«Dortmund était prêt à offrir le 10 à Djabou» Pour avoir tenté à plusieurs reprises de travailler avec des joueurs locaux, Chabane Zerzour, agent de joueurs établi et exerçant en Allemagne, a son opinion sur la raison qui fait que très peu de joueurs issus du championnat d'Algérie sont placés en Europe. «Il y a plusieurs facteurs qui expliquent cette situation. Le premier d'entre eux est que le championnat d'Algérie est mal considéré en Allemagne et en Autriche, les pays où sont concentrés l'essentiel de mes contacts et de mes activités. On trouve là-bas qu'il n'est pas d'un niveau relevé, avec comme preuve qu'il y a longtemps que l'Algérie n'a pas remporté de titres continentaux, que ce soit en sélection ou en club», explique-t-il. «Le deuxième facteur est que les clubs algériens refusent de coopérer. Les présidents de club, à une ou deux exceptions, veulent transférer leurs joueurs seuls, sans passer par des agents agréés, afin de toucher seuls la commission du transfert. Ils font croire à leurs jeunes joueurs qu'ils peuvent les placer où ils veulent alors que c'est faux. Ils n'ont pas un réseau de contacts développé avec les directeurs sportifs et les entraineurs comme en ont les vrais agents», a-t-il ajouté. «Les Algériens cherchent le profit immédiat» Le troisième facteur qui freine les transferts des Algériens vers l'Europe est, selon notre interlocuteur, «la mentalité non professionnelle des joueurs algériens». Et d'expliquer : «Ils ont tendance à prendre les choses à la légère et à chercher le profit immédiat. Il y en a qui me demandent de leur trouver un club et je découvre après qu'ils ont fait la même demande à plusieurs autres agents. Non seulement cela provoque des interférences, mais les joueurs suivent, à la fin, non pas l'agent qui leur ramène les meilleures perspectives sportives, mais plutôt celui qui leur ramène le plus d'argent, quitte à ce que ce soit dans des clubs de seconde zone. Ils ne sont donc pas sérieux». «Bouguèche et Seguer m'ont mis dans l'embarras» Chabane Zerzour cite plusieurs joueurs avec lesquels il a eu des mésaventures : «Il y a trois ans, j'avais tout organisé pour que Hadj Bouguèche, qui se trouvait en stage avec le MCA à Rome, se rende en Autriche pour conclure avec un club de première division. Il y avait même quelqu'un qui l'attendait à Munich pour le transporter en voiture. Si j'ai fait tout ça, c'est parce que j'avais son accord pour agir. Finalement, il a cédé à la pression de son club et d'un soi-disant «agent» et c'est moi qui me suis retrouvé dans l'embarras avec le club autrichien. Mohamed Seguer, lorsqu'il était au MC Saïda, m'avait demandé de lui trouver un club en Allemagne. Je lui en avais trouvé un, très intéressant, en ayant même rencontré et convaincu l'entraîneur, mais il avait préféré signer à l'ES Sétif. Il était libre de le faire, mais il aurait pu me le dire et m'éviter de m'engager loin avec le club. Nous avons une crédibilité à défendre, nous aussi». «Je ne suis pas un imposteur» Notre interlocuteur, qui avait été derrière le transfert de Noureddine Daham au FC Kaiserslautern en 2006, tient à confirmer qu'il est bel et bien habilité à gérer les intérêts de footballeurs. «Je ne suis pas un imposteur. Je fais partie d'une agence reconnue en Allemagne. Nous travaillons surtout avec des joueurs d'Afrique et d'Europe de l'est. D'ailleurs, nous comptons ouvrir bientôt une antenne en Algérie pour que les joueurs sachent que nous sommes des gens sérieux», affirme-t-il, tout en soulignant que «le véritable problème pour placer les joueurs algériens en Europe est que n'importe qui fait n'importe quoi alors que, normalement, les joueurs devraient faire confiance à des agents agréés et s'engager avec eux plutôt que de se comporter en mercenaires qui ne cherchent que l'argent facile». «Dortmund était prêt à offrir le 10 à Djabou» Pour illustrer les occasions que certains joueurs gâchent sans en prendre conscience, Chabane Zerzour nous a narré ce qui est arrivé à Abdelmounim Djabou, qui est revenu cette saison à l'ESS après un passage à l'USMH. «Au début de l'année, j'ai pris attache avec lui en lui expliquant qu'il a sa place en Bundesliga, à condition qu'il soit patient et qu'il écoute les bons conseils. Il m'a promis de travailler avec moi. J'ai fait voir des DVD de ses matches à Jürgen Klopp, l'entraîneur du Borussia Dortmund, qui a été tellement séduit par le potentiel du joueur qu'il m'a chargé de remettre à Djabou un maillot du club floqué du numéro 10, comme gage de sa volonté de le prendre pour la nouvelle saison. J'ai dit tout cela à Djabou et ce dernier s'est montré ravi et a même donné sa parole qu'il rejoindra le club allemand en fin de saison. J'ai un témoin : Mohamed Laïb, président de l'USMH. Une fois la saison terminée, le joueur n'a plus donné signe de vie et j'ai appris par voie de presse qu'il est retourné à l'ESS. Vous vous rendez compte ? Il a bêtement gâché l'opportunité d'être transféré dans un club aussi prestigieux que le Borussia Dortmund, où il y a un entraineur qui le voulait !» «Désormais, Klopp ne veut plus de lui» Quelle a été la réaction de Klopp ? «C'était de la déception