De notre correspondant à Constantine Nasser Hannachi
Depuis quelques années, les pouvoirs publics se penchent sur la pérennisation de l'artisanat à travers les régions du pays. Des programmes destinés aux artisans ont été introduits via les Chambres des arts et métiers (CAM) pour conforter ce but. Une initiative soutenue par l'implication des agences de crédits comme l'Angem qui a accordé récemment des microcrédits à environ une cinquantaine d'artisans dinandiers parmi la centaine enregistrée à la CAM. Et ce, dans le seul souci de faire du cuivre un produit brut toujours en façonnage. Malheureusement, la rareté de la matière première pénalise les dinandiers dont le nombre se réduit d'année en année. La labellisation s'avère pour certains une option qui ne pourra prendre forme sans mettre en place la substance-phare du métier : le cuivre. Et pourtant on a accéléré la cadence et mis la charrue avant les bœufs, de l'avis de quelques observateurs.
Un label sur un cuivre acheté au marché parallèle ? Des études et perspectives fructueuses entre la Chambre des arts et des métiers de Constantine et des experts européens ont ratifié une étape très importante pour la pérennité des produits artisanaux. La dinanderie de Constantine étant la première à en avoir tiré profit puisqu'elle est fraîchement labellisée (le 19 septembre dernier), une première étape avant de décrocher la certification ISO 9001. Un acquis applaudi par les responsables du secteur, notamment ceux de la CAM et du ministère du Tourisme. «Le quality label» devra mettre les acquéreurs en confiance par le truchement de la griffe et notamment par la conformité du produit qui sera mis à la vente. Il était grand temps pour entériner cette démarche particulièrement à Constantine où la dinanderie tient une place confortable dans le maillage des œuvres artisanales. Toutefois c'est un leurre de dire que le pari est d'avance gagné. Selon des spécialistes et artisans fidèles au cuivre ciselé, il importe de poursuivre systématiquement les engagements tenus par le gouvernement notamment par le biais des Chambres des arts et métiers et le ministère de tutelle, dans le cas de l'artisanat et du tourisme, en vue d'assainir la situation dans les fabriques vouées à l'activité et donc à la production de produits non industriels. La labellisation qui intervient est certes la bienvenue pour donner du sens et de l'originalité aux objets. Mais elle est présentée sur un plateau «incrusté» de préoccupations des artisans. Cela amène directement les responsables à rétablir de l'ordre dans la maison. Autrement dit séparer l'ivraie du bon grain : Qui est artisan qualifié et qui ne l'est pas pour pouvoir entrer dans la cour du label ? Du moins à cette interrogation, des doutes semblent tous être dissipés à la faveur du travail de fourmi élaboré par la chambre en assurant un stage annuel aux jeunes artisans de différentes spécialités. «Chaque année, nous prodiguons des recyclages. Pour cet exercice, nous avons bénéficié d'une semaine au profit des jeunes apprentis. Cela reste insuffisant», révèle le responsable de cet organisme chargé du volet formation.Ainsi, ce qui reste est strictement lié aux entraves de l'exercice. Beaucoup de dinandiers ont plié bagage faute d'un espace adéquat pour y activer. Et ceux qui restent au vieux Bardo, fief du cuivre, se plaignent du manque de moyens et crient à l'invasion de la profession par des tiers qui n'ont aucune affinité avec le burin. Leurs produits ne sont sollicités qu'occasionnellement par les collectivités locales. «On nous contacte lorsqu'ils veulent offrir des cadeaux, un plateau généralement, aux délégations qui visitent Constantine», lâche un dinandier. «En plus, poursuivra t-il, le métier a connu diverses affectations ces dernières années avec la prolifération de pseudo-artisans.»Sur un autre registre, les dinandiers qui fréquentent la CAM se plaignent de la rareté de la matière première. «Les promesses faites par les pouvoirs publics n'ont pas encore vu le jour en ce qui concerne le cuivre», dira un cadre du secteur. «Ils nous ont promis une importation d'Iran mais on n'a rien vu jusqu'ici», soulignent les artisans qui sont obligés de se tourner vers le marché parallèle pour s'approvisionner, juste pour ne pas ranger leurs outils. L'autre problème auquel sont confrontés les professionnels a trait aux ateliers. Ce chapitre qui relève des prérogatives des municipalités n'a pas été dénoué d'une façon définitive malgré le recensement par la CAM de pas moins de 120 locaux qui devraient être répartis par la commune. Mais l'attribution est chaque fois renvoyée aux calendes grecques. Et lorsqu'on a évoqué la labellisation, peu d'enthousiasme rayonne. Questionné à ce sujet, un adhérent y voit une bonne avancée pour la dinanderie, mais il convient de solutionner les autres problèmes d'abord. De surcroît, le marché de la dinanderie à Constantine est faible en l'absence de clients potentiels. La labellisation est dans l'aval. Or, c'est en amont, là où se situent les problèmes, qu'il faut intervenir, sans quoi le métier resterait menacé, voire en déclin… Preuve en est que seule une centaine d'artisans est officiellement recensée.