Ferhat Cherkit, journaliste au quotidien El Moudjahid, fut assassiné le 7 juin 1994 à Alger alors qu'il se dirigeait vers son lieu de travail. Son épouse, son frère, ses amis et ses anciens collègues de l'Agence Algérie Presse Service et du quotidien El Moudjahid lui ont rendu, hier, un vibrant hommage à l'occasion du 17e anniversaire de son lâche assassinat. «Ferhat (Cherkit, Ndlr) a été surpris à 8h30 au détour de la rue Ali Moussaoui alors qu'il se dirigeait vers son lieu de travail. Les terroristes qui le guettaient depuis plusieurs jours, se sont fait passer pour des vendeurs de cigarettes. Un collègue fut intrigué par des adolescents plutôt bien vêtus, qui vendent du tabac. Il était cependant loin d'imaginer que ces faux vendeurs allaient achever son ami de deux balles de 7,5 mm qui l'ont atteint à la carotide. Il est décédé sur le coup, le corps baignant dans une mare de sang». C'est le témoignage poignant qu'a fait Abderrahmane Mekhlef, ancien journaliste de l'APS et ami du défunt journaliste. «Ce jour-là, son épouse s'était précipitée au siège du journal pour nous annoncer la funeste nouvelle, en s'écriant ‘'Ferhat ils t'ont eu !''», se souvient son compagnon qui fut également correspondant de l'APS pendant plusieurs années à Belgrade. Il témoigne que feu Cherkit «aimait» défier les «assassins». La preuve, de son vivant, le défunt sortait en pleine nuit pour arroser les fleurs qu'il avait plantées dans un petit jardin près de son domicile à El Mohammadia à Alger. C'était dans les années 90 alors que les journalistes et les intellectuels étaient les cibles des groupes islamistes armés. Né le 4 juillet 1951 à Tigzirt (Tizi-Ouzou), Ferhat Cherkit a grandi à La Casbah. Après de brillantes études, il décroche en 1978 une licence en sciences politiques et relations internationales. Sa carrière dans le monde du journalisme, il l'a débutée en 1980 dans la presse écrite, plus précisément dans l'Hebdomadaire, ensuite dans la revue Révolution Africaine, puis à l'APS, avant d'atterrir à El Moudjahid où sa jeune carrière, commencée 14 ans plutôt, s'était tragiquement achevée par son lâche assassinat en 1994. Alors que l'islamise armé faisait sombrer le pays dans une spirale de sang et de feu, le défunt, le verbe incisif, ne se gênait pas de dénoncer «ceux qui s'autoproclamaient vicaires de Dieu» ainsi que les «géniteurs» de l'islamisme modéré. «Ceux qui l'ont assassiné ne le connaissaient pas. Mais ceux qui l'ont commandité (son assassinat, Ndlr), le connaissaient parfaitement», affirme un de ses anciens camarades à El Moudjahid. Cet intellectuel à la «force tranquille», comme l'a souligné son jeune frère, Mohamed, avait pour destin de réparer quelque chose dans son pays. «Il était conscient des risques qu'il encourait, mais il les assumait. Mieux, il n'a jamais reculé ni baissé les bras. Son objectif était de combattre les forces du mal qui menaçaient le pays», raconte Mohamed Cherkit, qui ajoute qu'il avait maintes fois prévenu son frère quant au risque d'emprunter le même itinéraire tous les jours. Extrait d'un de ses billets dans El Moudjahid, près d'une année avant sa mort : «Jusqu'à présent, écrivait-il, ce sont ceux qui souhaitent la mort de l'Algérie et l'enfer pour son peuple, qui se permettent, avec un appétit d'ogre, de faire la fine bouche. Alors que des agents de l'Etat, des patriotes et les meilleurs hommes de sciences et de culture tombent victimes de la traitrise et de la barbarie mafieuse, des être indignes vont jusqu'à tenir un langage d'une complicité criminelle (…)» 17 années après sa tragique disparition, la mémoire de Ferhat Cherkit continue d'être perpétuée. Une école primaire dans la commune d'Alger-Centre porte aujourd'hui son nom. Il laisse derrière lui une veuve et deux orphelins. Y. D.