Gazprom se retrouve dans une situation difficile : la baisse des cours pétroliers mondiaux entraîne celle des tarifs du gaz russe à l'export, écrit le quotidien Nezavissimaïa gazeta du 5 dernier. Dans le même temps, les consommateurs européens pointent du doigt le fait que les tarifs boursiers sont souvent inférieurs aux contrats russes. Gazprom espère trouver en juin un terrain d'entente avec ses plus grands clients sur des réductions moins importantes que l'année dernière, quand elles avaient atteint 7-10%. Les économistes indépendants, cités par Rianovosti, pensent au contraire que les futures réductions pourraient doubler par rapport à l'an dernier. «Le cours moyen des livraisons de gaz russe à l'étranger en 2013 avoisinera 370-380 dollars les mille mètres cubes - par rapport à 402 dollars en 2012», a déclaré le vice-président de Gazprom Alexandre Medvedev. En 2007, avant la crise, le gaz était vendu à 273 dollars les mille mètres cubes. Alexandre Medvedev remarque que deux facteurs extérieurs ont un impact sur le tarif cette année : les cours pétroliers et les négociations avec les partenaires étrangers pour revoir les contrats, notamment l'Italien ENI et le Français GDF Suez. Gazprom subit des pressions de tous les côtés. Le géant allemand E.ON a annoncé la signature d'un accord avec la compagnie canadienne Pieridae Energy le 3 juin dernier pour la livraison en Europe de cinq millions de tonnes de gaz naturel liquéfié (GNL) par an. Récemment, la direction d'E.ON niait formellement les annonces de rupture de contrats avec le partenaire russe. Les Allemands paient trop cher pour les hydrocarbures importés sur contrats à long terme tandis que d'autres clients peuvent acheter le gaz moins cher sur le marché mondial, où l'offre est supérieure à la demande. Cela représente de sérieuses pertes, inacceptables pour les Allemands. D'après les experts interrogés, Gazprom est tiraillé entre plusieurs impératifs. Selon l'analyste Anna Kokoreva d'Alpari, le consortium devra défendre ses positions et il ne s'agit pas seulement des consommateurs mais aussi de ses concurrents russes. «Rosneft pourrait proposer des conditions plus avantageuses aux anciens clients de Gazprom dont les contrats ont expiré. Par conséquent, le géant gazier ferait mieux de s'accrocher aux consommateurs au lieu de les rejeter. Rosneft n'a encore fait aucune proposition mais c'est théoriquement possible», estime Kokoreva. «La crainte de perdre la domination sur le marché gazier pourrait pousser Gazprom à faire des concessions. Rianovosti écrit que le principal obstacle de Rosneft, en l'état actuel des choses, est le transport du gaz. C'est pourquoi, en coopération avec le négociateur Gunvor, la compagnie suggère la division de Gazprom. D'autre part, les relations de partenariat sont très bonnes entre ENI, GDF Suez et Gazprom, les partenaires étrangers n'ont pas encore d'autre alternative moins chère et pour cette raison le nouveau tarif du gaz pourrait s'élever à 380 dollars. Cependant, Andreï Nikitiouk, patron de Concern General Invest, pense que Gazprom n'a pas d'autre choix que de continuer à faire des concessions tarifaires. «Conscient des perspectives de développement du gaz de schiste américain sur le marché européen dans les dix prochaines années, Gazprom tentera de maintenir le prix à hauteur de 370-380 dollars. Mais je pense que la prochaine fois les Européens insisteront sur une baisse allant jusqu'à 15% du tarif initial, estime l'analyste. Contrairement à ses deux concurrents sur le marché européen, Gazprom continue d'appliquer une politique conservatrice de tarification, tandis que son concurrent le plus proche -Statoil- réduit chaque années la quantité de gaz vendu en fonction des cours pétroliers et gagne ainsi la confiance des consommateurs». Elle n'est pas la seule à le faire. D'autres compagnies en font de même. Généralement, les entreprises joueraient sur le volume exporté, pour compenser les pertes qu'elles essuyaient. Selon Grigori Birg d'Investcafe, au vu de l'instabilité économique, les consommateurs européens de Gazprom insisteront certainement non seulement sur les réductions mais aussi sur la révision du principe take-or-pay, car ils ne pourront pas garantir la consommation d'une quantité de gaz précise. Dmitri Ouchakov de Solid est également de cet avis. «Evidemment, les consommateurs européens font tout pour réduire leur dépendance à Gazprom, fait-il remarquer. C'est normal et logique. L'Europe perfectionne ses énergies alternatives, économise l'énergie et augmente les quantités de gaz liquéfié acheté à des pays tiers». Cependant, selon l'expert, pour diverses raisons ces initiatives ne permettent pas encore de faire baisser considérablement le tarif du gaz russe mais pourraient à terme réduire la demande. Si Gazprom ne commençait pas à faire du dumping il pourrait parfaitement maintenir le tarif du gaz. D'autant qu'en 2013 est prévue une hausse des livraisons, estime Loukachov. Pendant ce temps, d'autres problèmes surgissent, mettant encre en difficulté, le géant russe. En effet, le transfert du système de transport gazier ukrainien au russe Gazprom pourrait avoir des conséquences négatives, a estimé le directeur du secrétariat de la Communauté européenne de l'énergie (ES) Janez Kopac dans une interview au journal ukrainien Ouriadovy Kourier, cité également par l'agence Rianovosti. «Je crois que le transfert des gazoducs ukrainiens à Gazprom risque d'entraîner des conséquences négatives, et pas parce que la Russie prendra le contrôle du réseau. En effet, la question de savoir qui sera le propriétaire de ce système n'est pas si importante, l'essentiel consiste à ce que ce dernier joue selon les règles communes définies par l'UE (…). Cependant, comme en témoigne la pratique de ces dernières années, Gazprom ne respecte pas ces règles. C'est pourquoi nous avons des craintes que le groupe russe n'impose ses propres normes après la prise du contrôle du système de transport gazier ukrainien», a indiqué M. Kopac. Depuis plusieurs années, l'Ukraine cherche à faire baisser le prix du gaz naturel qu'elle achète à la Russie. Moscou accepte de réviser son contrat gazier avec Kiev, mais à condition de pouvoir contrôler les gazoducs de transport ukrainiens. Les deux pays négocient actuellement la mise en place d'un consortium conjoint chargé de gérer ce réseau. Y. S.
Moscou et Tokyo coopéreront en mer d'Okhotsk Le premier Groupe pétrolier russe Rosneft, contrôlé majoritairement par l'Etat, et la société japonaise Inpex Corporation ont signé un accord sur l'exploitation conjointe de blocs pétrogaziers sur le plateau continental russe en mer d'Okhotsk (Extrême-Orient), a annoncé mercredi Rosneft dans un communiqué. «L'accord prévoit l'exploitation conjointe des blocs Magadan-2 et Magadan-3 sur le plateau continental russe en mer d'Okhotsk. Le total des réserves exploitables de ces blocs est estimé à 1,577 tonnes d'équivalent pétrole», lit-on dans le communiqué de Rosneft. Inpex, dont l'Etat nippon est le premier actionnaire, financera la prospection géologique et remboursera le coût des travaux d'exploration déjà effectués par Rosneft dans ce secteur, ainsi que 33,33% de la somme payée par Rosneft pour la licence d'exploitation. Les deux sociétés comptent signer des accords finaux d'ici la fin de 2013. R. E.