Indéniablement, Kouceïla Berchiche est l'homme qui monte à la JSK, voire dans le championnat algérien. « J'étais prêt à payer pour jouer à la JSK » Indéniablement, Kouceïla Berchiche est l'homme qui monte à la JSK, voire dans le championnat algérien. Pourtant, il a dû galérer avant de voir se réaliser un rêve d'enfant : porter un jour le maillot de la JSK, porte-flambeau de toute une région. C'est une cette région que Berchiche nous a fait découvrir pour nous permettre de réaliser le reportage que voici :
Les douze coups de minuit n'ont pas encore retenti. La citrouille est toujours carrosse ! Et ça roule carrosse pour Kouceila Berchiche au sens propre comme au figuré. Le joueur était tout heureux de s'essayer ce samedi-là au volant de sa nouvelle Peugeot 207 que le club venait de lui octroyer en guise de deuxième tranche de sa prime de signature. Cendrillon, ce n'est pas qu'un conte de fée ! Et comment ne pas en faire le rapprochement au regard de ce qu'est en train de vivre le stoppeur kabyle. Il y a six mois à peine, il était encore un inconnu au bataillon. L'on se souviendra de ce joueur à la course chaloupée qui avait débarqué chez les Canaris presque sur la pointe des pieds. Sans faire de bruit, autrement dit. Venant du WAR, il ne fallait pas s'attendre à ce que les très exigeants supporters kabyles l'accueillent avec des fleurs, lui pourtant l'enfant de la région. Berchiche a sans doute pris sur lui à ce moment-là, même s'il ne le dit pas ouvertement sans doute pour ne pas écorner cette réputation qu'il vient de se construire. En tout les cas pour lui confier les clés d'une défense à qui il est arrivé de boire la tasse, après le départ de Demba, Jean-Christian Lang n'hésitera pas une seconde. « Pour palier le départ de Demba, moi je vote Berchiche ! », nous avait confié l'entraîneur français il y a quelques deux mois de cela au cours d'une discussion en marge du match face aux FAR de Rabat. L'on ne demandait qu'à voir. De toutes les façons, l'on allait voir ce qu'on allait voir. Et qu'est-ce qu'on a vu ? « Une ascension fulgurante. Il n'arrête pas de progresser depuis son premier match face à Annaba », témoigne Kamel Kaci-Said, son entraîneur en sélection nationale militaire. L'ex-joueur du Zamalek venait spontanément de nous résumer en deux phrases le parcours de son stoppeur. Petit à petit, Berchiche a fait son trou. Du banc, il a fait le bond ! Retracer ce parcours en sa compagnie fut un plaisir. Bagou, il l'a été jusqu'au bout. Spontané aussi. Comme le fut cette balade qui nous a emmenés du CREPS de Ben Aknoun à Thaourirth n'Moussa à Beni Douala dans la demeure même du défunt Matoub Lounès. On avait rien prévu. On a marché, il a parlé. Ce fut un réel plaisir qu'on va essayer de partager ici avec vous. Alors, appréciez ! Un jour de samedi à l'Académie ! Rendez-vous est donc pris avec Kouceila Berchiche pour ce samedi 7 février au CREPS (Centre Régional d'Education Physique et Sportive) de Ben Aknoun. Le défenseur kabyle était rappelé en regroupement par Kamel Kaci-Said. La sélection militaire prépare un match de coupe. Kaci-Saïd avait déjà pris le soin d'annoncer notre venue. Il ne restait donc qu'à montrer patte blanche, décliner notre identité au poste de police et on était déjà sur la piste cyclable du terrain principal, non sans s'être vu remettre des badges en guise de laisser-passer. Ce jour-là, Kaci Saïd avait décidé de mélanger l'équipe du CREPS avec la sélection. A 10h pile, les joueurs s'adonnaient déjà un footing en petites foulées sous une pluie fine. Les grosses bourrasques de vent rendaient leur course éclopée. Régime militaire oblige ! Là-bas, pas de place aux ronchonneurs. Islam Aït Ali-Yahia (USMA), Malik Asselah (NAHD) et Abdelkader Harizi (CRB) étaient parmi le groupe. Pour l'Usmite, il était facilement reconnaissable, nageant dans son parka aux couleurs du club. Curieusement, point de Kouceïla Berchiche. Nous avait-il posé un lapin ? « Il est à l'infirmerie pour des soins... », nous rassura illico Lyes Izri, membre du staff technique de la sélection militaire. Avant d'ajouter. « Il ne va pas tarder à arriver. » En attendant, va pour une petite discussion avec Kaci-Said dans son bureau. «C'est moi qui l'ai fait venir de Réghaïa. J'ai tellement entendu du bien de lui que je n'ai pas hésité une seule seconde à l'intégrer dans la sélection. Ça a sauté aux yeux. Ce garçon avait de la qualité », témoignait-il. Le sélectionneur national fut coupé par la toux sèche du joueur qui frappait à la porte. Berchiche toussait à « gorge déployée ! ». Petite explication, programme à la poche et... vroom ! Nous quittons alors le CREPS, direction Tizi. Petit crochet chez Peugeot où le joueur s'est vu livrer sa nouvelle 207 flambant neuve et ça repart. Une formation perturbée Sur la route, la discussion a tourné naturellement autour de la carrière de Berchiche qui d'un ton posé et apaisé à vous faire somnoler sur votre siège s'est mis à nous raconter ses débuts dans le football. « J'ai débuté en poussins à la JSK. C'était en 97 je crois », racontait-il. A la JSK, Berchiche ne fera pas de vieux os. « J'ai dû raccrocher au bout de deux ans. Mon cursus sportif était perturbé et mon père m'a alors retiré du club. Il avait refusé d'entendre parler de foot. C'est vrai que quelque temps après, j'y suis retourné, mais je ne faisais que m'entraîner avec le groupe. Je n'avais pas de licence. Mon père avait refusé de me signer l'autorisation paternelle. Abdelmounaâm Kharoubi m'avait autorisé quand même à m'entraîner », raconte Berchiche. Celui-ci signera sa licence quelques années après, mais loin du 1er-Novembre et de la JSK. « Sur insistance de ma mère, j'ai signé une licence à la JS Boukhalfa. Le fait de ne pas avoir décroché complètement m'a aidé à reprendre vite », se souvient-il.
Au MOB sans préavis ! A cette époque, Berchiche était loin de se douter qu'une simple partie de foot endiablée au quartier allait l'extraire du sableux stade de Boukhalfa pour l'envoyer au MOB. Pour ce faire, il n'en fallait pas plus qu'un coup de pouce de Kamel Marek qui avait décelé chez lui des qualités certaines. « C'est Marek qui m'avait proposé au MOB. Je ne m'en cache pas. Il m'avait vu jouer et il avait appelé Laklak pour lui parler de moi. A peine deux jours après, je me suis retrouvé dans le bureau de ce dernier à signer mon contrat. » Petite anecdote : « Je ne l'ai dit à personne ! Ce n'est qu'une fois le contrat signé que je l'ai dit à mes parents. Mon père l'avait mal pris au départ, mais le stage en Pologne auquel j'avais pris part avait tempéré ses ardeurs », racontait-il. Au MOB, Berchiche jouera une saison. Il aura suffi d'un contact de l'USMA et il tourne casaque. « Mais c'était plus le challenge qui m'emballait. C'était l'USMA, quand même. J'avais toujours rêvé de jouer dans un grand club et cette opportunité s'était présentée avec cette touche de Aksouh qui était venu me voir au sortir d'un match amical (MOB-USMA, ndlr) pour me proposer de signer à l'USMA et j'ai dit oui... » Son expérience usmiste sera aussi courte que celle au MOB. Au final, Berchiche connaîtra deux clubs en l'espace de deux ans alors qu'il n'a pas encore terminé son cycle de formation. A l'été 2006, il se retrouve sans club. Il signe alors au WAR.
