«Madjer est une légende à Porto et une fierté pour le Portugal» C'est avec amabilité que la légende du football portugais et joueur de l'Inter de Milan, Luis Figo, nous a reçus au Centre sportif du club milanais. Avec gentillesse et disponibilité, il nous parle de son parcours, des ambitions de l'Inter et aussi de ce qu'il sait de Zinédine Zidane, de Madjer et du football algérien. * Croyez-vous l'Inter de Milan capable de conserver son titre de champion d'Italie ? Je n'ai aucun doute là-dessus. Je dirais même que cela m'étonne d'entendre encore cette question posée, alors que nous sommes leaders du championnat depuis le début de la saison. Certes, les autres clubs, et je pense surtout à la Juventus et au Milan AC, feront tout pour nous ravir le titre, mais nous saurons comment le défendre jusqu'à la dernière journée. * Qu'avez-vous à répondre à ceux qui accusent l'Inter de bénéficier de l'aide des arbitres ? Ce sont des accusations infondées, de simples commentaires de cafés auxquels je ne donne aucune importance. * Lequel du Milan AC ou de la Juventus constituera le vrai danger pour l'Inter ? Chacun d'eux voudrait coiffer l'Inter au poteau et c'est pour cela qu'il nous faut jouer à fond tous nos matches et ne pas attendre un cadeau de qui que ce soit. La défaite concédée face à l'Atalanta (3-1) est la preuve que tout le monde veut nous stopper. * Les observateurs font remarquer que compte tenu de la richesse de son effectif, l'Inter ne doit pas se contenter du championnat de Serie A… Qui a dit que nous ne visons pas plus que le championnat ? Les bons résultats réalisés en Ligue des champions ces dernières années en sont la meilleure illustration. C'est vrai que l'Inter n'a pas remporté le titre européen, mais sa participation n'est pas passée inaperçue. * Vos ambitions cette saison sont-elles de faire encore mieux que de ne pas passer inaperçus ? Certainement. Nous avons le groupe et la qualité pour atteindre cet objectif, même si le chemin est encore long et parsemé d'embûches. Il faut dire aussi que la chance joue un rôle dans la Ligue des champions, surtout à partir des huitièmes de finale où les matches sont à élimination directe. * Quelles sont vos chances de remporter la Ligue des champions ? Elles ne sont pas moindres que celles de n'importe quel autre club. Si l'Inter, champion d'Italie en titre et leader de la Serie, n'ambitionne pas de gagner la Ligue des champions, ce serait vraiment étrange et inédit. * Comment voyez-vous votre double confrontation contre Manchester United ? Très difficile, vous vous en doutez. Non pas parce que l'adversaire s'appelle Manchester United, mais parce que, comme je viens de le dire, tous les clubs ayant atteint le stade des huitièmes de finale sont capables d'aller au bout. Il faut aussi tenir compte du facteur surprise. * Est-ce vrai que vous auriez préféré tomber contre Liverpool, afin de pouvoir prendre votre revanche suite à l'élimination de la saison passée ? J'ai entendu ces allégations et bien d'autres, entre autres que notre entraîneur José Mourinho aurait aimé affronter Chelsea, son ancien club, mais tout cela est faux. Ce que je sais -et tous les sportifs vous le diront-, c'est qu'une qualification s'obtient par une bonne préparation et non pas en pensant aux résultats des précédentes confrontations. Certains pourraient croire que les équipes qui jouent pour prendre une revanche sont plus engagées et plus déterminées, mais il faut savoir que l'engagement et la détermination, à eux seuls, ne peuvent suffire pour gagner un match à ce niveau de la compétition. * Manchester pourra-t-il se suffire de la présence de votre compatriote Cristiano Ronaldo pour passer aux quarts de finale ? Si Manchester United comptait uniquement sur Cristiano Ronaldo ou sur un autre joueur, il n'aurait jamais gagné autant de titres. C'est une équipe au sens plein du terme, c'est-à-dire que chaque joueur en son sein est source de danger pour l'adversaire. D'ailleurs, lorsqu'on évoque l'attaque de Manchester United, je m'étonne que le rôle que joue Wayne Rooney ne soit pas mis assez en