Une foule immense d'opposants russes s'est rassemblée hier à Moscou pour contester à nouveau les résultats des législatives du 4 décembre dernier. Une mobilisation, affirment les agences de presse, plus importante que le rassemblement qui s'était tenu quinze jours plus tôt et qui était déjà considéré comme un défi sans précédent à Vladimir Poutine. Deux semaines plus tard, les manifestants réinvestissent la rue à nouveau scandant «Russie sans Poutine» ou «Nouvelles élections». Ils étaient au nombre de 28 000 selon la police russe, alors que les organisateurs avancent le chiffre de 100 000 personnes. Le 10 décembre, six jours après les législatives, des dizaines de milliers de Moscovites avaient convergé vers la place Bolotnaïa pour dénoncer des fraudes et donner à la manifestation un tour sans précédent depuis l'arrivée de Vladimir Poutine au pouvoir, en 1999.La nouvelle mobilisation de samedi est un succès pour le mouvement disparate né de la contestation des résultats des législatives du 4 décembre. Regroupant libéraux, nationalistes, anarchistes, écologistes et jeunes urbains, l'opposition affirme que la victoire de Russie unie, le parti présidentiel, qui a conservé de justesse sa majorité absolue à la Douma d'Etat, résulte de fraudes massives. Ils réclament l'annulation du scrutin et la tenue de nouvelles élections, l'enregistrement de partis d'opposition, l'éviction du président de la commission électorale et la libération de détenus considérés comme des prisonniers politiques. Certains veulent aussi la démission de Poutine. Un avis du Conseil des droits de l'Homme rattaché à la présidence russe a donné du baume au cœur aux opposants. Il estime que les allégations d'irrégularités - confirmées par des observateurs étrangers - ont jeté le discrédit sur la nouvelle Douma. Ceci constitue «une véritable menace contre l'Etat russe», ajoute le conseil qui estime également que le président de la commission centrale des élections, Vladimir Tchourov, devrait démissionner. L'avis n'est que consultatif, mais il renforce la motivation des contestataires, qui ont également reçu l'appui d'Alexeï Koudrine, un proche de Poutine dont il fut le ministre des Finances pendant onze ans, jusqu'à septembre dernier. «Je partage vos émotions négatives liées aux résultats des élections législatives dans notre pays», écrit-il dans une tribune publiée sur le site Internet du quotidien Kommersant. Face à cette mobilisation, l'actuel Premier ministre, qui entend retrouver la présidence à l'occasion de l'élection de mars prochain, et le chef de l'Etat, Dmitri Medvedev, ont rejeté l'idée d'annuler le scrutin. Medvedev a cependant promis jeudi de refondre le système politique en rétablissant l'élection au suffrage direct des gouverneurs des régions, abolie en 2004 et remplacée par un processus de désignation par le Kremlin. Il a également promis d'assouplir les règles d'enregistrement des partis politiques.Mais les opposants jugent que ces ouvertures sont trop timides et trop tardives, et considèrent en outre que Medvedev, en fin de mandat, n'aura pas les moyens de les faire appliquer, lui qui a officialisé en septembre dernier l'inversion attendue des postes, Poutine briguant de nouveau la présidence à l'élection de mars prochain et proposant à son dauphin la direction du gouvernement. G. H./Agences