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L'Occident choisira-t-il de continuer sur la voie diplomatique avec Téhéran ? L'Iran multiplie les manœuvres militaires, les tirs d'essai et l'exhibition de nouvelles armes de guerre
«Le pétrole est un matériau noble, bien trop valeureux pour le brûler […] Nous envisageons de produire, aussi tôt que possible, 23 000 mégawatts d'électricité en utilisant des centrales nucléaires», a déclaré le dernier Shah iranien Mohammed Reza Pahlavi, en mars 1974, cinq ans seulement avant son reversement par la révolution iranienne de 1979. Aujourd'hui, ce vœu est devenu une réalité à laquelle le monde occidental ne veut toujours pas s'accommoder. L'Iran et le reste du monde Les capitales occidentales estiment en fait que la République islamique d'Iran cherche à utiliser l'énergie nucléaire à des fins militaires. De son côté, Téhéran persiste à affirmer que ses programmes nucléaires servent la recherche scientifique, notamment médicale, et à produire de l'électricité afin de conserver le plus longtemps possible les ressources énergétiques fossiles. Pourtant, à l'époque de la guerre froide et après que la Russie eut temporairement abandonné sa coopération avec le régime iranien post-révolution, les pays occidentaux, à leur tête les Etats-Unis, se sont empressés d'encourager les nouvelles autorités de Téhéran à poursuivre le programme nucléaire qu'ils considèrent trente ans plus tard comme un danger pour la planète entière. D'où la série de sanctions internationales contre le régime des ayatollahs qui demeure pour le moment imperturbable devant les menaces américaine et israélienne. La preuve en est que Téhéran continue à dévoiler les nouveautés technologiques, surtout dans le domaine militaire, à chaque fois que la pression monte autour de son programme nucléaire controversé. Ces démonstrations de force interviennent généralement à la veille d'un nouveau round de négociations entre l'Iran et les grandes puissances nucléaire, sous l'égide de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), est basée à Vienne. Depuis une semaine, l'ancien Empire perse à passé la vitesse supérieure, en lançant, samedi dernier, sa première centrale nucléaire à Bouchehr (sud) et en dévoilant, en présence du président Mahmoud Ahmadinejad, le premier drone bombardier made in Iran. Dans le même sillage, Téhéran a procédé à plusieurs tirs d'essai d'un nouveau missile sol-sol, de fabrication domestique, appelé Qiam, d'une portée de 1 500 km, selon les médias officiels iraniens. En ce qui concerne la centrale nucléaire de Bouchehr, et du fait de la participation de la Russie à sa construction, sous la supervision de l'AIEA, Washington a fini par déclarer que cette installation ne représente aucun danger de prolifération nucléaire. Une centrale et des tensions La déclaration de la Maison-Blanche au sujet de cette centrale, qui permet à l'Iran d'accéder à l'énergie atomique, a apaisé un peu les esprits qui commençaient s'échauffer. Car, quelques jours avant le lancement de cette centrale, une violente guerre des mots a opposé Téhéran et certaines capitales occidentales, par médias interposés. Tel-Aviv est allé jusqu'à menacer de procéder à des frappes aériennes avant le début des opérations de chargement du combustible dans le réacteur au niveau de la centrale de Bouchehr, en dépit des assurances de Moscou qui a repris le projet en question en janvier 1995, suite au retrait de l'entreprise allemande Siemens à la fin des années 1980, en raison des pressions exercées par les autorités berlinoises qui craignaient à l'époque le risque d'une prolifération nucléaire. Pour rappel, les travaux de la centrale de Bouchehr ont été entamés durant le règne du Shah en 1975. Ils ont été interrompus par la révolution islamique de 1979, et la guerre Irak-Iran (1980-1988). Le réchauffement des relations diplomatiques entre la Moscou et Téhéran, durant la guerre ayant opposé l'Iran à l'Irak a permis donc la reprise de ces travaux en 1995. Ce qui n'a pas été du goût des Etats-Unis qui ont changé, entre-temps, leur vision sur le régime des ayatollahs, faisant de lui leur futur ennemi. Les sanctions internationales infligées à l'Iran sont le résultat de la pression exercée par la diplomatie américaine sur ses alliés occidentaux et les pays qu'elle a soumis à son influence et à son chantage économique. Si la Maison-Blanche menace régulièrement de mener sa guerre d'extermination du régime islamique des ayatollahs, cette option demeure pour le moment peu plausible, en raison de l'opposition de nombreux pays, dont des membre du groupe des «Six» (Etats-Unis, Chine, Grande-Bretagne, France, Allemagne et Russie) qui négocient sur le nucléaire iranien sous l'égide de l'AIEA. La menace israélienne Mais, en dehors de l'Oncle Sam, il ne faut pas ignorer Israël, puissance nucléaire non déclarée, et non moins ennemi juré des Iraniens. Nombreux sont ceux qui prédisent, d'ici à un an, le déclenchement d'une guerre irano-israélienne capable d'enflammer toute la région du Proche-Orient. Pour Jeffrey Goldberg, journaliste américain en Israël, travaillant pour le compte de