valeur. * Quel est le titre ou la performance dont vous êtes le plus fier ? Tous les titres que j'ai remportés me sont chers, car je les ai gagnés à la sueur de mon front et personne ne m'en a fait cadeau. Cependant, le Ballon d'Or que j'ai remporté en 2000 tient une place particulière dans mon palmarès. * Si vous aviez réussi à remporter l'Euro-2004 avec le Portugal, ce titre aurait-il été le plus beau pour vous ? Je ne perds pas mon temps à me lamenter sur le passé. Cette compétition s'était déroulée chez nous, au Portugal, et j'avais fait tout mon possible pour remporter le titre, mais la Grèce, qui avait une équipe soudée, a su comment nous contrer. * Qu'aviez-vous ressenti lorsque des milliers de Portugais avaient signé une pétition pour vous demander de renoncer à votre retraite internationale ? Cette initiative m'avait beaucoup touché, car elle démontrait que je défendais mon pays avec loyauté. * Un éventuel sacre en Ligue des champions ne serait-il pas la meilleure performance avant de prendre votre retraite ? Chaque sportif espère que ses efforts soient jalonnés de succès du début jusqu'à la fin de sa carrière. Même s'il jouait un match amical avant sa retraite, il fait tout pour le gagner. Que dire alors lorsqu'il s'agit de la Ligue des champions, la plus grande et plus prestigieuse compétition des clubs ? Je l'ai déjà gagnée avec le Real Madrid il y a 7 ans et je connais son goût unique. * En parlant du Real Madrid, pensez vous que votre transfert vers ce club en 2000 a été le tournant de votre carrière? Il est clair que ma signature au Real Madrid constitue une étape importante dans ma carrière, surtout que j'étais auparavant sociétaire du club rival, le FC Barcelone. * Cependant, les supporters du FC Barcelone n'avaient pas accepté votre départ pour le Real… Je pense avoir pris la bonne décision à l'époque.Cela dit, il est difficile, voire impossible de prendre une décision qui puisse contenter tout le monde. * Quel est le plus beau but que vous avez inscrit dans votre carrière professionnelle? Tant que je n'ai pas encore pris ma retraite sportive, j'aspire toujours à inscrire un but qui serait une merveille de par sa beauté et son importance. Quant au meilleur but inscrit jusqu'à aujourd'hui, il s'agit de celui que j'avais marqué contre l'Angleterre lors de l'Euro-2004. * Quelles sont les stars dont vous estimez avoir été chanceux d'avoir joué à leurs côtés ? J'ai joué pour de grands clubs et j'avais donc de grands joueurs comme coéquipiers comme Zidane, Ronaldo, Rivaldo… * Qu'en est-il de l'information qui s'était répandue en 2006 au sujet de votre intention de signer dans un club saoudien? Ce qui s'était passé est que je m'étais effectivement entendu avec la direction du club Al Ittihad pour signer un contrat de quatre mois, mais elle n'avait pas respecté des clauses du contrat et j'ai donc poursuivi ma carrière à l'Inter. Je ne le regrette pas, car le temps a démontré que j'avais fait le bon choix car, en plus de remporter le championnat d'Italie et de concourir encore pour d'autres titres, je suis satisfait de l'ambiance qui règne au sein de l'équipe et dans le club de manière générale * Pour rester dans les informations colportées par les journaux, est-ce vrai que c'est vous qui aviez conseillé la direction de l'Inter de s'attacher les services de l'entraîneur José Mourinho ? C'est du n'importe quoi. Massimo Moratti préside l'Inter de Milan depuis deux décennies et, par conséquent, ce n'est pas un intrus dans le monde du football. Par ailleurs, Mourinho n'est plus à présenter, à voir ce qu'il a fait avec Porto et Chelsea. Aucun d'eux n'avait donc besoin de quelqu'un pour jouer les intermédiaires. Cela dit, ma relation avec les deux hommes est excellente. * Est-ce cette excellente relation qui a favorisé la poursuite de votre parcours avec l'Inter ? C'est une décision prise avec la direction du club, car on avait besoin de mes services, nonobstant le nom de l'entraîneur. Cependant, je ne nie pas que j'étais favorable à la désignation de José Mourinho comme entraîneur. * Il se dit aussi qu'une forte