«L´Europe, qui freine des quatre fers à la frontière turque, envisage allègrement l´intégration de l´Ukraine et de la Moldavie...En termes diplomatiques, il est dit aux pays de l´UMA, vous ne serez jamais que des voisins, une banlieue difficile d´une métropole prospère.» Habib Boularès, S.G. de l´UMA. Elle ne veut pas laisser libre cours aux Etats-Unis et à la Chine pour la course aux marchés. Car, en effet,l´autopsie du processus de Barcelone n´a jamais été faite. Souvenons-nous de la mutation, au bout de dix ans de coma, en 5+5 devenu, ensuite, selon la formule lapidaire de Védrine, 5+5=32, faisant allusion aux 27 pays européens et aux 5 du Maghreb, pour devenir enfin presque l´Union méditerranéenne et enfin L´Union pour la Méditerranée. De qui se moque-t-on? Naturellement de "ceux d´en bas". Pour rappel, le défunt Processus de Barcelone a souffert au tout premier plan d´un manque de volonté d´engagement de chacun des partenaires, qu´ils soient du Nord ou du Sud, même si le Nord a tenu son rôle au plan financier, certains déplorent la faiblesse des investissements par rapport aux pays de l´Est. De même, la multiplication des initiatives en Méditerranée, tel le Dialogue "5+5" créé en 1990, réunissant 5 pays du "Nord" (Espagne, France, Italie, Malte, Portugal) et 5 pays du "Sud" (Algérie, Libye, Maroc, Mauritanie, Tunisie) qui constitue une enceinte informelle de dialogue, et le "Forum méditerranéen" (créé en 1994), la mise en place en 2004 de la "Politique européenne de voisinage" (PEV) tend à annuler la spécificité du Partenariat Euromed. Pendant longtemps la France voulait tirer la couverture à elle délimitant ainsi son territoire à l´ancienne Afrique du Nord française avec au passage l´inclusion de la Libye dont le leader est devenu fréquentable depuis sa reddition en rase campagne. C´était sans compter avec "l´ogre allemand" qui, bien que loin du champ d´opération, n´en est pas moins intéressé. Naturellement, la France dut revoir à la baisse ses ambitions et inclure au passage, dans cette coopération, les 27 pays. Rouleau compresseur Il faut bien comprendre que les moteurs de l´Union européenne sont dans les faits les "poids lourds", d´abord la France, l´Allemagne ensuite la Grande-Bretagne. A des degrés divers, trois pays ont les mêmes ambitions vis-à-vis des pays riverains de la Méditerranée. Curieusement ces pays, qui ont atteint le summum de l´organisation, de l´efficience de l´optimisation de la ressource, décident de mettre en commun leur savoir, leur force économique pour aller à la conquête du monde posant, de ce fait, de réels soucis à leurs alliés américains. Que l´on se rende compte! Voilà une Union européenne avec "27 Commissaires" ayant chacun une cinquantaine de spécialistes de la question, (agriculture, énergie, finances, politique agricole), bref, le patron José Manuel Barroso règne sur un «thinks tanks» immense bureau d´études où s´établit, au millimètre, la stratégie constamment adaptée de l´Europe. Comme vis-à-vis, pour ne parler à titre d´exemple que des pays maghrébins, chacun a ses spécialistes qui, malgré tout leur engagement, leur patriotisme, leur détermination et pourquoi ne pas le dire, certaines fois, leur compétence, ne font pas le poids devant le rouleau compresseur que leur oppose l´Europe sur chaque dossier. On comprend aisément comment les pays maghrébins se sont fait "rouler dans la farine" dans les "accords d´association" avec l´Europe. Nul doute que ce gadget de l´Union méditerranéenne fera long feu car il est condamné par sa malformation congénitale. Dès le départ, en effet, les dés sont pipés. Que reproche-t-on au Processus de Barcelone que l´on dit renaitre comme un phénix sous la forme d´un mutant: l´Union méditerrannéene? Pourquoi l´Europe a-t-elle investi 40 milliards d´euros pour l´élargissement à l´Est à des pays,qui, il n´y a pas si longtemps, étaient ses ennemis dans le cadre de la guerre froide, du Pacte de Varsovie? Je veux parler entre autres, de la Tchéquie, de la Slovaquie, de la Bulgarie, et de l´imprévisible Pologne à qui on permet beaucoup d´écarts. Pourquoi dans le même temps les pays du Sud peinaient dans le cadre du défunt "Processus de Barcelone" à avoir des aides conséquentes qui leur auraient permis de réellement décoller? Chercher l´erreur! Si on peut tenter une explication, au risque de ne pas être politiquement correct, il faudrait peut-être faire des investigations du côté de l´âme de l´Europe pour reprendre une idée de Giscard d´Estaing, adversaire farouche de l´entrée de la Turquie. Tout s´éclaire alors! Cette Union