L'avenir de la Syrie et de la région se joue à Quousseir. La bataille farouche que se livrent les parties adverses depuis une dizaine de jours dans cette province de Homs renseigne sur l'importance stratégique de cette ville. Une importance qui se résume dans l'expression ville-clé. Clé pour la suite de la guerre. On mesure toute l'importance de la bataille qui s'y déroule à travers les déclarations des pays amis de la Syrie, le discours du chef charismatique du Hezbollah mais aussi l'appel catastrophé du président Obama au président libanais, Michel Seleïmane, l'exhortant à brider le mouvement de résistance libanais. Ce n'est plus un secret de polichinelle. La chute de Quousseir dans les mains d'un clan ou de l'autre constituera le tournant de la guerre. Le régime syrien qui a, durant les deux premières années du conflit, privilégié le contrôle des villes plutôt que leurs provinces, a saisi l'importance stratégique de la province de Homs, passage obligatoire pour toute la logistique acheminée au pays. D'où la nécessité de contrôler cette petite bourgade. Le régime syrien, tout comme l'opposition, savent pertinemment que le contrôle de Quosseir signifie le contrôle de 75% de l'économie du pays essentiellement basée à Daraa, Alep, Hamma, Lattaquié et Tartous. Le tiers de la population syrienne s'y concentre, ainsi que les bases d'armement des régimes à travers les plus importants ports. La reprise de Quosseir par l'armée régulière c'est aussi briser le bouclier qu'on voulait instaurer pour priver le mouvement de résistance syrien de ses soutiens et zones d'influences, qui s'étendent de la province de Damas jusqu'à la province de Airssal en passant par Qousseir et Telkalakh jusqu'à Tripoli, au Liban. D'où l'engagement ouvert du Hezbollah. Ce dernier ne pouvait assister pieds et poings liés à sa propre décapitation. Si les rebelles armés bénéficient d'un financement et des armes en provenance du Qatar, de l'Arabie saoudite, de la Turquie et, par voies détournées, des pays occidentaux, le régime syrien bénéficie naturellement, aujourd'hui, d'un soutien du mouvement de résistance libanais. Ce dernier, à travers le dernier message de son secrétaire général samedi a été très clair. Si la Syrie tombe aux mains des américano-israéliens et intégristes, la résistance sera tout bonnement assiégée. Lors de son dernier discours, Hassan Nassrallah a été très clair. Si le front intégriste de la Nosra arrive à contrôler toutes ces provinces syriennes, l'Etat libanais avec toutes ses institutions incapables de stopper le bain de sang à Tripoli, ne pourra même pas imaginer ce que sera la situation si les takfiris bénéficiaient d'une alliance stratégique s'étalant sur des territoires trois fois plus vastes que le Liban. Nassrallah n'hésitera pas à souligner que les attaques de l'Etat sioniste sur la Syrie, sous prétexte de prévenir les acheminements d'armes à la résistance libanaise, ont, de fait, incrusté le Hezbollah dans la crise syrienne. Son mouvement, dit-il, ne peut rester en spectateur dans cette guerre mondiale contre la Syrie où le principal objectif n'est autre que le siège de la résistance. Le discours du chef de Hezbollah a, bien entendu, irrité les puissances qui se cachent derrière les groupes armés en Syrie. Ces dernières ont été obligées de réagir ouvertement. Le Président américain a exhorté le Président libanais à mettre un terme aux «immixtions» du Hezbollah dans le conflit armé syrien. Les appels à une réunion d'urgence du conseil des droits de l'Homme se sont multipliés. Les Occidentaux, avec le Qatar et la Turquie, évoquent des crimes contre l'humanité. Le but inavoué de cette démarche est le ralentissement de l'offensive de l'armée régulière sur Quosseir. Cependant, le ministre des Affaires étrangères bahreini hausse le ton d'un cran. Le chef de la diplomatie du pays qui abrite la Ve flotte américaine, n'a pas hésité à traiter Nassrallah de criminel terroriste qu'il faut stopper à tout prix. Entendre par une telle assertion un appel ouvert à liquider physiquement un chef d'un parti légal dans un pays arabe. Le Hezbollah, dont un grand nombre de leaders a été liquidé par les sionistes, se voit aujourd'hui ouvertement ciblé par les dirigeants des pays du Golfe. En toile de fond se dresse toujours cette guerre contre les musulmans chiites. Lesquels subissent, d'ailleurs, au Bahreïn, une répression inégalable et qui ne trouvent pourtant pas d'oreilles disponibles à les écouter dans cet Occident si «friand de démocratie» pour le monde arabe. Parallèlement à tous ces développements, on prépare la conférence de Genève 2. Au moment où Damas a annoncé son intention de participer à cette conférence internationale de paix, l'opposition syrienne, réunie depuis jeudi à Istanbul, ne parvient toujours pas à adopter une position claire sur ces négociations. Une situation qui met dans l'embarras leurs alliés américains et français qui devaient se réunir hier soir avec les Russes pour la mise en œuvre de la conférence. Dans la métropole turque, les divisions de l'opposition syrienne sont apparues au grand jour. Ceux qui démentaient ses divergences n'ont plus d'arguments. Les accusations fusaient entre les protagonistes, se reprochant réciproquement de vouloir s'approprier le pouvoir en modifiant les rapports de force dans la Coalition avec l'entrée de nouveaux membres ou, au contraire, de vouloir le garder en fermant la porte à l'élargissement. Les dissensions ont aussi des motivations plus obscures, souvent liées à des questions de personnes. Le seul point d'accord entre ces différents protagonistes est l'appel adressé à l'Union européenne (UE) pour la levée de l'embargo sur les armes. Les sanctions décidées par l'UE contre la Syrie doivent être renouvelées fin mai. A cette occasion, la France et surtout la Grande-Bretagne font pression pour une levée de cet embargo afin de pouvoir armer directement les rebelles syriens. Cet éventuelle levée de l'embargo n'arrangera en rien la situation des civils otages de cette guerre. Navi Pillay, haut-commissaire de l'ONU aux Droits de l'Homme, a averti qu'un «cauchemar» se dessine en Syrie. N'épargnant ni régime ni rébellion armée, Mme Pillay a soutenu que la situation en Syrie était intenable. Elle a également avoué avoir nourri l'espoir de voir la communauté internationale mener des actions tangibles pour arrêter l'escalade des souffrances et des effusions de sang en Syrie. Après 26 mois de violences, souligne-t-elle, la situation est devenue «un affront intolérable à la conscience humaine».