La population de Kabylie, où certaines traditions millénaires se traduisent en des actions en faveur de la collectivité marque toujours les habitudes locales, compte toujours sur ses propres ressorts d'organisation sociale pour se prendre en charge dans les durs moments qu'elle a eu à vivre à travers les siècles face aux invasions successives et tentatives d'accaparement de son territoire et catastrophes naturelles, tout en perpétuant un travail continu à longueur d'année via des fêtes et foires pour le développement de l'économie locale et d'assistance aux familles pauvres. La tradition a été toujours là où l'apport et la présence des pouvoirs d'office font défaut. Deux faits graves qui se sont produits durant l'année en cours ont encore démontré que sans le recours spontané à la tradition les conséquences auraient pu être plus catastrophiques. Les intempéries de février dernier dues aux fortes chutes de neige en Kabylie et, plus récemment encore, les incendies qui ont ravagé une bonne partie de la couverture végétale, locale. Pour les partisans des chiffres ronronnants de développement de la région de Kabylie, les intempéries du début de l'année 2012 ont apporté un démenti sec et sans appel. Elles ont mis à nu les graves défaillances des pouvoirs publics dans leur politique de développement socioéconomique et mis en valeur la solidarité ancestrale de la population locale. En définitive, tout le beau monde des autorités a été amené à reconnaître que la Kabylie manquait en fait de routes, de raccordements aux réseaux de gaz et d'alimentation en eau potable, de prévisions en matière de catastrophes naturelles…. Pourtant gouverner c'est prévoir, insiste-t-on. La neige avait carrément bloqué la région devenue enclavée pendant plusieurs semaines en l'absence d'actions publiques. Les sinistrés étaient presque seuls à dégager avec les moyens et engins de particuliers les voies d'accès aux villages maintenus pendant des jours sous plus de deux mètres de neige, transporter les malades vers l'hôpital, héberger les nouveaux SDF, chercher du gaz butane à des centaines de kilomètres de chez eux et se procurer de la nourritures dans les épiceries de localités lointaines qui en ont moins souffert. Des pertes en vie humaines ont été enregistrées sans compter les centaines de têtes de bétail et des dégâts sur les infrastructures publiques déjà désuètes de la région. Malgré des appels incessants des comités de villages et d'organisations locales, le plan orsec n'a jamais été déclenché. C'est aussi grâce aux caravanes d'aide aux sinistrées organisées par des associations locales à travers les villages enclavés qu'une situation encore plus désastreuse a été évitée. Des denrées alimentaires (semoule, légumes secs, lait en poudre pour nourrissons…) et des couvertures et autres articles d'urgence ont été acheminés vers les localités montagneuses abandonnées par les pouvoirs publics. Par le passé et même de nos jours, les villageois continuent de se prendre en charge. Des villages de la haute Kabylie ont fait l'actualité des médias par des réalisations autonomes de commodités dont le mérite revient, officiellement, aux autorités locales. On citera par exemple le village de Zouvga, commune d'Illilten, à environ 70 kilomètres à l'est de Tizi Ouzou qui a remporté en 2007 le premier prix du village le plus propre de la région. Grace à l'esprit de solidarité ancestrale, un réservoir d'eau potable, captage des sources de la montagne de Djurdjura, a été construit en 1986 pour garantir le liquide précieux à tous les habitants. D'autres villages de Kabylie ont pu régler cet épineux problème en recourant au même procédé de captage des sources naturelles comme dans les localités de Bouzeguène et d'Azazga. D'autres actions de volontariat menées par des comités de villages et des associations ont été soulignées récemment dans la commune d'Aït Abdelmoumène pour la propreté et la sauvegarde de l'environnement. Des centres de soins et des déchetteries ont été réalisés sur les fonds de solidarité locale dans d'autres villages où il n y avait ni centre de santé ni décharge publique pour les déchets ménagers. Cette semaine, des habitants d'Aït Mendès, commune de Boghni, se sont donné le mot pour détruire les lieux clandestins de débits de boissons alcoolisées qui pullulent dans leur région alors que c'est les autorités concernées qui devaient réagir et sévir à temps. L'esprit de Tiwizi (volontariat) est un appui sûr et durable pour le développement de la région de Kabylie. Là où les différents plans quinquennaux de développement des pouvoirs publics entamés depuis des années ont fait long feu.