Engagés dans une guerre de renseignement en profondeur et tous azimuts, les services de sécurité ont déjoué récemment un attentat- suicide de grande ampleur qui visait la capitale, à la veille du mois sacré de Ramadhan. L'action préventive s'est déroulée à Thénia, dans la wilaya de Boumerdès, un des abcès de fixation du terrorisme islamiste les plus durs dans le nord du pays. Lundi 25 juillet, agissant sur renseignements opérationnels fournis par des éléments d'AQMI, des repentis islamistes et des proches de familles de terroristes, les services algériens ont intercepté un véhicule de tourisme chargé d'explosifs, près d'un barrage filtrant, non loin du pont menant à Ouled Ali. Ce qui a contraint les terroristes, dont certains furent abattus sur le pont même, à faire sauter la voiture en explosant avec. Il s'agit-là, indéniablement, d'un fait d'arme salutaire qui a vraisemblablement évité un attentat spectaculaire comme celui qui a endeuillé Alger, en décembre 2007. Cette opération, qui intervient au cours d'un mois de juillet caractérisé par une violence recrudescente, est un nouveau marqueur de la déréliction du terrorisme algérien. Traceur qui signe, d'une encre plus marquée, l'échec des amants de l'apocalypse, dont le vertige nihiliste exprime le recours, de plus en plus désespéré, au suicide de combat. En faisant davantage appel aux kamikazes comme armes de guerre massives contre le peuple algérien. Pour leur part, en fournissant aux services de sécurité des renseignements opérationnels de première qualité, les proches des activistes d'AQMI, notamment dans les réseaux de soutien, les sériât, ces cellules d'appui actives ou dormantes, traduisent, en effet, une tendance lourde observée ces dix dernières années. A savoir que les réseaux terroristes sont de plus en plus déconnectés de la population qui ne leur fournit plus une assistance stratégique et qui, surtout, n'hésite plus à les dénoncer en collaborant spontanément avec les services de sécurité. C'est un tournant majeur, même si le terrorisme algérien demeure à l'état résiduel mais endémique. L'affaiblissement progressif du terrorisme, la réduction significative de sa capacité de nuisance et, subséquemment, la transformation de son théâtre d'opération, avec la persistance d'abcès de fixation et de poches de résistance dans le nord de l'Algérie, et en guise d'arrière-cour stratégique le Sahel africain, ont obligé les services de sécurité algériens à s'adapter constamment à la menace qu'il représente. Au point de modifier la doctrine de guerre depuis l'irruption du conflit armé libyen aux frontières orientales de l'Algérie, avec toutes les implications en matière d'exfiltration d'armes de différentes natures vers le territoire algérien et la bande sahélienne. Outre le renforcement du dispositif de veille active aux frontières et la présence de sentinelles d'alerte et d'observation sur le théâtre de guerre libyen, les services de sécurité ont utilisé sur le territoire national de nouvelles techniques de suivi des réseaux terroristes. Ainsi, en plus de la surveillance électronique accrue (écoutes, interceptions de sécurité), des barrages asphyxiants, organisés en cercles concentriques, ont été utilisés sur les voies d'accès à Alger. Ce qui a permis d'immobiliser récemment le véhicule lourdement piégé dans la localité de Thénia. Non sans causer, il est vrai, de grands désagréments aux automobilistes qui ne pouvaient pas comprendre le sens réel de ces goulots d'étranglement sécuritaires, ô combien salvateurs !La neutralisation du groupe de suicidants terroristes en question, dont ferait partie Abdelqahar Belhadj, le fils d'Ali, ancien dirigeant de l'ex-FIS, selon des sources sécuritaires à Alger, est un autre indicateur de l'échec militaire de l'islamisme radical. Un nouveau surligneur fluorescent de la défaite de la thanatocratie islamiste, celle des Khmers verts algériens. Des sicaires assassins qui veulent ériger le gouvernement de la mort en usant de kamikazes, dont le sacrifice n'a aucun lien avec l'Islam prôné et scrupuleusement pratiqué par leurs coreligionnaires. Depuis son auto-affiliation à Al Qaida dont il s'est octroyé le label de légitimation idéologique, le terrorisme algérien, étiqueté AQMI, a donc quitté les sentiers du tyrannicide islamiste qui voulait en faire un conglomérat de mustadhâafine, des laissés-pour-compte contre les toughat. Il est, depuis assez longtemps maintenant, dans une névrose de guerre, une forme démoniaque de suicide dont l'essence est bien la destruction, massive, si possible et le plus possible. En application du Djihad fétichisé, par respect scrupuleux de la faradhiya el-gha'iba, la sixième obligation absente des djihadistes et des takfiristes, les chevaliers de l'exil et de la rédemption. Mais là, on n'est plus dans le Djihad même, mais beaucoup plus dans une fermeture paranoïaque dans laquelle se sont englués des illuminés devenus, par étapes, des islamistes-terroristes-égorgeurs-suicidants. Avec comme véritable religion, la violence homicide proposée à des recrues enrôlées parmi les frustrés du modernisme et les exclus d'une rente pétrolière injustement et infructueusement redistribuée. On n'est plus, non plus, dans la commanderie du Bien et le pourchas du Mal, obligation morale censée justifier l'action de ceux dont le but suprême est la réislamisation de la société algérienne par un surcroît de morts propitiatoires et expiatoires. Quitte à déplaire à Dieu Lui-Même et à dévier de Sa Voie. Lui, le Seigneur qui commande «qu'il n'appartient [à aucun être vivant] à personne de mourir que par la permission de Dieu, d'une prescription déterminée» (Coran III, 145). Le Divin, à propos de la Loi du Talion qui énonce par ailleurs que «quiconque a tué un homme sans que celui-ci ait tué ou semé la discorde dans le pays sera considéré comme s'il avait tué l'humanité tout entière» (Coran IV, 32). N. K.