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Les Marocains aux Algériens : «Nous vous ferons ce que vous nous ferez !»
Publié dans Le Buteur le 24 - 12 - 2010

Gerets : «Si on gagne au 5-juillet, l'Algérie sera éliminée»
Hafid Derradji rassure sur le journal El Massa
Dès l'annonce des retrouvailles entre l'Algérie et le Maroc en éliminatoires de la CAN 2012, le spectre des tensions extrêmes qui ont marqué le duel entre Algériens et Egyptiens est revenu hanter les esprits de plus belle. L'on s'est mis dès lors, à craindre, d'un côté comme de l'autre, de probables débordements, malgré l'amitié ancestrale qui lie les deux peuples. Le point de discorde n'a pourtant rien à voir avec le football. Il tient son origine de ce sempiternel problème du Polisario qui divise, depuis 1975, les deux régimes au pouvoir et sans doute aussi la petite guerre des frontières de 1963. Si en Algérie, les supporteurs des Verts sont unanimes à vouloir éviter tout affrontement avec leurs frères marocains à l'approche du match, il était intéressant d'aller prendre le pouls de la rue marocaine, avant le 13 mars 2011. Qu'en pensent alors les Marocains de ce duel ? C'est ce qu'on est allé leur demander sur place. Récit.
Hafid Derradji rassure sur le journal El Massa
La ville de Casablanca est toujours aussi bruyante et surpeuplée. Et ce n'est pas le derby bidaoui entre le WAC et le RAJA prévu en ce samedi 4 décembre 2010 qui en est la cause. Certes, cela ajoute un peu à la cohue qui y règne, puisque les supporteurs affluent des quatre coins du pays pour assister au grand «Clasico» local. Mais cette ville accueille, chaque jour, près de 10 millions d'âmes, s'activant dans les artères de la capitale économique du Royaume chérifien. Sur l'un des trottoirs de l'avenue des Forces Armées Royales, le kiosque principal attire des lecteurs avides des nouvelles du jour. Sur la Une du journal El Massa, au plus fort tirage national (120 000 exemplaires jour), la tête de Hafid Derradji est aussi rassurante que le titre qui annonce son interview. «Il est impossible de vivre avec nos frères marocains le scénario face à l'Egypte».
Abdelmajid Belkabous (rédacteur en chef d'Arriadia) : «Montrer aux Egyptiens qu'on peut jouer un derby chaud sans se détester»
Abdelmajid Belkabous, un ami journaliste, rédacteur en chef de la chaîne sportive Arriadia, nous montre du doigt son quotidien préféré, avant de s'empresser à en ramasser un. «C'est bien que des gens connus comme Derradji le disent pour apaiser les esprits de part et d'autre. C'est ce qu'on pense également dans tout le Maroc. Nous sommes tellement proches de l'Algérie qu'un tel scénario nous paraît des plus improbables», nous dit-il en espérant vivement que ce match se déroule dans un fair-play exemplaire. «Ce serait bien qu'on montre aux Egyptiens qu'on peut jouer un derby aussi chaud sans arriver à se détester», taquine Abdelmajid d'un air complice et souriant.
Eric Gerets : le sauveur tant attendu ?
Il est vrai que l'enjeu est des plus importants aujourd'hui. Aussi bien pour les Lions de l'Atlas que pour les Guerriers du Désert. Les Marocains, absents lors de la CAN et la Coupe du monde 2010, rêvent de remonter la pente pour redonner le sourire à leurs très exigeants supporteurs. Ces derniers, après avoir longtemps boudé leur équipe en boycottant les matchs, ont fini par reprendre espoir à la faveur de la victoire ramenée de Tanzanie et du match nul arraché en terre irlandaise… là où les Verts avaient pris une raclée 3-0 avant le Mondial. De plus, l'arrivée même tardive d'Eric Gerets a eu l'effet escompté. Le coach belge a su gagner rapidement la confiance du public qui voit déjà en lui le sauveur tant attendu, bien qu'il reste encore des poches de résistance dans les rangs des sceptiques.

Un gros souci : comment unifier les «Belges» et les «Néerlandais»
de l'équipe ?
Mais pour ce faire, Gerets devra avant tout tenter de réussir le plus dur. C'est-à-dire unifier les «Belges» et les «Néerlandais» de l'équipe qui, dit-on, ont hérité des avatars du conflit des voisins bataves et les ont malheureusement ramenés dans leurs crampons en sélection. Les responsables de la FRMF, tout comme les journalistes, constatent avec désolation les deux clans distincts qui se sont créés depuis environ deux ans. Ils regrettent surtout le fait de voir un joueur comme Al Hamdaoui (Ajax) -pour ne citer que lui-, s'isoler dans un coin, comme s'il était mal à l'aise parmi les francophones. Et cela se voyait bien sur le terrain. C'est pour remédier à cet épineux problème que Gerets a été choisi justement. Lui, qui maîtrise les deux langues et les deux cultures, semble le mieux indiqué sur la planète football pour mener à bien cette mission délicate.
Ziani a déjà offert un échantillon du caractère volcanique de l'Algérien
à Gerets
Mais cela ne sera possible qu'à la seule condition de réussir à éliminer les récents mondialistes du chemin menant vers la qualification. Un défi majeur que les Marocains croient possible à surmonter. Mais la prudence s'impose devant la complexité de la tâche face aux Algériens qui, même avec un seul point au classement, gardent leurs chances bien intactes. Car malgré tout, la grinta des coéquipiers d'Anthar Yahia et leur formidable épopée contre les Pharaons d'Egypte continuent de hanter les mille et une nuits qui séparent les Marocains de ce premier match face aux Verts, tant il leur paraît si lointain et stressant. Et même s'il ne le dit pas par malice, le rusé coach belge se méfie beaucoup du caractère volcanique des Algériens dont l'échantillon lui a été servi gratuitement par Karim Ziani, dans le vestiaire, lorsque les deux hommes étaient à Marseille.