La sélection militaire, un tremplin salutaire Kouciela Berchiche passera deux saisons complètes à Rouiba. Un record pour un joueur alors instable. Hocine Yahi, l'entraîneur en chef, le prendra sous son aile. « Yahi m'a beaucoup aidé. Avec lui, j'ai progressé sur tous les plans. Rien que par ses conseils et ses orientations, il m'a beaucoup aidé. Même lorsque les clubs voulaient me prendre cet été, il était là. Il m'a protégé. Pour tout cela, je lui serai reconnaissant toute ma vie. » Au WAR, Berchiche terminera son apprentissage. Il gagnera en expérience mais aussi en temps de jeu. « Je ne regrette pas le temps que j'ai passé là-bas. Même lorsqu'on me disait dans la rue que je perdais mon temps et qu'il fallait que je me trouve un club, je ne bronchais pas. Car j'avais besoin de jouer, de progresser et au WAR j'avais cette opportunité. J'aurais pu partir à une époque où le NAHD insistait pour m'avoir. Mais j'ai préféré rester. J'avais encore beaucoup à apprendre et franchement, les expériences du MOB et de l'USMA m'ont appris à être patient », avoua Berchiche. Mais si l'expérience du WAR l'a construit, ou autrement l'a préparé au haut niveau, mais c'est la sélection militaire qui le révélera au grand public. « La sélection militaire est en quelque sorte le top ! Je me suis tout simplement fait un nom », reconnaît-il. Son entraîneur, Kamel Kaci-Saïd, témoigne. « Avec la sélection, on avait joué contre des clubs de l'élite. Seize ou dix-sept matches au total. Et à chaque fois, Berchiche nous en mettait plein les yeux. Sa lecture du jeu, son placement et sa relance faisaient de lui un libéro comme on n'en trouve plus de nos jours. Il n'y avait aucun doute quant à ses qualités », témoigne Kaci-Saïd.
Fergani le voulait à l'USMA, Khalef le place à la JSK La sélection nationale militaire donnera à la carrière de Berchiche un autre élan. Ce fut carrément le tournant. « A chaque fois qu'on affrontait une équipe de l'élite, on venait me poser des questions à la fin du match sur lui », confie encore Kaci-Saïd. C'est aussi lors d'un match avec la sélection militaire qu'il tapera dans l'il averti de Mahieddine Khalef. Comme il est rare que celui-ci se trompe sur la valeur d'un joueur, il a vite repéré chez Berchiche les qualités d'un futur grand. « Khalef, il n'y a pas si longtemps, je ne le connaissais que de nom. Enfin, jusqu'au jour où il était venu dans le vestiaire au sortir d'un match amical avec la sélection militaire et demandait à me voir. Quand on m'avait dit que Khalef m'attendait dehors, j'ai dit waou ! Je suis sorti le voir. Il m'avait dit qu'il m'a trouvé bon. Il m'avait encouragé à persévérer », raconte Berchiche. Ali Fergani, l'ex-sélectionneur national, l'avait aussi remarqué au cours d'un match. « Il avait voulu me placer à l'USMA. Il en a même parlé aux dirigeants de ce club, je crois. » Mais c'était compter sans l'influence de Khalef qui parlera de Berchiche à Hannachi et le transfert était conclu. Enfin presque, car au même moment, le MCA, le NAHD et l'USMB s'y sont alignés. « On avait même raconté que j'avais signé à l'USMA. Hannachi m'avait alors appelé pour me rappeler l'accord que nous avions passé tous les deux quelques jours auparavant. Pour prouver ma bonne foi, je suis allé au bureau et j'ai demandé de signer mon contrat. Le président s'est montré quelque peu étonné, car on n'avait pas alors négocié les modalités. J'ai signé quand même. Hannachi m'avait dit : Et l'argent ? Je lui ai répondu qu'on en reparlera un autre jour. Aujourd'hui, je ne regrette rien, car le président s'est comporté toujours en homme avec moi. Je n'oublie pas ça, même si je veux que les gens sachent que je n'ai jamais signé à la JSK pour l'argent. Si c'était ma motivation, j'aurais opté pour le NAHD dont un dirigeant m'avait ramené du cash ! »
«Avec toi Berchiche, on peut faire quelque chose...» C'est donc en plein été, période où la chasse aux « stars » et autres oiseaux rares était déclarée ouverte que Berchiche débarque à la JSK. A Tizi Ouzou, on a accueilli cette arrivée du coin de l'il. Pour beaucoup, Berchiche n'allait pas tarder à se casser les dents, comme c'était le cas pour Bourekba et Saïbi qui, comme lui, ont débarqué d'en bas et n'ont jamais réussi à faire leur trou. « Ce n'était pas facile de se débarrasser de cette étiquette de joueur qui vient d'en bas. L'expérience de Bourekba et Saïbi ont fait que les gens n'y croyaient pas trop. Ce n'était pas évident », reconnaît-il aujourd'hui. Ça démarre donc mollo. C'est vrai que l'ex-entraîneur Alexander Moldovan avait décelé chez lui des qualités certaines lors du stage au Maroc, mais la concurrence était telle que Berchiche était destiné, du moins à l'époque, pour la voie de garage. D'autant que le club kabyle a enregistré un renfort en défense : Belabbès. « Berchiche, avec toi, on peut faire quelque chose ! », lui a lancé un jour le Roumain, qui, au grand dam du Kabyle, démissionnera quelques jours après. Berchiche passera du coup presque toute la phase aller à s'entraîner et à enchaîner les stages avec la sélection militaire. « La sélection militaire était mon refuge. Là-bas, je retrouvais la confiance, la joie de jouer. Je renaissais... » Une coupe d'Afrique réussie avec une finale à la clé, le destin s'occupera du reste. Fin décembre, le transfert du Malien Barry Demba à Al Hilal du Soudan était conclu. Une place se libère et Berchiche l'a saisie. Une juste récompense pour un joueur qui a su rester patient. « Je n'ai jamais douté. L'Armée m'a appris la patience et la discipline. Ça m'a beaucoup servi », avoue Berchiche et d'ajouter. « Aujourd'hui, je n'ai pas besoin d'être motivé par des primes alléchantes. Quand je me rappelle le discours du général en Coupe d'Afrique, j'en ai encore la chair de poule ! Après, on a qu'une seule envie : entrer sur le terrain et tout casser ! », raconte fièrement Berchiche.