la revue The Atlantic, il y a «plus d'une chance sur deux» pour qu'Israël bombarde l'Iran d'ici à juillet 2011. L'auteur de l'analyse avance une multitude de raisons, dont le risque d'un embrasement général de la région et le passage d'une guerre conventionnelle à une guerre nucléaire, pouvant entraîner des conséquences économiques, environnementales et politiques des plus fâcheuses. Jeffrey Goldberg cite le risque du déclenchement de violentes représailles du Hezbollah, sinon de l'Iran lui-même, le déclenchement d'une guerre régionale, un choc pétrolier aux conséquences catastrophiques, une rupture des relations américano-israéliennes et une vague mondiale d'attentats antisémites. Dernière conséquence possible (mais ce n'est pas la moindre, et c'est la plus probable) : raffermissement du pouvoir des mollahs à Téhéran. Dans son livre Tsahal à l'épreuve du terrorisme, publié en 2009 chez les éditions Le Seuil, Samy Cohen (directeur de recherche au CERI) a écarté toute éventualité d'une guerre israélienne sur l'Iran. Pour lui, ce scénario est «tout sauf évident». L'auteur a mené son enquête auprès des «principaux experts israéliens des questions stratégiques». Il a affirmé que la «doctrine Begin» forgée lors de la destruction de la centrale irakienne d'Osirak en 1981, puis une nouvelle fois lors de la frappe sur un site nucléaire en Syrie (septembre 2007) pourrait s'appliquer à l'Iran. Cette doctrine a pour principe l'élimination physique des savants atomistes et des professeurs d'université impliqués dans les différents programmes de recherche dans le nucléaire. D'ailleurs, le Mossad (le service des renseignements israéliens) a usé de cette doctrine en Irak et a assassiné plus de 350 savants atomistes et 300 professeurs d'université irakiens, d'après le département d'Etat américain. La guerre Israël-Iran : une option Samy Cohen soutient qu'«au-delà des postures alarmistes, de nombreux experts israéliens doutent du caractère inéluctable d'une attaque contre l'Etat hébreu. Selon eux, l'Iran ne prendra pas le risque d'une seconde frappe nucléaire, après un tir contre Israël. Bref, la dissuasion fonctionnerait. La violence du discours antisioniste de la part de Téhéran vise à rassurer et anesthésier la vigilance des pays arabes, en tentant de faire passer le message que la future arme ne leur est pas destinée». Sur le plan des capacités de l'armée israélienne à détruire les principales cibles sur le territoire iranien, les experts sont unanimes à émettre des réserves. Pour eux, l'armée israélienne ne peut pas atteindre ses objectifs de frappe du fait que la plus grande partie des installations nucléaires et des bases militaires iraniennes sont souterraines et tenues secrètes. Selon le Conseil national de résistance iranien, un groupe d'opposition, le nombre de sites souterrains où l'Iran dissimule des bases militaires est estimé à 19. «Une grande partie du complexe militaro-industriel du nucléaire iranien est cachée dans un réseau de souterrains et de bunkers dans tout le pays», selon le quotidien américain New York Times. C'est ce qui explique l'hésitation des Etats-Unis à se lancer dans une aventure guerrière dont ils ignoreraient l'issue. Evoquant l'attitude négative de Washington envers son alliée israélien, M. Cohen a ajouté qu'«elle est encore plus défavorable sous Obama que sous Bush... qui avait déjà refusé de livrer des bombes capables de pénétrer certains bunkers. Israël pourrait-il prendre le risque d'une crise majeure avec les Etats-Unis en passant outre ? Peu de choses le laisse croire. D'autant qu'«en cas d'accession de l'Iran au rang de puissance atomique, les bons liens avec les Etats-Unis joueraient un rôle précieux». Pour rallier les autorités américaines à leur cause, les stratèges militaires et politiques israéliens seraient, selon certains experts, derrière la reprise des négociations israélo-palestiniennes qui devrait intervenir à Washington à partir du 2 septembre prochain. En acceptant de revenir à la table des négociations avec le président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, le Premier ministre israélien chercherait à convaincre le président américain d'être de la partie. Dans le cas où Tel-Aviv se déciderait à lancer, seul, son assaut sur Téhéran, les Américains pourraient se joindre à lui puisque Netanyahu aurait accepté de céder sur certains points sensibles concernant la question palestinienne, comme le gel de la colonisation en Cisjordanie et à El Qods-Est. Par contre, il ne faudrait pas ignorer l'autre jeu des alliances qui profiterait à l'Iran. Avec la Turquie qui veut imposer son influence dans la zone du Proche-Orient, ainsi que la Russie et la Chine qui ont des intérêts économiques colossaux à sauvegarder en Iran, il ne serait pas facile pour l'Etat hébreu de bombarder un pays où même les partis opposés à Mahmoud Ahmadinejad ne peuvent pas être corrompus en raison de leur attachement au régime des Gardiens de la révolution. Donc, si guerre il y avait entre l'Occident et l'Iran, ce ne serait pas dans l'immédiat, soutiennent la majorité des observateurs avertis et les experts en géostratégie. L. M.