Photo : Riad Par Karima Mokrani En moins d'une année, deux résidences universitaires d'une même wilaya, en l'occurrence Tlemcen, ont été mises en alerte suite à une fuite de gaz survenue au réfectoire au moment même du dîner. La première est la cité Abdelmadjid-Bekhti où la défection du réseau de gaz naturel a déclenché une terrible explosion ayant fait 7 morts parmi les étudiants et une employée de l'établissement. La seconde, rapportée cette semaine, par des étudiantes ayant passé une «nuit d'enfer» suite à la découverte de la fuite à la cité Hassiba-Ben Bouali. Découragement au quotidien Heureusement que celle-ci n'a pas été suivie d'une autre explosion et que la situation a été vite maîtrisée grâce à la vigilance des employés. Il n'empêche que les étudiantes continuent de vivre un grand stress par peur de subir un autre drame comme celui de l'année dernière. Le surprenant est que les deux incidents, de même nature, sont survenus exactement au moment du dîner et que les deux établissements ne sont distants, l'un de l'autre, que de quelques kilomètres. Ce qui conforte les accusations de certains considérant que cela est le fait d'un même groupe visant à déstabiliser le secteur de l'enseignement supérieur ou autre. Dans une autre wilaya, censée accueillir des étudiants parmi les meilleurs lauréats au baccalauréat, leur transfert d'une résidence à une autre ne cesse de les perturber pour la simple raison qu'ils refusent ce transfert. Des décisions prises au milieu de l'année universitaire, de manière unilatérale et presque abusive, sans associer aucunement les étudiants. Il y a quelques années, un étudiant de l'université des sciences et des technologies Houari-Boumediène (Usthb) est décédé par électrocution dans le laboratoire, en plein cours. L'enquête tarde à donner ses résultats et les étudiants feignent d'oublier le drame sous l'effet. des menaces, directes ou indirectes, d'une administration universitaire allergique aux actions de protestation et sourde aux doléances de la famille universitaire. Tout récemment, c'est la grève de l'Etusa (Entreprise de transport urbain et suburbain d'Alger) qui empêche de nombreux étudiants de reprendre les cours dans de bonnes conditions. Et si ce n'est pas l'Etusa, ce sont les intempéries qui viennent chambouler le programme de la journée, de la semaine ou du mois. En somme, rien ne va dans, pratiquement, tous les établissements universitaires du pays. Les réformes annoncées en grande pompe par le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, toujours le même depuis des années, sont loin de donner des résultats probants. C'est comme celles de l'Education nationale, mises en œuvre par un ministre critiqué par tous et qui continuent de suivre leur marche avec l'arrivée d'un nouveau ministre qui est loin de susciter l'intérêt et l'admiration de ceux-là qui condamnent son prédécesseur. La gestion administrative de l'université est chaotique, c'est le moins que l'on puisse dire de la situation qui prévaut dans le secteur depuis au moins une dizaine d'années. La nonchalance et le dégoût manifestés par les étudiants dans leur démarche, leur parler, leur façon d'assister aux cours et pire encore, leur préparation des examens témoignent de leur désintéressement. En fait, plus rien ne les intéresse sinon le diplôme de fin d'études pour justifier seulement un certain droit à un travail décent. Le phénomène est inquiétant aussi bien chez les étudiants inscrits dans les filières des sciences humaines qu'ailleurs.
Gestion hasardeuse «Il n'y a plus d'études universitaires. Mon fils se rend à la fac une ou deux fois par semaine. A la maison, je ne le vois pas se consacrer à ses études. Il est plus branché sur des sujets d'actualité concernant le public que ses cours. Et chaque fois que je l'interroge sur ses études, il se met en colère et me dit carrément de changer de discussion» rapporte une femme, mère de deux garçons, inscrits dans deux établissements différents. Les deux expriment leur désarroi de la même manière : pas de discussion sur les études mais sur un éventuel commerce à lancer en famille, un projet Ansej… et autre. D'autres étudiants quittent carrément la fac, ils abandonnent leurs études, sans aucune perspective à l'horizon. Ça ne les intéresse pas de faire des études qui ne les accrochent pas. Le phénomène de déperdition au début, au milieu et à la fin de l'année universitaire est récurrent. Un drame de plus vécu par de nombreuses familles, en silence, sans pouvoir de décision aucun pour amener le garçon ou la fille à aller au bout de sa mission. Au niveau du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifiques, aucune enquête n'a été faite pour établir le nombre des étudiants «défaillants», déterminer les causes, situer les responsabilités et examiner les voies et moyens pour contrecarrer le phénomène. Bien au contraire, le ministre et ses collaborateurs se félicitent du nombre de plus en plus croissant des étudiants qui arrivent dans les campus chaque année au point que la majorité des établissements trouvent des difficultés à les accueillir (places pédagogiques et lits). Rachid Haraoubia annonce des réalisations prochaines et continues de nouvelles facultés, de nouvelles salles, de nouvelles cités universitaires… mais rarement de modification en profondeur des programmes et de la méthode d'enseignement. Toujours la quantité au détriment de la qualité pour masquer un échec pourtant cuisant de tout le système d'enseignement supérieur en Algérie. Et pas de commentaire à faire au ministre et ses collaborateurs puisque son programme est celui du gouvernement et de tout l'Etat algérien. Ça vient d'en haut et lui l'applique. Un simple exécutant comme c'est le cas de tous les autres ministres de la République algérienne. Du moins officiellement. Tout se décide en haut, sans consultation, encore moins en concertation avec la base qui en subit les conséquences. Pourtant, pour débattre, ce ne sont pas les sujets qui manquent ou les compétences qui ne sont pas disponibles. L'Algérie, dans tous les coins du pays, dispose de spécialistes dans différents domaines, d'experts, de chercheurs universitaires, de professeurs émérites et de simples citoyens qui ne cherchent qu'à émettre des avis et faire des propositions. Seuls certains sont écoutés et considérés. Les critères de sélection pour participer au débat national –si débat existe- ne sont pas définis.
La fuite Le grand perdant, c'est l'étudiant. Non intéressé par les études qu'il considère comme une véritable corvée et non pas un champ d'exploration et de découverte, il cherche l'alternative ailleurs. A chacun son domaine, selon sa chance (ou malchance).