Dans le cadre de son programme «Carte blanche pour les théâtres régionaux», le Théâtre national algérien (TNA) a donné samedi soir dernier la pièce Devant les murs de la ville du théâtre régional de Skikda (TRS), l'une de ses dernières productions théâtrales. Mise en scène par la comédienne Sonia qui est aussi la directrice du TRS, la pièce, une des dernières productions de ce théâtre, est adaptée par Khaled Bouali d'après la pièce la Grande malédiction de l'auteur allemand Tankred Dorst. Cette œuvre traduit la souffrance d'une jeune et belle femme qui a perdu son époux incorporé dans l'armée de l'empereurengagée dans des guerres contre des ennemis que ce dernier lui trouvera. Ni l'amour ni la beauté de sa femme ne pourront le libérer. Sur scène, un haut mur renforcé par des barreaux se dresse. En haut du mur, des soldats veillent sur la sécurité de la ville. Houria Ouenza (Nadia Laarini) est une belle jeune femme rebelle. Incontrôlable et téméraire, elle va à l'assaut de cet obstacle et exige qu'on lui rende Houcine Lil, son époux. Les soldats, insensibles, rient à gorge déployée. Houria ne désarme pas et demande à parler à l'empereur de la ville. Elle n'aura que ses représentants. Elle les supplie et parvient enfin à les convaincre. Les deux responsables acceptent mais à une condition : elle doit retrouver son mari parmi une dizaine de soldats qui portent des heaumes. Cela relève de l'impossible mais Houria se fie à son intuition et accepte. Elle se trompe la première fois et tombe sur une femme soldat…une véritable humiliation. Mais à la deuxième tentative, Houria croit avoir trouvé son époux. En fait, il s'agit d'un autre soldat qui accepte de jouer le rôle de Houcine Lil afin de fuir l'armée. La femme accepte mais les représentants de l'empereur leur demandent de prouver leur union. Le couple «improvisé» tente de s'en sortir et de prouver aux autres qu'ils sont réellement mari et femme. Et ils imaginent une vie commune imaginaire. Le soldat devient un pêcheur et Houria, une femme au foyer très bavarde. Le couple s'invente même des scènes de ménage truculentes. Dans le rôle de Houria, la jeune comédienne Nadia Laarini s'est surpassée en dégageant une émotion naturelle qui n'a pas laissé le public indifférent. Le rythme fort et mouvementé de la pièce a été bien soutenu et géré par les comédiens jusqu'à la chute du rideau. Quant à la scénographie signée par Abderrahmane Zaaboubi, elle a bien servi la pièce qui s'est jouée sur deux plans, horizontal (la scène) et vertical (le mur). La chorégraphie de Slimane Habesse a donné plus de tonus au jeu des comédiens avec des pas marqués. Devant les murs de la ville est loin d'être une pièce qui raconte l'histoire d'une femme en quête de son époux. Il s'agit en fait d'une véritable analyse de cette société moderne qui atomise l'individu. L'ordre et ses lois ne sont que des instruments entre les mains des puissants qui organisent et dirigent le monde selon leurs intérêts. Le mur symbolise cet ordre établi qui, au nom de la paix, de la prospérité, de la démocratie, de la justice…, piétine les libertés individuelles et le libre arbitre. W. S.