«La Mauritanie n'est pas en guerre contre El Qaïda. Nous ne sommes en guerre contre personne. Notre problème est avec des groupes de malfaiteurs.» Cette déclaration du président mauritanien, Mohamed Ould Abdelaziz, est très étonnante.C'est la première fois que le chef de l'Etat mauritanien s'exprime depuis que l'armée de son pays a attaqué un groupe terroriste dans le nord du Mali au mois de septembre. Jusque-là, les responsables mauritaniens, y compris des militaires parlaient de lutte antiterroriste. Là, nous sommes face à une nouvelle donne. Il ne s'agit plus du même problème, du même phénomène. Car, dès les premiers couacs entre l'armée mauritanienne et des groupes «criminels», l'élément Aqmi a toujours été central. C'était ce groupe qui avait attaqué, il y a deux ans, une caserne de l'armée à la frontière entre la Mauritanie et l'Algérie. C'est également avec ces groupes islamistes que des accrochages ont eu lieu après le rapt, au mois de juillet dernier, de l'humanitaire français Michel Germaneau. Preuve en est que l'exécution de ce dernier est revendiquée par le groupe que gère le terroriste Abou-Zeid.De plus, les responsables occidentaux n'ont jamais parlé de lutte contre d'autres groupes dans la zone sahélo-saharienne. Ils ont toujours estimé que la lutte était dirigée contre Al Qaïda au Maghreb islamique. «Nous sommes prêts à aider la Mauritanie dans sa lutte contre les terroristes d'Al Qaïda», devait déclarer le ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner. Entre-temps, le régime de Nouakchott avait élargi des dizaines d'activistes islamistes. Beaucoup d'entre eux avaient activé, pendant longtemps, dans les groupes radicaux. Cette nouvelle donne a-t-elle à ce point pesé dans la balance lors des déclarations des responsables mauritaniens ? Y a-t-il un pacte entre les deux parties allant dans le sens de pousser le gouvernement de Ould Abdelaziz à faire des concessions aussi importantes ?Tout porte à croire, en effet, que ce nouveau discours est le fruit d'une nouvelle situation. Il reste juste à savoir de quelle nature est ce changement. La première hypothèse est celle qui consiste à penser que les Mauritaniens ont tout simplement peur de ces mouvements terroristes. Disposant de très peu de moyens matériels pour protéger un si vaste pays désertique, la Mauritanie serait donc tentée de calmer le jeu face à des groupes terroristes de plus en plus voraces. Cette attitude pourra éventuellement prémunir Nouakchott contre toute action sur son territoire, du moins à moyen terme.La deuxième hypothèse est celle d'un deal passé entre l'armée mauritanienne et les groupes terroristes. Là, le danger sera probablement évacué de la Mauritanie. Il se retrouvera renforcé dans les pays voisins, à l'image du Mali et du Niger.Face à ces lectures, une évidence de taille s'impose : ce recul mauritanien aura des conséquences extrêmement néfastes sur les pays de la région. Cette abdication sonne également le glas des tentatives par les pays de la région de fédérer leurs efforts pour parvenir à une lutte efficace contre le terrorisme. C'est d'ailleurs le plus grand danger. Il reste à connaître, à présent, la réaction des partenaires de la Mauritanie. L'attitude de la France sera particulièrement attendue. A. B.