Photo : Sahel De notre correspondant à Constantine Nasser Hannachi
Sortie indemne d'une opération infructueuse de privatisation en 2007, faute de soumissionnaires, l'Entreprise nationale de sels (Enasel), se bat corps et âme dans un marché où la concurrence est légion et ce, depuis l'ouverture des commerces en 1988 à d'autres entreprises privées. «Nous souffrons de l'existence d'une émulation déloyale», martèle le P-DG de la firme, Taha Hassine Farhat, et de renchérir : «Nos concurrents partagent le marché avec nous alors que leur produit mis en vente est loin de répondre aux critères qualité/prix. De plus, l'absence de transparence dans les actions commerciales, comme la facturation, encourage les particuliers et d'autres clients potentiels à s'approvisionner dans ces marchés.» Ainsi, l'entreprise, qui se taillait la part du lion avec un nombre insignifiant d'invendus avant l'élargissement du sel et de ses dérivés à d'autres exploitants, ne bénéficie depuis des années que de 51% du marché national. Un taux qui se maintient, certes, mais il faudra repenser à mettre sur le marché des produits à forte valeur ajoutée, estime le président général de l'Enasel, pour garantir une longévité à la boîte dont le plan social et autres compressions de personnel n'ont jamais été l'objectif depuis l'autonomie acquise en 1983. «Après le conditionnement de l'eau de javel de 5 l ; nous envisageons de la fabriquer dans nos unités afin de relever un peu notre chiffre d'affaires annuel. C'est une opération qui nécessite peu d'investissement et peut rapporter gros», ambitionne notre interlocuteur. Dans l'attente d'un créneau de développement du sel qui demeure lié à l'industrie chimique, une autre initiative ayant trait au «package» est engagée depuis quelques mois. Le sel alimentaire est conditionné dans des pots artisanaux. Un concept de marketing gagnant sur deux points : l'un est environnemental, puisque l'emballage en terre cuite est biodégradable, et l'autre permet à certains artisans d'écouler leur produits, souvent sans acheteur. En plus de la production du carbonate de soude, soit un produit à valeur ajoutée, l'entreprise étudie la possibilité d'investir dans l'agroalimentaire en mettant à la disposition du bétail «la pierre à lécher». «Je demeure assez optimiste au sujet du devenir de l'Enasel. Celle-ci peut améliorer et recouvrer intégralement sa place dans le marché algérien», affirme le P-DG en s'appuyant sur la carte qualité/prix qui constitue le label de son entreprise. «On veut distribuer des sels spéciaux autres qu'alimentaire», ajoutera-t-il. Laquelle distribution demeure le talon d'Achille de cette firme qui a perdu ses circuits et se trouve en butte à ce problème. Comme palliatif, l'entreprise dégage des «maisons de sel» (magasins spécialisés dans la vente de ce produit), comme étant l'outil marketing gagnant pour exposer toute la gamme de sels. C'est un investissement intelligent, supposent le directeur et ses collaborateurs dans l'espoir de «récolter» de grosses commandes. Un autre paramètre, qui n'est pas des moindres puisqu'il a trait directement à la santé publique, est judicieusement utilisé par l'Enasel, il s'agit de l'iode. «C'est un problème important auquel les pouvoirs publics devraient s'atteler. Le sel non iodé engendre le goitre. Les premiers à devoir s'inquiéter sur le sujet sont évidemment les boulangers. Toutefois, en dépit de nos moult tentatives à les sensibiliser d'utiliser notre sel, encore cédé à des prix vraiment dérisoires, ils en font l'impasse !» Dans ce même contexte, on apprend que, le 27 novembre prochain, une journée d'étude sera organisée à Tébessa portant sur le thème du sel iodé. Cette rencontre regroupera les secteurs de la DCP outre les associations des consommateurs et les responsables de l'entreprise tous réunis pour sensibiliser la population à l'utilisation du sel iodé fort recommandé pour prévenir contre toute mauvaise surprise pathologique du goitre. En définitive l'Enasel abat toutes ses cartes pour maintenir sa santé financière intacte, et tenter des innovations pour arrondir son chiffre d'affaires. L'entreprise «iode» pour survivre…
Qu'est-ce que l'Enasel ? Entreprise publique issue de la restructuration de la Sonarem, l'Enasel est chargée de la production et de la commercialisation de tous types de sel. Elle gère 5 unités de production réparties à travers le territoire national. Il s'agit de Béthioua, Sidi Bouziane, Guergour, El Meghaïr et El Wataya, soit 5 salins implantés respectivement dans les wilayas suivantes : Oran, Relizane, Sétif, El oued et Biskra. Avec une exploitation maximale du salin de la région d'El Oued. L'entreprise compte trois unités de distribution situées à Alger, Béjaïa et Oran. Le chiffre d'affaires annuel de l'Enasel avoisine 1 milliard de dinars. 650 personnes forment l'effectif de cette entreprise qui extrait 300 mille tonnes de sel par an dont 180 000 t sont destinées au marché alimentaire et le restant est prisé par l'industrie. En matière d'exportation, 30-50 mille tonnes de sel sont transférées vers l'Espagne et la France. Pour maintenir en bon état ses outils de travail, l'entreprise consacre un budget de 100 millions de dinars au maintien des unités de production. De plus, l'alternance «dans la récolte» d'un lieu à un autre qui tient compte du paramètre saisonnier lui permet d'épargner des dépenses liées à l'acquisition d'un matériel supplémentaire. Cela n'a pas empêché l'entreprise de moderniser l'outil de production en 1998 en débloquant 1 milliard de dinars.