Depuis les matchs de la dernière phase éliminatoire pour le Mondial, notamment ceux ayant opposé les Verts aux Egyptiens, les deux favoris du groupe, la sélection nationale de football a suscité un engouement sans pareil chez les citoyens algériens. Les supporters ont fait preuve d'une mobilisation extraordinaire, surtout à l'occasion du match barrage du 18 novembre de l'année dernière, au Soudan, qui a propulsé Antar Yahia et ses coéquipiers à la phase finale du Mondial. Les manifestations de joie, qui ont duré plusieurs jours dans certains cas à travers le territoire national, en sont la preuve éloquente. Des dizaines de milliers d'Algériens ont voulu ainsi faire le déplacement au pays de Mandela pour encourager leurs représentants, même si l'entreprise s'est avérée difficile, voire impossible pour plus d'un vu la cherté du voyage. Seulement, cela n'a aucunement dissuadé certains autres à relever le défi. Ainsi, cinq citoyens, dont une femme, avaient décidé, plusieurs semaines avant le début du Mondial, de se rendre en Afrique du Sud par... route. Le pari était risqué. Parcourir environ 15 000 kilomètres, en passant, entre autres, par des régions où personne n'ose s'aventurer, paraît extrêmement difficile. Mais pour Mohamed Gasmi et Hind Benghanem, deux des cinq personnes qui ont fait le déplacement en voiture, l'équipe nationale vaut tous les sacrifices. Si, au départ, il était prévu que le voyage allait se faire avec beaucoup plus de personnes - ils étaient environ quinze à exprimer le vœu d'y aller par route -, l'absence de sponsors tant recherchés en a décidé autrement. «Seul l'Institut Pasteur a aidé le groupe en apportant l'assistance sanitaire nécessaire et même financièrement», nous a déclaré Hind Benghanem. Début juin, la décision est prise. Ces cinq personnes se sont engagées à s'y rendre avec leurs propres fonds. Les dépenses ont été colossales. Chaque personne a contribué avec une somme avoisinant 160 millions de centimes. Ce qui couvre l'achat des deux véhicules 4X4 et les frais de voyage. Bien évidemment, un tel déplacement nécessite un minimum d'organisation et de préparation. Les visas des pays parcourus qui disposent d'une ambassade en Algérie ont été réglés à Alger. Pour les autres, cela se fera en route. Par exemple, le visa pour le Kenya a été obtenu au Soudan. Et ainsi de suite. Ce qu'il y a lieu de signaler, c'est que tous les pays africains parcourus ont fait montre d'une coopération sans faille. Dans certains cas, les modalités de visa ont été réglées en l'espace d'une quinzaine de minutes. Les Africains ont facilité le passage de la caravane Alger-Johannesburg. C'est une fierté pour tous. C'est la première Coupe du monde qui se tient sur le continent. Donc, tous les Africains souhaitent sa réussite, et ce, sur tous les plans, notamment en permettant et en facilitant le déplacement des personnes. L'Afrique, ce n'est pas que des conflits. C'est aussi la fraternité entre les peuples et l'échange de cultures, entre autres. La caravane a pris la route le 4 juin Ainsi, le coup de starter a été donné le 4 juin dans la nuit. Les cinq supporters de l'équipe nationale ont parcouru respectivement la Tunisie, la Libye, le Soudan de l'extrême-nord, en passant par le Darfour, jusqu'à Juba dans l'extrême-sud, l'Ouganda, le Kenya, la Tanzanie, le Malawi, le Mozambique pour enfin arriver en Afrique du Sud. Et si nos compatriotes ont décidé de passer par l'immense désert libyen – ce qui leur a valu de dépenser une grosse somme pour s'offrir les services d'un guide et plusieurs heures de retard pour cause de panne automobile nécessitant l'intervention d'un Algérien établi dans la région –, c'est seulement pour éviter de passer par l'Egypte. «Après ce qui s'est passé à l'occasion des matchs des éliminatoires et ce qu'ont enduré nos joueurs et supporters, c'était inconcevable pour nous de nous rendre à l'ambassade d'Egypte pour demander un visa», a estimé Mohamed Gasmi. Celui-ci a également tenu à signaler que les gens rencontrés durant le parcours étaient impressionnés de voir des Algériens se donner tant de peine en traversant cette région désertique pour aller supporter leur équipe nationale. Au total, durant tout le trajet, nos interlocuteurs ont affirmé qu'ils ont parcouru environ 1 900 kilomètres de piste. Des routes non bitumées et sans éclairage bien évidemment durant la nuit. C'était vraiment difficile. Ce qui a fait qu'ils ont malheureusement raté les matchs des Verts. «On aurait voulu être sur place, mais il y a eu des imprévus», nous ont-ils indiqué. La rencontre du 18 juin face à l'Angleterre a été suivie par les cinq supporters dans la région de Juba, au Soudan. «Le match face à l'Angleterre on l'a regardé dans un petit village de la région de Juba. Les gens n'avaient pas tous des téléviseurs. Donc, ils en ont installé un au centre du village. On a suivi la rencontre avec eux. Ils supportaient tous l'Algérie. L'ambiance était telle qu'on se croyait à Alger», nous a déclaré Mohamed Gasmi. Ainsi, les cinq aventuriers ne sont finalement arrivés en Afrique du Sud qu'à la veille de la finale. Un match qu'ils n'ont pu suivre dans le stade de Soccer City en l'absence des billets d'accès. «L'Onat (Office national du tourisme) n'a pas voulu nous vendre des billets. Ils ont exigé de nous d'acheter tout le pack du voyage. Et nos doléances dans ce sens auprès des autorités compétentes se sont avérées vaines. Pour la finale, c'était impossible pour nous de les acheter : ils coûtaient près de 1 000 dollars. Donc, on a suivi le match sur une placette où un écran géant a été aménagé par les organisateurs», nous a raconté Hind Benghanem. En tout état de cause, au-delà de la Coupe du monde, ce voyage a été une occasion pour ces cinq supporters de découvrir un continent fascinant, accueillant et aux paysages féériques, comme ils le déclarent. Ils ont eu à découvrir plusieurs cultures et traditions. Au-delà des facilités dont ils ont bénéficié pour ce voyage en Afrique du Sud, nos cinq supporters ont tenu à exprimer également leurs remerciements aux ambassadeurs algériens dans les différents pays qu'ils ont parcourus pour l'accueil qu'ils leur ont réservé. C'est le cas notamment, a précisé Hind Benghanem, de l'ambassadeur d'Algérie à Maputo, au Mozambique, M. Tazir, et de son épouse qui les ont invités à passer la nuit dans leur résidence. Pour le retour, trois des cinq aventuriers, dont Hind Benghanem et Mohamed Gasmi, sont revenus en avion - leur véhicule a été acheminé par bateau - au lendemain de la finale. Les deux autres, en l'occurrence Abderahmane Maïzi et Djamel H., ont décidé de faire le retour par route également. Ces deux-là ne sont pas encore arrivés. Ils ont découvert un continent aux paysages tellement fascinants qu'ils ont décidé de prolonger leur séjour. La prochaine Coupe du monde se déroulera au Brésil. Des Algériens ont commencé à réfléchir d'ores et déjà au voyage dans le cas d'une qualification des Verts. D'autant plus que pour eux, désormais, la participation de l'équipe nationale à la phase finale d'une Coupe du monde doit devenir une tradition. A. A.