«Une certaine mentalité de resquilleur nous avait bien laissé croire qu'on pouvait aller au deuxième tour (pour quoi faire ?) en rampant… Après la déroute avérée, il fallait s'attendre à ce qu'on réclamât et obtînt la tête d'un staff qui avait, certes, fait la preuve par neuf de son incompétence. Quant au commun des Algériens, il n'avait pas à savoir, il n'était pas concerné, le football est une affaire trop sérieuse pour que la foule inexperte ait à en connaître.» Ce même commun des mortels qui aura à lire ces propos croira que ce sera sans doute ce qui sera écrit, dit et commenté à partir de samedi prochain. C'est à hauteur de cette nuance que réside le summum de ce qu'est la suite de ces imprécations prémonitoires «Après un bref baroud de protestations, les médias nationaux décidèrent de dédramatiser l'échec en renonçant à en débattre plus longtemps. Il faut au contraire dramatiser au plus haut point le discrédit infligé au pays, s'interdire l'oubli, expliquer la faillite sans la justifier.» Ainsi était évoquée par Nour-Eddine Boukrouh * l'ambiance qui prévalait au lendemain de la sortie peu glorieuse de l'équipe nationale de football du Mondial de Mexico. Il n'en devient alors que plus inquiétant de voir et de constater implacablement, compte tenu de l'actualité d'aujourd'hui autour de la sélection nationale, que l'histoire peut être effectivement un éternel recommencement. Cette même sélection nationale qui affronte demain son homologue anglaise et avec laquelle elle part avec, au moins, un point en commun et pourquoi pas un pied d'égalité, celui d'avoir un ultime rempart défensif qui a le moral dans les chaussettes à moins que le coach ne décide de mettre au placard Chaouchi. Saadane affirme que «l'Algérie n'a plus rien à perdre face aux Anglais», une certitude qui n'était déjà pas partagée, il y a donc déjà 24 ans, par Nour-Eddine Boukrouh, lequel, presque à la limite de la divination, qualifiait cet aujourd'hui : «A travers l'EN, c'était l'Algérie, se préparant à défendre son identité dans un domaine donné, c'était l'Algérie promise à une prestation au moins honorable, c'était une image de marque, si modeste fût-elle, à préserver au moins de la honte. Cette fois, nous n'avons pas de scandale d'El Molinon pour nous dédouaner. Notre habituel talent à trouver le réconfort dans l'amoindrissement et la banalisation de nos échecs, quand ce n'est pas dans leur imputation à l'impérialisme ou à l'Agence internationale de l'énergie, ne convaincra et ne consolera personne tant l'humiliation a été blessante.» Et, enfin, le coup de grâce : «Renvoyer Saadane a ses pénates ne suffit pas, n'apaise pas, ne résout rien. D'ailleurs, le véritable entraîneur national qui nous a entraînés (peuple et équipe nationale), sur la voie du désastre n'est pas tant cet homme qu'on a vite fait de désigner à la vindicte populaire». Superbe conclusion : «Ils étaient là, à l'affût de la moindre flatterie que laissait tomber quelque monstre sacré à propos de nos joueurs pour la rapporter grossie à l'envi à un public friand d'éloges et de duperies.» (sic). Voilà donc un florilège de constats personnels faits par un homme sans doute en retrait du sport mais obligatoirement impliqué en tant qu'élément d'un ensemble pris dans une tourmente générée par des manipulateurs passés maîtres dans l'art de l'illusion. L'histoire, un éternel recommencement ? A n'en plus douter. Le 23 juin arrivera, la sélection nationale rentrera une main derrière et l'autre devant. Saadane a affirmé, il y a déjà bien des semaines, assumer ses responsabilités. Comment ? Demandera-t-il pardon au peuple algérien ? Versera-t-il la moitié de tout le pactole amassé depuis deux ans à une association caritative à l'occasion du Ramadhan ? S'exilera-t-il dans un pays du Golfe parce que, avec la carte de visite qu'il a maintenant grâce à l'Algérie, il ne peut plus faire autrement ? Que de questions qui n'auront certainement leurs réponses qu'en 2034, si Dieu prête encore vie au cheikh. A. L. *in Algérie-Actualité n°1081 du 3 au 9 juillet 1986