Le président de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'Homme (Cncppdh), Farouk Ksentni, a reçu, hier, une délégation de la Cour africaine des droits de l'Homme, à sa tête la présidente (de la Cour), la juge Sophia A. B. Akuffo, du Ghana. Très «satisfaite» de l'accueil qui leur a été réservé, elle explique que cette première visite en Afrique du Nord et dans le Maghreb a pour but «de sensibiliser l'Etat et la société civile sur la Cour africaine des droits de l'Homme, ses fonctions et procédures». Il s'agit également et surtout de convaincre l'Etat algérien d'appliquer l'article 34 paragraphe 6 du protocole relatif à la charte africaine des droits de l'Homme et des peuples, portant création d'une Cour africaine des droits de l'Homme - un protocole adopté le 10 juin 1998 par l'Organisation de l'Unité africaine, et ratifié par 26 pays, dont l'Algérie. Le paragraphe en question stipule qu'«a tout moment à partir de la ratification du présent protocole, l'Etat doit faire une déclaration acceptant la compétence de la Cour pour recevoir les requêtes énoncées à l'article 5(3) du présent protocole. La Cour ne reçoit aucune requête en application de l'article 5(3) intéressant un Etat partie qui n'a pas fait une telle déclaration». En clair, «l'Etat doit faire cette déclaration d'acceptation pour ouvrir droit aux organisations et citoyens de saisir la Cour africaine des droits de l'Homme», explique en marge de la rencontre, Fatsah Oueguergouz, le vice-président algérien de la Cour. Depuis la création de cette Cour en 1998 (elle est établie en 2006), seul cinq pays ont effectué cette déclaration (Burkina Faso, Ghana, Malawi, Mali et Tanzanie). Après avoir eu des entretiens avec des représentants de différents ministères concernés par les questions de justice et de droits de l'Homme, la délégation s'est donc rendu à la Cncppdh pour entamer un travail de rapprochement et l'inciter à encourager les pouvoirs publics à aller vers cette déclaration. A cette requête, Farouk Ksentini assure Mme Akuffo qu'elle «prêche un convaincu», pour signifier l'intérêt que manifeste la Cncppdh à cette initiative. «L'Algérie est un pays émergent en matière des droits de l'Homme. Il a fait beaucoup de progrès et lui reste beaucoup à faire. La Cncppdh est une commission d'influence, nous useront de cette position pour inciter l'Etat algérien à faire la déclaration», a-t-il déclaré. Questionné par la présidente de la Cour sur le rôle et le fonctionnement de la commission qu'il préside, Farouk Ksentini explique que celle-ci est un organe de consultation qui travaille en collaboration avec l'Etat. «Dans la notion de droits de l'Homme, l'Etat est le principal prédateur et le principal protecteur. Alors, nous avons décidé de travailler à l'intérieur, et je peux vous dire que c'est très efficace», développe-t-il. Il donnera pour exemple le rapport 2012 de la Cncppdh qui sera soumis au gouvernement et au chef de l'Etat, dans lequel deux thèmes essentiels sont mis en relief. Il s'agit, d'abord, de l'indépendance de la justice. «Le magistrat n'est pas un domestique. Il ne doit obéir qu'à la loi et à sa conscience», prône-t-il. Ensuite, l'abolition de la peine de mort. «L'opinion publique n'y est pas préparée. Elle est même chauffée dans l'autre sens. En dépit de cela nous maintenons notre appel à abolir cette peine physique et moyenâgeuse inutile», relève l'avocat. La Cour africaine des droits de l'Homme, établie à Arusha en Tanzanie, qui se veut une copie adaptée à la Cour européenne des droits de l'Homme, «peut recevoir des plaintes et/ou des requêtes qui lui sont soumises, soit par la Commission africaine des droits de l'Homme et des peuples ou par les Etats parties au protocole ou des organisations intergouvernementales africaines. Les organisations non gouvernementales jouissant du statut d'observateur auprès de la commission africaine des droits de l'Homme et des peuples et des individus ressortissants des Etats qui ont fait une déclaration acceptant la compétence de la Cour peuvent également saisir directement la Cour», stipule l'Article 5 du protocole. Sur son site internet, la Cour affirme avoir rendu son premier jugement en 2009. Jusqu'au mois de juin 2012, elle avait reçu 24 requêtes et rendu une dizaine de jugements. S. A.