentiments et des idées sur la personne et la personnalité. Un amour qui n'en est pas, une famille et des ami(e)s qui n'en sont pas et une vie vide, aussi vide que la scène où on ne trouve qu'une balançoire, finissent par ballotter la personne entre le rien et le néant. C'est dans cet entre-deux que les comédiens s'abandonnent à leurs émotions, rire, larmes, espoir, désespoir, humour et dérision pour exorciser les démons qui les rongent de l'intérieur. On soulignera l'excellent talent du musicien au luth qui a accompagné la pièce durant presque deux heures et l'interprétation admirable des comédiens. On déplorera l'absence du public durant la représentation. Rappelons que la Mouette a été donnée dans le cadre du programme de coopération Carte blanche entre le TNA et le théâtre de Lenche de Marseille. D'autres pièces sont programmées, à l'image de Il n'a été heureux qu'une fois sous un parapluie et Arrêt fixe. W. S.