Lorsque des ministres se rencontrent en dehors de leurs bureaux, ils redeviennent des hommes et des femmes presque normaux. Cela était le cas, hier, lors de l'inauguration du «marché de la solidarité» au niveau du siège de l'Ugta. Avec un animateur comme Abdelmadjid Sidi Saïd, les ministres se sentaient un peu comme chez eux. Ils papotaient librement sans réellement faire attention aux journalistes et aux accompagnateurs. Cette situation inédite a permis de connaître certains aspects des préoccupations des ministres qui ne font pas l'objet d'une communication officielle. On y découvre aussi le goût pour certains produits et la confusion que font certains entre un ministre et un membre de sa famille. Ainsi, Mme Souad Bendjabellah, ministre de la Solidarité, semblait très intéressée par la production du groupe textile et cuir C&H. Alors que le représentant de la marque expliquait le redéploiement industriel, la ministre souhaitait savoir où et à combien elle pouvait acquérir ces produits. Face aux sacs en cuir, elle se laissera aller à une confidence à son voisin : «j'adore les sacs en cuir», tout en demandant le prix d'un des modèles. Pendant ce temps, et voulant faire de «ses» marchés autre chose que des structures destinées aux fruits et aux légumes, Mustapha Benbada, ministre du Commerce, demandera à Cherif Rahmani, ministre de l'Industrie, ce qu'il pensait «s'il lui réservait quelques boutiques pour que les entreprises manufacturières puissent y vendre leurs productions, y compris sous la forme de franchise». Cherif Rahmani, conformément à son style, recommande la mise en place d'une commission pour trancher. Au cours de la promenade entre les stands, Cherif Rahmani rencontre M. Rekhroukh, P-dg du Groupe Cosider. «Je met la pression sur le Groupe Gica», dira le ministre au P-dg. Les observateurs comprendront que la pénurie de ciment n'est pas une vue de l'esprit y compris pour le premier Groupe public du Btph. Mustapha Benbada qui semble avoir des soucis avec les journalistes, se met à leur recherche. La raison est simple, il a trouvé chez le patron de la Centrale syndicale des pois chiche à 120 dinars le kilogramme. «Vous voyez, les prix sont raisonnables», clame-t-il. Fier de sa démonstration, le ministre oubliera que sur des centaines de milliers de points de vente, les pois chiches sont à 200 dinars le kilogramme. De son côté, Rachid Benaïssa, ministre de l'Agriculture, ayant aperçu Josheph Ged, P-dg de Nedjma, se rappelle qu'un projet devait être réalisé avec cette entreprise de téléphonie. Un petit échange entre les deux hommes indique que la relance des attractions du champ de courses du Caroubier est à l'étude. L'opérateur semble intéresser et posera juste une question : «A qui dois je m'adresser ?» Une des tares de la bureaucratie algérienne est mise à jour incidemment. Les investisseurs ne savent que rarement à qui s'adresser. A côté d'eux, le ministre de la Poste et des Technologies de l'information et de la communication, Moussa Benhamadi, visite le stand d'Algérie Poste qui permettra aux clients du marché de la solidarité de retirer quelques sous pour faire leurs courses. Soudain quelqu'un se rappelle que Condor c'est aussi de la production nationale. On demandera à Moussa le numéro de téléphone de Abdelmalek. Pourquoi se gêner, c'est la promotion de la production nationale qui compte ! A côté de ce beau monde, les Algéroises et les Algérois semblaient indifférents. Ils étaient plus attirés par les prix vraiment bas des produits de première nécessité et des viandes rouges et blanches. Il est vrai que l'Algérie se normalise. Au pays du «normal», les affaires se traitent partout même lors d'une inauguration d'un marché populaire. A. E.