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Le Gspc «s'invite» à l'Elysée
UNE NOUVELLE DONNE POUR DEPARTAGER LES CANDIDATS
Publié dans L'Expression le 01 - 03 - 2007

Si le drapeau rouge de la menace terroriste continue à être agité de la sorte par les tenants du tout-sécuritaire, l'opinion publique sera alors conditionnée pour voter au profit du plus inflexible des candidats.
Le mandat du président de la République française, Jacques Chirac, prend fin le 17 mai à zéro heure. Le premier tour de scrutin aura lieu le dimanche 22 avril 2007. Le second tour éventuel, si aucun candidat ne recueille la majorité absolue des suffrages exprimés, se tiendra le dimanche 22 avril 2007. Dans une élection aux thèmes «fades» et sans attrait, la sécurité intérieure et l'immigration occupent une place de choix. Dernier invité thématique: le Gspc. Des «notes de sécurité» contradictoires affluent aux bureaux du Premier ministre français et du ministre de l'Intérieur. Plusieurs avertissements ont eu lieu durant ces derniers mois, et au moins deux pour les seuls trois derniers mois, concernent une «éventuelle» attaque terroriste d'ampleur, qui aurait pour premiers effets sécuritaires et politiques de faire basculer les choses au profit du candidat le plus rigoureux en matière de sécurité intérieure, quitte à ce qu'il écorne en long et en large les libertés et les droits de l'homme. Le réseau terroriste Al Qaîda se préparerait à commettre des attentats en France, à l'occasion de l'élection présidentielle, titrent en sourdine les médias français, sans aller plus loin dans les faits et dans l'analyse. D'autres sons de cloche, toutefois, affirment qu'il n'existe «aucun élément» permettant d'estimer que le réseau terroriste Al Qaîda se préparerait à commettre des attentats en France à l'occasion de l'élection présidentielle. C'est l'avis des services civils du renseignement français. Selon eux, «il n'existe, à ce jour et à notre connaissance, aucun élément probant laissant croire à la préparation d'attentats sur le sol français à l'occasion de l'élection présidentielle». «Bien sûr, ce type d'attentat (Madrid, ndlr), peut toujours être de nouveau mis en oeuvre, mais jamais personne n'a trouvé d'élément sur l'existence d'un tel plan», affirme-t-on à l'Uclat. Quant à une lettre attribuée à Oussama Ben Laden, adressée à un dirigeant du Gspc (Groupe salafiste pour la prédication et le combat), «Abou Al-Qassem» (nom de guerre) lui recommandant de viser la France en cherchant «les objectifs qui causeront le plus de douleur», publiée par Al-Hayat, les services civils français ont démenti l'information, la mettant carrément sur le compte de la surenchère et de la manipulation.
Un autre rapport fait état de «plusieurs indices sur l'existence d'un plan pour la répétition en France du scénario espagnol», en référence aux explosions à Madrid (mars 2004), rapporte le journal. On cite, notamment, «des messages sur des sites web proches d'Al Qaîda, comportant des menaces contre la France, accompagnées de photos de la campagne pour l'élection présidentielle» du printemps 2007. Le juge Jean-Louis Bruguière, chargé d'enquêter sur les filières terroristes, avait déjà évoqué ces menaces, dans un entretien accordé à l'International Herald Tribune, affirmant que la France, cible de longue date, était en alerte. Depuis le 7 juillet 2005 et les attentats de Londres, l'alerte du plan Vigipirate a atteint le niveau rouge. En fait, on a pu constater que des notes intérieures de la DST et de l'Uclat présentent le Groupe salafiste comme une «menace sérieuse» pour la France. Certains estiment qu'on exagère sciemment cette menace, à la veille d'échéances électorales majeures, pour mener les électeurs à voter pour le plus rigoureux en matière de sécurité, alors que d'autres pensent qu'il s'agit là d'une stratégie de prévention afin de se préparer au pire. Selon Anne Giudicelli, responsable de Terrorisc, depuis le 11 septembre 2001, aucun pays, y compris démocratique, n'échappe à la tentation d'instrumentaliser la lutte contre le terrorisme pour exercer son pouvoir, que ce soit sur ses citoyens ou sur ses résidents étrangers. Les lois antiterroristes en Europe n'ont cessé d'évoluer depuis ces dernières années dans le sens d'une réduction des libertés individuelles, que les citoyens de ces pays ont, malgré tout, acceptée, au nom de la sécurité promise en contrepartie. Agiter le drapeau rouge de la menace terroriste, permet de conditionner une opinion à ce type de concession...et au candidat qu'elle choisira, lequel incarnera le mieux ce «deal». Cela a très bien fonctionné en 2002, au moment des élections présidentielles, avec la montée en puissance du Front national, fruit d'une stratégie habilement menée par la droite chiraquienne pour garantir sa victoire, qui avait centré sa campagne sur les problématiques sécuritaires en jouant sur la peur des Français, avec la complicité bienveillante des médias. Je dirais qu'aujourd'hui, pour la campagne 2007, la problématique sécuritaire n'est plus l'apanage de la seule droite, mais aussi de la gauche, qui tente de se réapproprier la question, notamment parce qu'elle tire les leçons de 2002. La droite traditionnelle a tendance à surenchérir sur la sécurité pour mieux chasser