«Avant le Mondial, on avait tous des craintes au sujet des Algériens» Claude Makelele vibre à fond avec les équipes africaines dans cette Coupe du monde que son continent natal (il est né à Kinshasa, ex-Zaïre) organise. Lorsqu'il parle de l'Algérie, du Ghana ou de la Côte-D'ivoire, les yeux du Français brillent comme ceux d'un orphelin qui se rappelle de vagues souvenirs d'enfance auprès de ses parents. Il soutient l'Algérie comme un Algérien, le Ghana comme un Ghanéen et la Côte d'Ivoire comme un Ivoirien. Nous l'avons rencontré au Soccer City Stadium pour nous livrer ses premières impressions sur ce Mondial. A l'entendre parler des équipes africaines, Claude Makelele ne laisse aucun doute sur son attachement à ses racines. Mieux encore, dès qu'il en parle, il se laisse naturellement aller en y mettant un "nous" qui veut tout dire. Makelele a parlé au Buteur, en tant qu'Africain et rien d'autre. Comment avez-vous trouvé la Côte d'Ivoire ce soir face au Brésil (entretien réalisé hier soir) ? Au début, en voyant la volonté affichée par les Ivoiriens, on pensait qu'ils allaient pouvoir tenir tête aux Brésiliens. Mais au fil des minutes, la verve des Ivoiriens a baissé devant le génie des Brésiliens. C'est dommage, car j'avais vraiment l'impression qu'ils allaient les bousculer. Je crois qu'ils ont quelques craintes avant d'affronter le Brésil avec toutes ses stars. Mais c'est dommage qu'ils n'y aient pas cru un peu plus. Les Ivoiriens n'ont pas été si mauvais que cela, non ? Non, bien sûr que non. Ils ont même montré un visage séduisant par moments. Mais cela n'a pas suffi devant autant de rigueur en face et autant de génie. Ce n'est qu'après avoir marqué leur but qu'on a vu les Ivoiriens aller un peu plus au charbon. Mais c'était trop tard. Cela dit, on a quand même vu une équipe ivoirienne très intéressante et qui peut aussi avoir son mot à dire dans ce groupe. Ils n'ont pas osé en fait en première mi-temps, non ? C'est sûr qu'ils n'ont pas osé. Mais il faut reconnaître qu'il est très difficile d'oser contre une équipe aussi solide que celle du Brésil. On prend ses marques, on attend surtout de voir ce qu'un tel adversaire va faire, avant d'oser aller le chercher devant. Les Brésiliens ont pris l'avantage dès le départ et quand les Brésiliens mènent au score, c'est toujours difficile de les rattraper pour n'importe quel adversaire. C'était le cas des Ivoiriens. Un mot sur cette équipe d'Algérie qui a fait sensation face aux Anglais ? J'ai vu les deux matches de l'Algérie. D'abord contre la Slovénie, puis face à l'Angleterre. Avant le début de cette Coupe du monde, on avait quelques craintes au sujet des Algériens, parce que, paraît-il, il y avait beaucoup de joueurs blessés ou convalescents. En plus de la série de défaites, face à la Serbie, je crois, puis l'Irlande, sur le même score de 3-0, c'est vrai que ça ne poussait pas à l'optimisme. Mais dès le premier match, les Algériens ont su réagir en prenant le match en main face à de très bons Slovènes. Dommage qu'ils aient encaissé ce but malheureux. Ils auraient pu le gagner ce match, non ? C'est sûr ! Au vu de ce qu'ils ont montré, les Algériens méritaient nettement mieux qu'une défaite dans ce match. Ils ont été entreprenants et audacieux. Ils ont joué le football que j'aime. Et face aux Anglais ? C'était encore mieux pour les Algériens. Ils ont fait le jeu et ont même surpris le monde en dominant outrageusement les Anglais. C'était un régal pour les yeux. Dommage qu'il manquait ce but qui aurait pu faire la différence. C'est ça le football et c'est comme cela que toutes les équipes africaines devraient jouer. Il ne faut pas affronter les grandes équipes avec des pincettes. Il faut aller de l'avant, bousculer ces équipes et leur rentrer dedans. C'est quand on les bouscule qu'on se rend compte que ces équipes sont prenables. C'est en les tutoyant qu'on comprend surtout que, nous aussi, on peut gagner. Il suffit que les Africains y croient et la victoire sera au bout devant n'importe quelle équipe. Vous avez vu cela chez les Algériens plus qu'ailleurs ? Oui, avec les Ghanéens et un peu les Ivoiriens sur leur premier match, je crois que ce sont les seules équipes d'Afrique qui montrent qu'elles ont du cœur pour gagner contre les grands. J'ai vraiment aimé la manière de jouer des Algériens. Un football sans complexe qui ne se soucie pas de qui joue en face. L'Algérie a prouvé encore une fois qu'il n'y a plus de grande nation dans le football moderne. Ils ont joué de manière admirable devant les Anglais et cela m'a beaucoup plu. C'est comme ça que toute l'Afrique devrait jouer pour espérer grandir et s'installer parmi les pays dominateurs du football mondial. La pâte est là, les joueurs de talent existent. Il suffit d'y croire un peu plus pour atteindre la demi-finale et, pourquoi pas, la finale ! Les USA aussi y croient de leur côté. Qu'est-ce que ça va être, selon vous, entre nous et les Américains ? Eh bien, on pensait tous que les Américains ne savaient pas jouer au football mais finalement ils nous ont prouvé le contraire. Quand on veut faire quelque chose de bien, on y croit jusqu'au bout. C'est ce qu'ils ont fait depuis le début de cette Coupe du monde. Face aux USA, les Algériens doivent y croire un peu plus pour atteindre leur but d'aller au second tour. Ce sera un match très équilibré et très ouvert des deux côtés. Il faut que les Algériens rejouent à leur football et je suis sûr qu'ils passeront.