méditerranéenne est, dans une certaine mesure, une façon de tenir à distance la Turquie en lui proposant comme aux dix autres pays une coopération au rabais. En fait, les préoccupations de l´Europe, débattues pendant ce sommet du printemps, sont d´un tout autre type. Le changement climatique et les enjeux économiques étaient la priorité de l´agenda du Sommet social tripartite. Le Sommet européen tripartite, qui se réunit une à deux fois par an, rassemble les partenaires sociaux européens (syndicats et organisations patronales), la Commission et la Troïka du Conseil; à savoir la présidence actuelle de l´UE et les deux présidences suivantes. Les partenaires sociaux ont insisté sur la nécessité qu´ils soient consultés sur le paquet européen relatif au changement climatique. Alors que la politique agricole commune (PAC) fonctionne plutôt bien en approvisionnant les marchés avec suffisamment de produits alimentaires, les citoyens reprochent à la PAC de ne pas stabiliser le prix des aliments à un niveau raisonnable. En revanche, les Européens semblent généralement satisfaits du rôle de la PAC de garantir l´hygiène et la sécurité alimentaire, problème numéro deux juste après celui du prix alimentaire. Sur la question du changement climatique, il faut rappeler qu´en janvier, la Commission a suggéré de renforcer le système européen d´échange de quotas d´émission (système européen ETS) après 2012, une avancée qui pourrait entraîner une augmentation de 10 à 15% des prix de l´électricité. Selon le projet que l´Allemagne souhaite voir inséré dans les conclusions du Sommet, le Conseil européen reconnaît que la fuite de carbone dans les secteurs à forte intensité énergétique, exposés à la concurrence internationale, a besoin d´être traitée d´urgence. La Commission souhaite conclure un accord international sur le climat avant de prendre une décision. Un autre sujet qui a retenu l´attention des 27 était la question monétaire, alors que Nicolas Sarkozy est parvenu la veille à faire passer son projet d´Union pour la Méditerranée (UPM) malgré le scepticisme de certains de ses partenaires. L´accord a été conclu "à l´unanimité", lors d´un dîner des chefs d´Etat et de gouvernement de l´UE, jeudi soir, a triomphalement annoncé vers minuit un président français qui ne cachait pas sa "satisfaction". Les modalités de l´UPM doivent encore être définies d´ici le Sommet européen de juin prochain, avant qu´elle soit portée sur les fonts baptismaux lors d´un sommet à Paris le 13 juillet. L´objectif est de faire travailler ensemble autour de "projets concrets" 39 pays: les 27 et 12 pays du sud de la Méditerranée, dont l´Algérie, l´Egypte, Israël, l´Autorité palestinienne, la Syrie ou la Turquie. Pour le Premier ministre slovène, Janez Jansa, "il s´agit maintenant d´y travailler dans les différentes instances" et "de faire le nécessaire pour que ce projet voit le jour". Selon le Premier ministre du Luxembourg, Jean-Claude Juncker, les 27 sont tombés d´accord, jeudi, pour "donner plus de volume" à la coopération entre l´UE et les pays du Sud, tout en excluant toutefois d´y consacrer davantage d´argent. Voilà qui est net. Ce n´est pas l´avis d´un fin connaisseur du monde méditerranéen, Romano Prodi "Si on n´accroît pas les ressources, on aura les mêmes frustrations dont ont souffert les pays du Sud jusqu´ici", avertissait, pourtant, jeudi le président du Conseil italien, Romano Prodi en arrivant à Bruxelles. "Il faudra faire une politique forte et y consacrer beaucoup de ressources financières (...) Ce sera décisif pour la politique de la Méditerranée", estimait-il. L´objectif de l´UPM étant de surmonter les obstacles politiques entre les pays riverains de la Méditerranée en les faisant travailler ensemble autour de projets concrets. Le projet, vise à faire travailler ensemble 39 pays: les 27 pays-membres de l´UE et 12 Etats du sud de la Méditerranée (Mauritanie, Maroc, Algérie, Tunisie, Libye, Egypte, Israël, Autorité palestinienne, Jordanie, Turquie, Liban et Syrie). La nouvelle mouture prévoit une co-présidence par un représentant d´un Etat-membre de l´UE -riverain de la Méditerranée, au moins dans un premier temps- et par un pays du Sud. Un secrétariat allégé d´une vingtaine de personnes associera à parité des pays du Sud et du Nord, y compris non riverains de la Méditerranée. Les uns et les autres Du Premier ministre slovène, Janez Jansa au chancelier autrichien, Alfred Gusenbauer en passant par le Premier ministre luxembourgeois, Jean-Claude Juncker, tous semblaient déterminés à rappeler au président français, qui prendra la