Après quelques mois de travaux, d'enquêtes et d'analyses, le rapport d'information du Sénat français, intitulé «Sahel : pour une approche globale», vient d'être publié. Enregistré à la présidence du Sénat le mercredi dernier, le rapport volumineux (193 pages) se veut comme «une analyse fouillée et lucide sur une région en crise» et avance des recommandations pour «traiter les racines profondes d'un demi-siècle de crises maliennes» et éradiquer le terrorisme dans le Sahel. Ce rapport a été élaboré au nom de la commission sénatoriale française des Affaires étrangères, de la Défense et des forces armées par un groupe de travail co-présidé par le sénateur de gauche Jean-Pierre Chevènement et le sénateur de droite Gérard Larcher, ancien président du Sénat. Dans cette étude aussi approfondie que minutieuse, le rôle et la place de l'Algérie pour sécuriser le Sahel sont largement examinés, surtout que MM Chevènement et Larcher se sont rendus à Alger début juin dernier pour rencontrer des responsables politiques, dont le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, et militaires, ainsi que des personnalités de la société civile. Le rapport est sans équivoque en titrant à la page 158 : «L'Algérie, un partenaire incontournable pour assurer la sécurité au Sahel.» «La résolution de la situation sécuritaire de la région, estiment les rapporteurs, ne peut être pensée sans la nécessaire association de l'Algérie, qui a payé un lourd tribut au terrorisme et qui est le seul grand pays de la bande saharo-sahélienne disposant d'une armée forte et d'une expérience éprouvante de la lutte contre le terrorisme.» «Reste à savoir ce qu'on peut aujourd'hui attendre de ce partenaire […], convaincus que nous sommes, que nous avons, avec l'Algérie, des intérêts et des objectifs communs», souligne le rapport qui, pour répondre à la question, examine trois données. La première de ces données est «l'expérience irremplaçable» de l'Algérie dans la lutte contre le terrorisme. Le rapport trouve «évident qu'après la décennie noire» qui a fait en Algérie des centaines de milliers de morts, que les services algériens connaissent particulièrement bien les terroristes et le nord du Mali, le Gspc (Groupe salafiste pour la prédication et le combat) algérien, issu, en 1998, des Groupes islamiques armés (GIA), en ayant fait sa base arrière durant «les années de plomb». Après une évocation des méfaits criminels du Gspc et d'Aqmi, le texte rejette la thèse «d'une instrumentalisation, voire d'une manipulation des rébellions touarègues par Alger […] qui pourrait bien témoigner d'une fixation dépassée sur l'Algérie» qui «reste aux prises avec le terrorisme chaque semaine…». «L'estimation du nombre de terroristes sur le territoire algérien serait d'environ 400, dont 150 actifs […]. Nos entretiens avec les responsables algériens ont été très clairs sur leur détermination pour lutter sans failles contre le terrorisme […]. Nous avons, avec l'Algérie, le même ennemi que le pays connaît particulièrement bien, pour avoir lutté et pour lutter encore contre lui sur son propre sol : les terroristes», affirme le rapport sénatorial avant de citer les efforts de l'Algérie à sécuriser sa frontière sud et sa disponibilité «à assurer la formation des forces de sécurité maliennes, autant que des forces de sécurité libyennes». Intitulée «Une nouvelle page à écrire dans nos relations avec l'Algérie», la deuxième donnée insiste sur l'approfondissement en matière de sécurité entre l'Algérie et la France après le lancement de l'opération Serval et l'attaque terroriste de Tiguentourine. «Nous sommes convaincus, affirment les rapporteurs, qu'il nous faut saisir l'occasion de la page qui se tourne aujourd'hui dans nos relations avec l'Algérie pour faire avancer la réflexion sur les moyens d'assurer la sécurité au Sahel. La France n'a pas vocation à rester au Mali ; il faut développer la coopération avec nos partenaires algériens que la géographie fait voisins du Mali. En particulier, le dialogue à haut niveau, recommande le rapport, doit se poursuivre et doit servir à ouvrir des opportunités de renforcement de la collaboration entre nos services chargés de la lutte contre le terrorisme.» «Un facteur potentiel de stabilisation du Sahel, dans les limites autorisées par la Constitution algérienne», est le titre du troisième point étudié par le rapport sénatorial français qui d'emblée pose la question suivante : «Soyons lucide : qui d'autre peut, dans la région, prendre la tête d'une coopération renforcée ?». La réponse est l'Algérie. Mais aussi puissante comme décrite dans le rapport, l'armée algérienne ne peut constitutionnellement intervenir à l'extérieur des frontières nationales. Ce qui amène les rapporteurs à souligner que «si l'Algérie ne pourra tout faire pour assurer la sécurité du Sahel, cela ne veut pas dire qu'elle ne peut pas apporter une contribution décisive». Dans ce sens, le rapport souligne que «les Algériens nous ont semblé disposés à retrouver un rôle plus actif dans le processus politique de résolution de la crise malienne […]. L'Algérie est également disposée à coopérer avec ses voisins en matière de formation des forces armées». «L'Algérie est, enfin, ajoute le rapport, un allié de taille pour consolider le contrôle des frontières au cœur de l'espace régional sahélien. Ce n'est pas rien, et il faut aujourd'hui exploiter la disponibilité et la réceptivité des autorités algériennes.» M. M.