amitié vous lie à lui… On a dit cela lorsque j'avais déclaré publiquement que je soutenais son arrivée, mais il est vrai que je le connais depuis longtemps, depuis le début de sa carrière d'entraîneur, et nos relations ont toujours été bonnes. * Qu'est-ce qui vous plaît en lui ? Je pense que Mourinho a une personnalité charismatique du fait de son riche palmarès et de son style de travail. Autant il est rigoureux et parfois même dur avec les joueurs, autant il les défend à chaque occasion devant les médias en disant courageusement ce qu'il pense sans craindre personne. * Est-ce vrai que le propriétaire et président du club, Moratti, vous a proposé d'intégrer la direction après votre retraite ? Les projets qui me sont proposés pour l'après-football sont nombreux, mais je ne veux rien anticiper, car je n'ai pris aucune décision jusqu'à maintenant. Qui sait ? Peut-être que je n'arrêterai pas à l'issue de la présente saison. * En parlant de retraite, des observateurs ont désigné Quaresma comme votre successeur au sein de la sélection du Portugal. Qu'en pensez-vous ? Personnellement, je n'ai désigné personne pour me succéder, pour la simple raison que l'école portugaise possède de nombreux talents qui peuvent me remplacer ou remplacer n'importe quel autre joueur. Cela dit, Quaresma est talentueux et possède un gros potentiel. * Il ne s'est cependant pas imposé au sein de l'Inter, ce qui a amené le club à le prêter à Chelsea… Ricardo (Quaresma, ndlr) n'a pas échoué au sein de l'Inter, puisqu'il a été seulement prêté à Chelsea et non pas mis sur la liste des transferts. Sa présence provisoire dans un club de l'envergure de Chelsea est loin d'être dévalorisant pour lui. * A l'inverse de Quaresma, votre ancien coéquipier David Beckham s'est imposé au Milan AC… Beckham est un ami et pas seulement un ancien coéquipier. Son excellent rendement au Milan AC n'est une surprise que pour ceux qui sous-estiment son talent et son assiduité au travail. J'ai été très content pour lui lorsqu'il a rejoint Milan et je l'en avais félicité. Lorsqu'il était arrivé, des journalistes et observateurs avaient assimilé sa signature à un coup de marketing, comme si Beckham était un acteur et non pas un footballeur professionnel de grande qualité. * Féliciteriez-vous votre coéquipier Zlatan Ibrahimovic s'il venait à gagner le Ballon d'Or ? Je lui souhaite de tout cœur qu'il remporte ce trophée un jour. Je sais qu'il n'est pas facile de remporter le Ballon d'Or, mais il le mériterait du fait de ses performances régulières avec l'Inter et la sélection de la Suède. * Moratti a affirmé que Ibrahimovich pourrait remporter le Ballon d'Or, à la seule condition d'être soutenu par une campagne médiatique. Qu'en pensez-vous ? Il a plus ou moins raison, mais je pense que les chances de Ibrahimovic seraient décuplées par une victoire de l'Inter en Ligue des champions. C'est pour ça que je dis que pour atteindre son objectif, Zlatan a plus besoin de nous, ses coéquipiers, que d'une campagne médiatique. * En attendant un éventuel sacre de Ibrahimovic, la chance a souri, cette fois-ci, à Cristiano Ronaldo… Son sacre m'a rendu heureux et j'ai été l'un des premiers à le féliciter. C'est une fierté pour nous Portugais. C'est le troisième joueur de notre pays à remporter le Ballon d'Or, après Eusebio en 1965 et moi-même en 2000. Ce qui démontre que l'école portugaise a toujours été productrice de talents. * Ne pensez-vous pas que ce sacre rend Cristiano Ronaldo le plus à même de porter, comme vous, le numéro 7 et le brassard de capitaine ? C'est un joueur au grand potentiel et il l'a démontré avec Manchester United et la sélection du Portugal. Remporter le Ballon d'Or n'est pas une surprise et il serait naturel qu'il porte le numéro 7 et le brassard de capitaine en sélection. * Que vous rappelez-vous de Zidane ? Comme je vous l'ai dit plus haut, j'ai eu la chance de côtoyer de grands champions, dont Zidane qui a remporté tous les titres dont rêve un joueur professionnel. Il a été décisif dans deux titres majeurs remportés par la France : la Coupe du monde en 1998 et