Photo : SS. Zoheir De notre correspondant à Constantine Nasser Hannachi Contrefaçon, piratage, appropriation des efforts consentis par les artistes et créateurs dans l'acte culturel et artistique cohabitent sereinement avec le marché formel. Point de sonnette d'alarme qu'on tirerait pour mettre fin à ce phénomène indélicat. Les consommateurs estiment y avoir droit et y voient une aubaine pour se cultiver à moindre prix vu la rareté et aussi la cherté des produits originaux. Le créneau est un filon d'or pour ses acteurs, au grand bonheur des consommateurs et dam des artistes. Que n'a-t-on pas encore piraté ? Même les antivirus informatiques…n'ont pas échappé à cette furia de tout reproduire ! L'acte de piratage tue à petit feu toute création artistique et culturelle. Une évidence moult fois rabâchée, et par moment assouplie, pour lutter efficacement contre ce fléau. C'est une appréciation formulée à longueur d'année par les acteurs impliqués directement, c'est-à-dire ceux qui investissent gros dans ce genre de production.Pourtant, l'ampleur du phénomène inquiète peu l'administration locale au grand dam des générateurs de projets. Le marché informel issu de cette stratégie de gain facile sans le moindre effort est généralisé et parsème les endroits stratégiques de vente outre les magasins pseudos spécialisés de la wilaya. Chaque acteur trouve son compte en proposant des supports dupliqués à moindre coût. Le commerce le plus corpulent en la matière relève des CD et DVD, et le livre n'est pas épargné par cette frénésie du moindre coût. «On achète un compact disc à 50 ou 80 da. C'est un cadeau pour nous. On paye une nouveauté d'outre mer, à ce prix c'est un don…», témoigne un jeune devant un étal de films et de musiques sur le quai d'une des artères principales de la ville. Pour ce même coût on pourra facilement acquérir un support original, sous toute réserve, car la seule garantie est le timbre fiscal et de droit d'auteur imposé par l'Office national des droits d'auteurs et droits annexes (Onda) qui, lui-même, a été maintes fois falsifié. Ce qui amène à dire que la propriété intellectuelle ou artistique est traitée plutôt à la légère, au point d'inculquer à la population une fausse culture, celle du piratage et de l'appropriation illicite. Pour peu que les intérêts commerciaux relevant des pouvoirs publics ne soient pas pénalisés, tout ce monde trouve son calcul.Personne ne peut dire que le piratage ne rend pas service aux bourses moyennes. C'est une réalité admise même par les officiels et responsables. En effet, rares sont ceux qui ont les moyens et qui peuvent se permettre une encyclopédie originale sur support. Et pourquoi le ferait-il puisque le produit est disponible sur le marché parallèle à 150 DA grand maximum. N'est ce pas là une aubaine ?Cela ne devra pas durer si d'aventure le marché est régularisé et les détenteurs de brevets, de licences et de droits d'auteurs voyaient leurs efforts sauvegardés et protégés contre l'informel. Le consommateur cherche par-dessus tout son intérêt, et cela est légitime, vu la flambée des prix qui prévaut dans le circuit des transactions commerciales. Et le mutisme des acteurs potentiels qui tirent leur épingle du jeu n'est pas fait pour arranger les choses.Pour autant, les artistes locaux ne se sentent guères concernés par cette pratique. Ils ferment l'œil prétextant que l'Onda se charge du problème. En contrepartie, toute éventuelle perte causée par les ventes sur le marché informel est compensée selon l'équation relative au tirage initial du produit déclaré auprès de l'Office.S'agissant du piratage des livres, la pratique fait le bonheur des étudiants et étudiantes. Privés de nombreux livres et ouvrages qui sont soit introuvables dans les bibliothèques soit hors de prix dans les librairies, les étudiants trouvent dans certains magasins qui en font un commerce rentable l'objet recherché. Ces commerçants se contentent de photocopier un ouvrage et en font un gros tirage qu'ils vous cèdent au 1/10 du prix qu'il vous coûterait en libraire. La motion d'interdiction de toute reproduction illégale n'a aucun effet. Ce créneau est largement exploité au niveau des universités. «On ne peut pas se permettre des ouvrages techniques ou scientifiques à des prix qui donnent le vertige», témoigne une étudiante en urbanisme et d'ajouter : «Peu importe ce que l'on en dise, l'essentiel pour nous est d'acquérir les ouvrages dont on a besoin pour le cursus avec en plus des prix abordables.»Ils sont d'ailleurs nombreux à soutenir que le piratage est le bienvenu avec un marché formel où les prix imposés par les importateurs et tous les intermédiaires sont exorbitants. Certaines reproductions illégales de ces ouvrages ciblés qui font partie du cursus universitaire, sont ainsi vendus et utilisés sous le regard «passif» des pouvoirs publics. On peut se féliciter que la production nationale ne soit pas touchée par ce phénomène. Ce serait la raison principale pour laquelle les hackers continuent d'activer sans être trop inquiétés. Ecrits, sons et images produits ailleurs sont ainsi téléchargés et gravés sur supports numériques sans que personne n'y trouve à redire. In fine, d'un côté le piratage permet une socialisation de la culture à moindre coût, mais de l'autre, il affecte les créateurs d'idées et les artistes qui sont lésés.