sur les terres de l'extrême droite et ainsi l'affaiblir; la gauche socialiste s'efforce de montrer que cette question n'est plus «taboue» pour elle, quitte à transgresser certains de ses fondements historiques, pour s'inscrire en concurrence avec les candidats de la droite. Les médias français, enfin, sont beaucoup plus «frileux» qu'en 2002 concernant la couverture des questions de sécurité, et notamment terroristes, car ils ne veulent pas être, de nouveau, désignés comme un des facteurs de la montée en puissance des extrémismes de droite. La tendance actuelle dans les médias, y compris ceux dont la ligne éditoriale est plutôt à droite, est de minimiser la question sécuritaire, sauf quand la hiérarchie politique qui leur correspond décide de valoriser telle ou telle affaire. En fait, et même si on en fait pas cas, la question de l'immigration, qui agite les candidats à la présidence de la République, reste intimement liée aux problèmes sécuritaires. Nicolas Sarkozy est favorable au vote des étrangers en situation régulière aux élections municipales, à la condition, toutefois, que leur pays d'origine accorde ce même droit aux expatriés français qui y sont installés («principe de réciprocité» tel qu'il est appliqué dans d'autres pays européens). Il entend faire cette proposition sienne, mais refuse qu'elle soit inscrite dans le programme de son parti. Il s'engage à maintenir le regroupement familial, sous condition de ressources: la personne faisant venir des membres de sa famille devant alors prouver qu'elle peut leur fournir un logement et des conditions de vie «décentes». Ségolène Royal est en accord avec les positions officielles du PS sur les questions de l'immigration. Elle est donc favorable aux dispositifs administratifs d'intégration et de naturalisation des personnes immigrées arrivées légalement ou clandestinement sur le territoire national. Elle se prononce contre le principe même d'«immigration choisie» voulue par Nickolas Sarkozy estimant «insupportable» que la France aille «piller la matière grise de ces pays après avoir pillé pendant des années et des années leurs matières premières en tant que pays colonisés» et prône le codéveloppement des pays en voie de développement. Derrière ces propos «politiquement corrects», se cachent évidemment les impératifs de sécurité et d'intégration. Si la communauté émigrée ne montre pas des aptitudes à l'intégration dans son nouveau milieu, ou si elle présente un danger, sous quelque forme que ce soit, elle n'est pas la bienvenue. Et même si on commence à parler de terrorisme, il faut alors voir de ce coté précis. Immigration et sécurité: ces deux dossiers sont encore traités conjointement, à ce jour, par les autorités politiques françaises. Ce sont, du reste, comme le dit Giudicelli «les plus payants politiquement: il s'agit de dire aux Français que ce sont les ´´autres´´, les étrangers, qui sont porteurs des maux de notre société sociaux, économiques, et donc aussi, sécuritaires. Or, depuis les attentats de Londres, en juillet 2005, tous les gouvernements européens savent que la première menace extrémiste qui pèse sur leur société provient de cellules nées sur leur territoire et constituées de nationaux...».
Question de sécurité intérieure pour les uns, de mise à profit d'une peur diffuse qui ferait voter les électeurs pour le candidat le plus ferme en matière de sécurité intérieure, pour les autres. Les notes intérieures de la DST et de l'Unité de coordination de la lutte antiterroriste (Uclat) viennent encore confirmer que la France fait réellement face à une «menace sérieuse». Dans la foulée, Paris a demandé, il y a plusieurs mois à Alger, de lui donner le nom des 2629 amnistiés islamistes, libérés ou exemptés de poursuites judiciaires, dans le cadre de la réconciliation nationale, de crainte de voir ces islamistes transposer le djihad sur le sol français. Cette crainte est prise au sérieux, notamment après la récente collusion entre le Gspc et l'organisation Al Qaîda, et l'avertissement donné par celle-ci de frapper les Américains et les Français par le biais du Groupe salafiste algérien. Dans son enregistrement daté du 11 septembre 2006, Ayman al-Zawahiri a demandé au Gspc, d'être «un os dans la gorge des croisés américains et français», de semer la peur «dans le coeur des traîtres et des fils apostats de France» et d'écraser «les piliers de l'alliance croisée». L'acte de «mariage» entre Al Qaida et le Gspc semble avoir été signé pour frapper la France, en premier. «Nous prêtons allégeance à cheikh Oussama Ben Laden (...). Nous poursuivrons notre djihad. Tout en décidant de rallier Al Qaîda et de prêter allégeance à Ben Laden, nous conseillons à nos frères de tous les autres mouvements jihadistes, partout dans le monde, de ne pas manquer cette union bénie (...) L'Organisation d'Al Qaîda est la seule habilitée à regrouper tous les moudjahidine, à représenter la nation islamique et à parler en son nom», disait l'émir du Gspc, qui considère, fait paradoxal, non plus les Etats-Unis mais la France comme son «ennemi n°1». Certains spécialistes ont même avancé l'hypothèse que l'idée d'inclure la France dans l'«axe du mal» provient de Droukdel et non pas de Zawahiri.


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