l'Euro-2000. De même, il a laissé son empreinte dans tous les clubs par lesquels il est passé. * Ne pensez-vous pas qu'il a arrêté relativement tôt ? Je ne le pense pas, car la décision d'arrêter n'est pas facile à prendre. Connaissant Zidane sensé et pondéré dans ses prises de décisions, il a certainement mis un terme à sa carrière lorsqu'il a jugé le moment opportun. * Quelle appréciation faites-vous de ce qui lui est arrivé avec Materazzi en finale de Coupe du monde ? Ce qui s'est passé arrive dans toutes les compétitions. Ce sont les médias qui ont exagéré le fait. Autrement, la question aurait été réglée sur-le-champ. * Des journalistes pensent que vous êtes la personne la mieux indiquée pour réconcilier les deux hommes… Je ne crois pas qu'ils aient besoin d'un médiateur pour une réconciliation. Ils ont plutôt besoin qu'on ne donne pas de très fortes proportions à l'affaire. Je persiste à dire que l'incident aurait été clos à l'époque, s'il avait été circonscrit à sa dimension naturelle. Si j'étais convaincu que j'avais la solution en main, j'aurais pris l'initiative de la médiation sans qu'on me le demande. * Que vous rappelez-vous de Madjer ? C'est l'un des plus grands joueurs de l'histoire du FC Porto, dont il a été l'un des joueurs essentiels pour la victoire en Coupe d'Europe des clubs champions. Et de quelle manière ! Tout le public sportif au Portugal se rappelle avec admiration et fierté le but magnifique marqué du talon, l'un des plus beaux de l'histoire de la compétition. Madjer a gravé son nom en lettres d'or dans l'histoire du club. Je pense même que son apport a été bénéfique pour tout le football portugais et il est naturel que Porto et tous les Portugais lui soient reconnaissants. * Que connaissez-vous du football algérien ? Malheureusement, je n'ai pas eu l'occasion de voir des matches de la sélection d'Algérie. J'ai pu regarder des séquences du match amical contre le Brésil et je trouve que les Algériens ont fait mieux que se défendre, puisque les Brésiliens ont souffert pour les battre. En plus de Madjer et de Zidane, j'ai noté que le football algérien repose sur un jeu technique similaire à celui pratiqué dans le Sud de l'Europe et en Amérique du Sud. * Où passez-vous votre temps libre ? Je passe la plupart de mon temps avec ma famille à la maison ou dans des lieux de détente lorsque l'occasion m'en est donnée. Je passe également quelque temps à m'occuper de mes affaires commerciales, ainsi que pour la promotion de l'association que j'ai créée pour venir en aide aux enfants défavorisés. * Vous en êtes à votre quatrième saison avec l'Inter. Partagez-vous l'avis de ceux qui estiment que la Serie A est le championnat le plus fort au monde ? C'est un avis que je respecte, mais que je ne partage pas. La Serie A n'est pas le championnat le plus fort, mais seulement le plus rigoureux et le discipliné tactiquement. J'ai découvert en Italie que, contrairement à ce que je pensais, la préparation physique tient une place importance à l'entraînement. * Alors que vous êtes en passe de prendre votre retraite, quels conseils pouvez-vous donner aux jeunes talents tels Balotelli ou Muntari ? Je ne manque jamais de prodiguer des conseils à tout joueur qui m'en demande, mais mes conseils concernent uniquement les entraînements et les matches. S'agissant des autres domaines, je ne m'en mêle pas. Je suis très content lorsque je vois des joueurs entamant leur parcours venir me demander conseil, afin de bénéficier de ma longue expérience. * Et vous, au début de votre parcours, quels étaient vos idoles ? J'étais un fan de Maradona qui était le meilleur dans l'absolu. Après lui, venaient le Brésilien Zico, le Hollandais Marco van Basten et le Danois Laudrup. * Allez-vous retourner au Portugal à la fin de votre carrière ? Je ne me suis jamais coupé du Portugal. Cependant, une fois à la retraite, je m'établirai en Espagne, plus précisément à Madrid où j'ai vécu de longues années. * Un dernier mot pour clore cet entretien ? Mes salutations chaleureuses au public sportif algérien. Entretien réalisé à Milan par Ahmed Lakrout
