Prenant exemple sur les interventions de la Réserve fédérale américaine (Fed) et la Banque d'Angleterre, nombreux sont ceux qui reprochent à la BCE de ne pas jouer un rôle de prêteur en dernier ressort. L'analyse et les chiffres traduisent une autre réalité. Brandissant leur fétiche théorique, le «théorème» de Mundell, les promoteurs de la monnaie unique ont voulu nous convaincre de son caractère inéluctable. Ce faisant, ils n'ignoraient nullement que l'euro comportait une lacune majeure, provenant de l'absence de cohésion budgétaire face à la Banque centrale européenne (BCE). Dès lors, un choc asymétrique sur les pays ne pouvait manquer de révéler au grand jour la faiblesse intrinsèque de la construction et précipiter la crise.Au lendemain de la faillite de Lehman Brothers, dans le cadre fixé par le G7 en octobre 2008, la réponse européenne à la crise a fait intervenir les instances intergouvernementales (Conseil européen, Eurogroupe), le triangle législatif (Commission, Conseil des ministres, Parlement) et l'Eurosystème, comprenant, outre la BCE, les banques centrales nationales de la zone euro. Prenant appui sur les interventions de la Fed et de la Banque d'Angleterre, les nombreux détracteurs de la BCE lui imputent à grief une politique timorée face aux perturbations d'aujourd'hui. A leur sens, la BCE refuserait en particulier de jouer un rôle de prêteur en dernier ressort. La BCE mérite-t-elle cette volée de bois vert ? A-t-elle au contraire joué son rôle pendant la crise ? Son mandat, par ailleurs, doit-il évoluer ?L'Eurosystème a rapidement décidé d'une baisse drastique des taux directeurs, de 4,25% à 1% entre octobre 2008 et mai 2009. Des accords d'échanges de devises ont été conclus avec les grandes banques centrales (ces lignes de swaps étant illimitées avec la Fed des Etats-Unis). Outre ces mesures spectaculaires, la politique de l'Eurosystème a consisté en des interventions dites non conventionnelles sur les marchés interbancaire et obligataire. Face à la paralysie du marché interbancaire, phénomène totalement inédit où la perte de confiance des banques entre elles se traduit par des primes de risque importantes, l'Eurosystème a conduit des actions massives, notamment à partir d'octobre 2008. Ce dernier a en effet clairement indiqué sa volonté de fournir sans limites des liquidités aux banques, au taux plancher, avec un allongement de la durée des prêts, jusqu'à trois ans désormais, et un élargissement de la gamme des effets pris en garantie. Atteignant un montant record, la dernière opération, à la fin décembre 2011, visant à contrer un nouveau gel du marché, a fourni 489 milliards d'euros de liquidités à trois ans à 523 banques. Ce type d'opération, qui sera réitéré le 29 février 2012, vise à rétablir des conditions normales sur le premier canal de transmission de la politique monétaire, celui du refinancement des banques commerciales par la banque centrale, afin d'éviter l'arrêt de la distribution de crédits (ou credit crunch) et soutenir ainsi une économie atone.A partir de 2009, on a assisté, sous l'influence des agences de notations et des opérateurs de marché, à une forte divergence des taux d'intérêt sur les obligations d'Etat dans la zone euro. Entrepris en mai 2010, le Programme de marché des titres (Security Market Programme) de l'Eurosystème a porté sur des achats de titres de dette publique (dont l'encours était de 211 milliards d'euros à la fin 2011), uniquement sur le marché secondaire, afin de rétablir, sur des segments de marchés perturbés, des conditions plus normales pour la politique monétaire. D. P. In atlantico.fr *Docteur ès sciences économiques à Paris 1, consultant dans le secteur financier, et membre de Confrontations Europe, un think tank européen. Il est aussi écrivain. Son dernier roman est Patria o muerte (Denoël, 2010).