mêlée à de la colère. Il a juré que Djabou n'évoluera pas au Borussia tant qu'il en serait l'entraîneur car, pour lui, un joueur qui ne sait pas ce qu'il veut et qui ne tient pas parole n'a rien d'un professionnel», témoigne-t-il. Klopp était d'autant plus sérieusement intéressé par Djabou qu'il avait lancé, à Mayence, un autre Algérien, Chadli Amri, ainsi que l'Egyptien Mohamed Zidan, ce qui démontre qu'il fait confiance aux joueurs africains, même quand ils sont jeunes. «C'est vraiment dommage ! Dans un club comme Dortmund, Djabou aurait pris une autre dimension et aurait certainement rejoint la sélection nationale par la grande porte. Il a été sans doute très mal conseillé. C'est le problème des jeunes d'aujourd'hui.» ---------------------------------------------------------------- Leo «L'avantage avec Halliche est que Eurico Gomez était l'ami du directeur sportif du Benfica» llPour transférer un joueur local dans un club européen, le talent ne suffit pas. Il faut, autrement, une sacrée dose de chance, un agent compétent qui a, de plus, des connaissances. Tout ça, Rafik Halliche l'a eu. L'agent qui avait été à l'origine de son transfert vers Benfica, Leo, confesse ici comment une amitié qui liait Eurico Gomez, l'ex-coach de l'USMB, au directeur technique du Benfica Lisbonne, avait beaucoup pesé dans la transaction. Leo avait eu, d'abord, à convaincre Eurico Gomez du potentiel de Halliche, mais aussi à affronter les moqueries de ceux qui ne l'imaginaient pas capable d'un tel coup : «Personne n'a cru à ce transfert au départ. Moi, j'ai eu la chance alors de travailler avec Eurico Gomez qui avait des relations au Portugal. Il était très ami avec le directeur du Benfica Lisbonne. Ça a beaucoup pesé, je l'avoue. On nous avait demandé alors un défenseur central. Le profil était bien établi. Age : 21 ans maximum. Taille : 1,85m minimum. Eurico Gomez avait vu en Moussa Coulibaly le candidat idéal, mais j'ai insisté sur Halliche. Je lui ai dit que c'est lui qui répond au profil. Il l'a suivi. C'est là qu'il a commencé à s'intéresser à lui. Après qu'il en fut convaincu, il ne restait plus qu'à convaincre Paolo Gonzalez. Eurico (Gomez, ndlr) s'en était chargé. Les choses sont allées très vite. La suite, tout le monde la connait. J'aurais pu réussir d'autres coups comme celui-ci. J'en suis capable. Il y a de bons joueurs en Algérie. Malheureusement, ils sont mal conseillés. J'étais sur le point de placer Aoudia, à titre d'exemple, à Matez, mais il m'a fait faux bond à la dernière minute en allant signer à l'USMAnnaba. Regardez Derrag : avec la saison qu'il a réalisée au Mouloudia, il peut jouer facilement en Europe. Je ne sais pas comment et qui gère sa carrière, mais il perd vraiment son temps en Algérie.» ---------------------------------------------------------------- Berrah (agent FIFA) : «Le joueur local n'a plus le niveau des championnats européens» Agent détenteur de la licence FIFA, Adnane Berrah essaye souvent de travailler avec des joueurs algériens, mais il reconnaît avoir des difficultés à «vendre» le produit algérien. «Il y a plusieurs raisons qui font qu'aujourd'hui, le joueur local ne s'expatrie plus. La première, et c'est la principale, est qu'il n'a pas le niveau des championnats européens. Avant 2002, il y avait encore des possibilités de placer quelques joueurs de notre championnat en Europe, mais depuis, le fossé ne cesse de s'élargir entre les deux rives. Il y a aussi le fait qu'on ne participait pas ces dernières années d'une manière régulière à la CAN et à la Coupe du monde. Quand nous nous sommes enfin qualifiés, c'est avec des joueurs émigrés que nous avons participé. Il y a aussi l'âge. En Europe, on nous demande des joueurs entre 16 et 25 ans. Impossible de trouver, en Algérie, un élément dans cette tranche d'âge en Algérie qui a les possibilités de jouer en Ligue 1, par exemple. Et si jamais vous en trouvez un, c'est son président qui va le bloquer. Actuellement, je ne vois qu'un seul joueur qui a des chances d'aller jouer en Europe, c'est Djabou, mais il va falloir qu'il passe au moins une année dans une équipe réserve pour être formé de nouveau. Il ne peut pas jouer directement. Toutefois, il est possible que le prochain CHAN permette à quelques éléments de se mettre en évidence.» ---------------------------------------------------------------- Saïd Chihab (manager de joueurs) : «Nos joueurs n'ont pas de base, ils sont mal formés» «Il ne faut pas chercher midi à quatorze heures : actuellement, il n'y a aucun joueur qui peut prétendre jouer en Europe. Les raisons sont claires aussi. Nos joueurs ont été très mal formés. Ils n'ont pas de base et je pense qu'ils n'ont pas travaillé beaucoup quand ils étaient jeunes. La preuve : la majorité des joueurs de notre championnat, quand ils sont sous la coupe d'un entraîneur étranger qui essaye d'appliquer ses séances selon les normes, se plaignent de la charge du travail, du volume et même de la durée des séances. C'était le cas par exemple avec Fullone, Lobello, Geiger, Nouzaret et Michel. Même s'ils partent, ils ne pourront pas supporter le travail qui se fait en Europe. C'était faussé au départ.»