Des citoyens, avec femme et enfants, munis de leur livret de famille - preuve de leur situation sociale -, ont squatté quelque 800 appartements dans une cité de la périphérie est d'Alger. D'emblée, toute personne respectueuse des lois et de la légalité condamnerait le fait et défendrait l'expulsion manu militari de ceux qui osent occuper des logements ne leur appartenant pas. Et elle n'aurait pas tort. La loi protège les personnes, les biens et la propriété privée. Le logement étant un bien appartenant à une personne ne peut donc être détourné par ou au profit d'une autre.Mais la loi ne peut être évoquée dans le cas qui nous concerne, et la raison en est simple : la cité, inaugurée deux fois, la dernière en 2008, est toujours inoccupée. Les logements squattés étaient vacants alors qu'alentour des familles entières s'entassaient dans des habitations précaires. Les familles qui ont osé fouler aux pieds la loi l'ont fait à leur corps défendant, en se gardant cependant d'occuper deux blocs dont les appartements étaient meublés, car considérant qu'ils avaient leurs propriétaires, même si ces derniers n'y habitent pas et les gardent fermés. Ce respect de la propriété privée sera clairement exprimé par un père de famille qui, en réponse à une femme suggérant d'aller squatter les logements fermés de la cité AADL, dira que ces derniers appartenaient à des citoyens comme elle et lui.Cette attitude montre le sens de la responsabilité et du respect des lois et de l'ordre dont peuvent faire preuve les citoyens, à condition qu'ils ne se sentent pas eux-mêmes victimes de ces lois et de cet ordre, qui, parce que instrumentalisés et mis au service de certains privilégiés, les réduisent au rang de sous-citoyens. N'est-ce pas un outrage qu'une cité finie, inaugurée soit fermée depuis près de cinq ans alors que des milliers de citoyens ne trouvent pas où loger décemment ? Combien y a-t-il de cités, d'appartements, de postes d'emploi, de bourses d'études, de prises en charge… attribués à des passe-droits, des personnes ayant le bras long ou du pouvoir ? Combien de super citoyens ont usé de leur poids et de celui de leurs soutiens pour peser sur la balance de la justice et la faire pencher du coté souhaité ? Et où sont donc la légalité et l'ordre censés mettre un bandeau sur les yeux de Dame Justice, une épée dans un bras et une balance dans l'autre pour que l'Etat de droit ne soit plus un vœu pieux, un discours de circonstance, mais une réalité ?Tant que ces problématiques restent posées, la légalité aura toujours la légitimité pour adversaire, au lieu d'en être complémentaire, voire l'émanation. Et tous les exclus, les désabusés, les lésés, les trompés et les victimes de l'ordre continueront à faire valoir leurs droits légitimes qu'ils brandiront face au droit légal, avec même parfois, malheureusement, des manifestations de violence qu'on peut réprimer mais qu'on ne peut faire disparaître tant qu'on en n'a pas tari la source. H. G.