« Si Dda Meziane était encore de ce monde, il aurait été fier » Le trajet Alger- Tizi est rendu léger par toutes ces anecdotes croustillantes qui ont marqué l'itinéraire du joueur. Celui-ci a quelque peu forcé sur le champignon. Prochaine station, Aguemoune, son village natal. Petite bourgade située en plein cur de la daïra de Beni Douala, wilaya de Tizi Ouzou. Là-bas, le nom des Berchiche est intimement lié à la JSK. Et pour cause, un de ses oncles, Meziane Berchiche, est l'un des membres fondateurs de la JSK. « Il était cordonnier et c'est lui qui chaussait les joueurs de l'époque. S'il était vivant, il aurait été fier », nous a informé Hocine, un autre oncle de Kouceïla. En cette journée d'hiver à ne pas mettre un chat dehors, les gens du village vaquaient à leurs taches quotidiennes en bravant le froid. Nos deux véhicules s'engouffrent dans les très étroites ruelles du village. Aguemoune, village de son enfance. « Mourad, te souviens-tu des interminables parties de foot sur ce terrain ? (il désigne du doigt un terrain gazonné, aujourd'hui clôturé par du fil barbelé) On pariait des pièces et l'équipe qui gagnait se partageait le butin », lançait-il à Berrefane son coéquipier à la JSK et cousin maternelle. « Lui (Berrefane, ndlr), il encaissait des buts par douzaines », tentait-il de le chambrer. Petite virée à l'ancienne maison familiale, aujourd'hui en ruine, ou presque. Le froid glacial qui soufflait ne se déteindra point sur cette chaleur que le joueur dégageait lorsqu'il est retourné à l'école du village. « ça me rappelle mon enfance. J'ai commencé mon cursus scolaire ici avant qu'on ne déménage à Tizi. » Les yeux d'une dizaine de bambins entassés dans une petite salle de classe étaient braqués sur Berchiche. Certains le connaissent, d'autres non, mais tous étaient tout contents de poser avec lui pour des photos souvenir. Les crépitements de l'appareil photo de Zahir notre photographe brisaient le silence qui régnait en ces lieux où l'assiduité rimait avec discipline. Comme tout Kabyle qui se respecte, Berchiche ne pouvait quitter Beni Douala sans se recueillir sur la tombe du défunt Matoub Lounès. « Ce n'est pas loin d'ici. On y sera dans dix minutes, un quart d'heure au plus. » C'était, en effet, le temps qu'il nous a fallu pour rallier Taourirt n'Moussa, village du « Rebelle ». Moment émouvant. Le joueur ne souffla pas un mot. Berrefane, en connaisseur des lieux, faisait office de guide. La voiture du défunt criblée de balles, comme un monument, posait là pour la postérité. Seule la voie tristounette, mi-fatiguée, mi-chagrinée de Nna Aldjia, la mère de Matoub, retentissait dans ce salon où subsiste toujours une atmosphère aussi triste qu'étaient ces larmes versées par la vieille. Ce fut chaud, émouvant et passionnant à la fois. Ça a soufflé le chaud et le froid comme lors de cette journée où le temps qui régnait alternait avec ces deux extrémités. Finalement, conte de fée ou pas, le destin de Berchiche semble tout tracé en tout cas... A. A. A.