présidence de l´UE en juin, les conditions à respecter s´il veut voir aboutir son projet de coordination renforcée avec les pays de la Méditerranée, du Maroc à la Turquie. Pour Mme Merkel, "C´est le même instrument" que Barcelone, a-t-elle déclaré, même si elle a reconnu qu´il passerait à "un autre niveau" pendant la présidence française de l´UE. En réponse à l´initiative française vers le Sud, le Premier ministre polonais, Donald Tusk, a, de son côté, annoncé vendredi qu´il rendrait publiques en juin des propositions destinées à rapprocher l´Ukraine de l´UE. Finalement, la France a réussi à vendre à ses partenaires européens son projet d´Union pour la Méditerranée (UPM), rebaptisé "Club Med" par ses détracteurs. Les défenseurs de la Turquie au sein de l´UE pourraient également s´exprimer contre un projet perçu dès son lancement comme une volonté de Nicolas Sarkozy d´imposer une alternative à l´entrée de la Turquie dans l´UE, à laquelle il s´est toujours opposé. Dans ce cadre, justement la Croatie- tard venue dans sa demande d´intégration- privilégiée-bénéficie d´un TGV dans le traitement de ses affaires avec l´Union européenne. Son Premier ministre qui a été reçu à Bruxelles annonce que les négociations seront finalisées à la fin de cette année et se termineront courant 2009. Moins de 20 mois après sa demande. Comparons avec la Turquie qui supplie l´Europe depuis 50 ans. Tout ceci, entre autres par la volonté incompréhensible, injuste et illégale d´un président français qui veut, en fait, allumer un contre-feu -avec ce Club Med- pour bloquer l´entrée de la Turquie. Nul doute que le procédé est machiavélique puisqu´on n´a même pas fait l´autopsie du Processus de Barcelone que déjà on le remplace tout en le cadrant: pas d´argent supplémentaire. Alors quel en est le but? A-t-on, fait le tour des préoccupations des pays du Sud? Nous savons globalement quelles sont les préoccupations des pays du Nord: -sécurité énergétique et environnementale -sécurité contre l´envahissement par les réfugiés économiques et bientôt climatiques -sécurité contre le "terrorisme" -accessoirement, ouverture des marchés pour vendre leurs surplus. Tout le reste est du cinéma. Les droits de l´homme, les libertés, la démocratie, nous avons vu comment toutes ces valeurs étaient à géométrie variable quand il s´agit d´ouvrir de nouveaux marchés. En fait, les pays du Sud ne sont pas sur la même planète. Ils ne sont pas en régime établi, ou pour parler plus simplement, ils sont à des degrés divers, en état de guerre. Passant plus de temps à maintenir un cap, au jour le jour, qu´à faire des modélisations pour l´avenir. Dans un article du 23 juillet dans ce même journal, nous écrivions "Le Maghreb n´a pas besoin de cette Union, il a besoin qu´on l´aide à, d´abord, réaliser l´Union dans ses rangs d´une façon apaisée sans interférence néfaste. Imaginons l´utopie suivante: une union maghrébine avec un territoire de plus de 5 millions de km², fort d´une population actuelle de 80 millions d´habitants, avec une jeunesse exubérante dont l´horizon ne sera pas la fuite du pays. Une intelligentsia avec plusieurs centaines de milliers de diplômés par an, un territoire riche en énergie fossile et avec le plus grand gisement solaire, à telle enseigne qu´une étude allemande affirme très sérieusement que le Sahara peut alimenter l´Europe d´une façon permanente en énergie électrique à partir du solaire et enfin une agronomie multiforme avec, par-dessus tout, une identité culturelle et cultuelle commune forgée par l´histoire. Malgré tous ces atouts, le Maghreb peine à se déployer". La conclusion que nous tirons du débat est que ce que veut la France est une Union méditerranéenne à la carte. Une sorte "d´auberge espagnole" où l´on déjeune avec ce que l´on a ramené avec soi. Naturellement et pour prendre l´exemple de l´Algérie, elle se doit d´être extrêmement circonspecte quant à ses intérêts. Qu´avons-nous à gagner en ouvrant nos vannes de gaz et de pétrole d´une façon débridée? Des dollars qui fondent au soleil? Cette mondialisation-laminoir devait permettre en principe la circulation des richesses et des hommes.Les Algériens ne sont pas les bienvenus en Europe même avec leurs euros! Il n´y a que notre gaz et notre pétrole qui n´ont pas besoin de visa. Mieux encore, la pollution européenne n´est pas arrêtée. C´est le Maghreb qui va en hériter et il n´est pas prêt pour les changements climatiques. Cette utopie d´union échouera parce qu´elle est basée sur la morale de l´intérêt. Quand allons-nous connaître le nôtre? (*) Ecole nationale polytechnique