Si les noms des protagonistes et les lieux de la trame politique qui agite actuellement les rangs d'un parti européen étaient modifiés, nul ne parierait un kopeck sur le fait que cette agitation en question se déroulerait dans l'Hexagone et encore mieux au sein du Parti socialiste français. Pour Ségolène Royal qui appelle à ce que le match se refasse, il ne restait plus qu'une enjambée pour franchir le Rubicon, exiger la présence d'observateurs internationaux lors d'une prochaine consultation, si consultation à nouveau il y a, mais sur laquelle le staff de l'éconduite revient en remettant encore en cause la décision de la commission de récolement qui en a décidé autrement. Le retrait de Mitterrand après deux mandats présidentiels avait déjà laissé craindre des lézardes au sein du parti mais celui obligé de Jospin allait les matérialiser. Laminés par les courants, pouvait-il exister un avenir meilleur au lendemain des élections de 2007 pour des socialistes qui y sont allés en rangs serrés mais après des primaires qui ont vu deux dinosaures, Strauss Kahn et Fabius, se retirer du plébiscite des militants pour la compagne du premier secrétaire afin de lui permettre de jouter contre Sarkozy face auquel elle ne risquait pas, forcément, de faire le poids ? Ce cadeau, en fait pain bénit pour le candidat de l'UMP, aura plus de saveur encore suite à la désertion de personnalités importantes du PS, dont Jean-Marie Bockel et Bernard Kouchner, l'un des premiers membres fondateurs de Médecins sans frontières, lequel n'avait jamais caché ses intentions, et peu importe avec qui, de représenter un jour la France à l'étranger. Il sera suivi plus tard par des fidèles de Mitterrand et d'anciens ministres -Claude Allègre et Jack Lang- qui, s'ils ne font pas partie du gouvernement ne fraient pas moins dans ce qui est ironiquement qualifié de «sarkozye». Ces départs significatifs sur le plan de la cohésion interne, même si celle-ci n'était que virtuelle, avaient toutefois été précédés par un fort signal indicateur de la déliquescence d'une formation socialiste qui prenait l'eau au fur et à mesure que passait le temps. Il s'agit de l'inattendu ralliement au candidat de droite, quelques semaines avant l'élection présidentielle, d'Eric Besson (coordinateur du salué rapport «Les inquiétantes ruptures de M. Sarkozy»), l'un des plus proches conseillers de Ségolène Royal. Le clou sera enfoncé par le choix fait par Sarkozy de désigner et d'appuyer non sans sincérité au nom de la France la candidature de DSK au FMI. Trop de félonies qui, quelque part, apportaient la preuve qu'avec les fabiusiens, rocardiens, deloristes (forcément proches de Martine Aubry), jospinistes, strauss-kahniens, royalistes, trop de courants réglaient, voire déréglaient la vie du Parti socialiste et d'une OPA de cadres fossiles, indécrottables has-been peu enclins à laisser la place à de jeunes valeurs montantes, notamment parmi ceux des minorités visibles. En fait, la chute du PS en France est symptomatique de l'épuisement à travers toute l'Europe, voire des autres parties du monde d'un modèle parce que fonctionnant encore de manière archaïque et n'arrivant pas à s'adapter à des mutations socio-économiques. Martine Aubry va-t-elle pouvoir s'inscrire dans la modernité mais en même temps défendre les causes justes au sens du concept socialiste d'antan ? En tout état de cause, l'inquiétude est à son comble parmi des militants qui savent que la France est un pays majoritairement de gauche, un avantage politique que le PS empêtré dans les guerres de tranchée de ses caciques n'exploite malheureusement pas. A. L.