La raison politique continue de l'emporter en Tunisie. Après d'âpres débats d'idées, le mouvement Ennahdha, parti majoritaire au sein de l'Assemblée constituante, a tranché en faveur du maintien de l'article 1 de la Constitution de 1959. Cet article stipule que la Tunisie est un Etat libre, indépendant et souverain, sa religion est l'Islam, sa langue l'arabe et son régime la République. Ce n'est pas parce que le fait n'a pas suscité l'intérêt des médias occidentaux qu'il manque d'importance et d'impact sur la construction démocratique du pays. C'est même dans l'ordre des choses. Car dans ces milieux, où on s'érige en tuteurs des consciences, on aurait souhaité sans doute que le parti islamiste tunisien prenne une option opposée. Celle qui consiste à imposer, au nom de la majorité, l'inscription de la Charia dans la future Constitution de l'Etat tunisien. Ces milieux doivent ainsi regretter qu'Ennahdha ne leur ait pas offert l'occasion de faire feu médiatique de tout bois islamiste. Ils sont cependant bien alimentés, pour ce genre d'exercice, par les tueries de Toulouse signées Mohamed Merah, un délinquant «français d'origine algérienne». De Tunis, les nouvelles sont plutôt bonnes. Et, ceux qui, nombreux, craignaient l'inscription de la Charia dans la future Constitution, sont désormais rassurés. Cela n'a pas été néanmoins facile à se décider sur une question aussi cruciale et déterminante que celle de l'ordre institutionnel à bâtir. Il s'agit bien de la loi fondamentale d'un pays qui passe de la «dictature éclairée», -il est toujours utile de rappeler l'ingéniosité occidentale à conceptualiser la tyrannie-, à la construction de véritables institutions représentatives de la société. La transition démocratique en Tunisie vient ainsi de franchir un nouveau pas malgré une tentation d'absolutisme religieux exprimée par des voix pesantes au sein d'Ennahdha. Les médias tunisiens en ont fait largement écho : l'aile dite dure du bureau politique du mouvement Ennahdha a défendu bec et ongles l'inscription de la Charia dans la Constitution comme source de législation. Un de ses membres, Habib Ellouze, connu pour être proche des salafistes, a soutenu l'idée selon laquelle «il n'y a pas de contradiction entre la Charia et les droits de l'Homme, la démocratie, la liberté…». Un autre membre du parti a clairement signifié qu'il «préfère renoncer au pouvoir que renoncer à ses principes». Ces voix, qui traduisent extrémisme et exclusion, n'ont pas pu cependant triompher devant la modération et le sens de la responsabilité de Rached Ghannouchi. Ce dernier vient de rappeler aux militants et autres cadres du parti que «la Révolution a libéré les Tunisiens (hommes et femmes) et personne ne doit s'ériger en tuteur (Wassiya) pour leur imposer quoi que ce soit !» Le chemin de la démocratie en Tunisie est plus que jamais balisé. La préservation de l'article 1 dans la Constitution à rédiger fait foi ! A. Y.