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«Il faut réduire la dépendance alimentaire vis-à-vis de l'international» Pour éviter les hausses des prix agricoles, Abdolreza Abbassian, économiste à la FAO, préconise :
Entretien réalisé par Emilie Lévêque Emilie Levêque : La flambée des prix des denrées alimentaires depuis six mois inquiète l'ONU. Partagez-vous ses craintes ? Abdolreza Abbassian : La situation est en effet très tendue pour un certain nombre de produits alimentaires. Notre indice global des prix des produits de base agricoles (céréales, viande, sucre, oléagineux, produits laitiers) se situe actuellement à un niveau historique. Nous ne croyons pas que cette hausse va s'accentuer, mais nous ne croyons pas non plus à un retour à la normale au cours des six prochains mois. Faut-il craindre une nouvelle crise alimentaire comme celle de 2008 qui avait provoqué des émeutes de la faim dans une trentaine de pays ? Pour le moment, la situation des céréales n'est pas aussi critique qu'en 2008. Le maïs, le blé, le sucre et le colza sont les plus touchés par cette forte hausse. Or le sucre et le colza ne sont pas des produits de première nécessité. Et en Asie, le prix du riz, base de l'alimentation, a été divisé par deux par rapport à 2008. Néanmoins, pour faire face aux aléas climatiques des six derniers mois - sécheresse et incendies en Russie, inondations en Australie, sécheresse en Russie, canicule en Ukraine, pluies trop fortes au Canada et maintenant sécheresse en Argentine -, nous avons beaucoup puisé dans les stocks de réserve mondiaux. Si la production mondiale n'augmente pas fortement cette année - au moins 6% pour le maïs et 3,5% pour le blé -, des conséquences graves sont à redouter en 2012. Comment expliquer que, deux ans après la crise de 2008, un nouveau scénario catastrophe se profile à l'horizon ? Rien n'a changé depuis ? Il est vrai que les engagements financiers des pays riches en faveur de l'agriculture des pays pauvres n'ont été que très partiellement tenus [NDLR : selon l'ONU, 20% seulement des 20 milliards d'euros promis lors du sommet du G8 de L'Aquila, en avril 2009, pour relancer la production agricole dans les pays en développement, ont été déboursés]. Mais le problème fondamental reste le sous-investissement des pays en développement dans une agriculture locale vivrière. Tant que ces pays, africains notamment, ne réduiront pas leur dépendance alimentaire vis-à-vis de l'international, les tensions à la hausse des prix agricoles seront récurrentes. La France souhaite que le G20 qu'elle préside cette année s'attaque à la volatilité des prix des matières premières. La FAO est, bien sûr, appelée à participer aux débats. Quelles solutions sont envisagées ? C'est une très bonne chose que la France ait décidé de faire de ce sujet une priorité du G20. Jamais auparavant les discussions entre les différents acteurs - Etats, institutions internationales, ONG, secteur privé - n'avaient été aussi poussées. Ce qui ressort des différentes consultations, c'est qu'il n'existe pas de solution miracle à ce problème de la volatilité des prix. Mais il est possible d'avancer dans plusieurs domaines. Il est notamment essentiel d'améliorer la transparence des informations disponibles sur l'état des stocks et de la production. Ne faut-il pas réguler les prix pour éviter les effets spéculatifs ? Il est très difficile de réguler les cours des produits agricoles sur les marchés. Si on décide de limiter le cours d'un produit, le blé par exemple, cela pourrait inciter les producteurs à moins en produire, ce qui créerait une pénurie d'offres tout aussi néfaste qu'une hausse des prix. Le problème, c'est surtout la spéculation sur les marchés dérivés. Il est en revanche souhaitable de parvenir à une plus grande transparence des opérations de gré à gré sur ces marchés et de fixer des règles plus strictes limitant le nombre de positions qu'un investisseur peut détenir sur une seule matière première. E. L. Entretien paru le 11 janvier 2011 sur L'Expansion.com