Gerets : «Si on gagne au 5-juillet, l'Algérie sera éliminée»
De leur côté, les Algériens, qui ont eu du mal à gérer l'après-Mondial, craignent de ne pouvoir stopper cette inquiétante baisse de régime qui a réduit sensiblement leurs chances de qualification, tout en les destituant de ce statut trop pesant de «phénomène social» qui les a nettement dépassés. Les Verts se retrouvent manifestement au pied du mur. Et cela, les Marocains le perçoivent parfaitement. A commencer par le sélectionneur qui a ouvert les hostilités à sa manière en lançant déjà des pics en direction des Algériens. «La pression est sur leurs épaules. S'ils perdent ce match, ils seront éliminés», a-t-il dit à nos confrères marocains, étant certain que son message allait être répercuté en Algérie. A vrai dire, Gerets n'a pas du tout tort. Car, avec un seul point au compteur, l'équation a été réduite à sa plus simple expression : les Verts doivent vaincre ou mourir !
Mustapha Rentissi (chauffeur de taxi) : «C'est le moment de prendre notre revanche après l'humiliation de 1979 !»
C'est ce que pensent les supporteurs marocains dans leur majorité. Mustapha Rentissi est chauffeur de taxi. Et naturellement, lorsqu'on lui parle de ce match, il s'en réjouit. «Cette fois, vous êtes cuits !» rigole-t-il amicalement. «C'est peut-être le moment de nous venger de cet humiliant score de 1-5 que Belloumi et Bensaoula nous avaient infligé en 1979, à Casablanca. On ne vous battra peut-être pas par le même résultat, mais un petit 0-1 suffira largement à notre bonheur», ajoute-t-il en s'esclaffant. Ne craint-il pas des débordements comme ceux vécus au Caire et à Oum Dourman ? «Nooon, pas du tout ! Les Algériens sont nos frères et amis les plus proches, parmi tous les Arabes. Je ne peux pas imaginer qu'on en arrive à ces scènes regrettables, car nous nous respectons trop pour que cela se produise», rassure-t-il très sincèrement.
Omar El Anouari (un des plus anciens journalistes au Maroc) : «Les Algériens avaient été applaudis à Casablanca, malgré le 1-5 !»
Cet avis est partagé également par Omar El Anouari, un des plus anciens journalistes sportifs au Maroc. «Nous avons tellement de choses en commun que cela n'a aucune chance de se produire. En 1979, les joueurs algériens avaient été applaudis chaleureusement par le public marocain, car ils étaient supérieurs aux nôtres. Ici à Casablanca, on a toujours respecté le beau football. On aime le beau jeu et si une équipe joue mieux que les Marocains, on reconnaît sa domination. Je connais très bien les Algériens et je sais parfaitement que si les Marocains venaient à jouer mieux que les Verts, ils seront applaudis à Alger même. Je n'en ai aucun doute», assure-t-il en fin connaisseur.
«Votre culture est très proche de la nôtre»
El Anouari a tenu à nous rappeler les bons moments passés avec des collègues algériens qui avaient trouvé refuge au Maroc lors de la décennie noire. «On les avait reçus comme des frères et ils se sont intégrés très rapidement, tellement votre culture est proche de la nôtre. Ils ont appris à parler marocain si bien que personne ne pouvait soupçonner qu'ils étaient algériens. Au pire des cas, ils pouvaient dire qu'ils étaient originaires de la ville d'Oujda dont les habitants parlent pratiquement comme les Algériens», poursuit-il en rigolant.
Ennemis en politique, mais frères en dehors de ce conflit du Polisario
Jaouad S. était, lui, journaliste politique aux pires moments de la crise entre les deux régimes au pouvoir dans les années 76/77. Son témoignage est très révélateur de la complicité des deux peuples. «Je me rappelle d'une rencontre X à l'étranger (il ne donne ni le lieu ni l'objet de la mission par prudence) où on était sensés défendre chacun sa cause. On s'était retrouvés dans le même centre de presse pour envoyer nos fax et télex. Nos confrères algériens de l'APS (Algérie Presse Services) avaient rédigé leur article en chargeant feu, Sa Majesté le Roi Hassan II et de mon côté, j'en faisais de même avec feu Houari Boumediène. On ne se communiquait pas nos écrits, mais après avoir tout envoyé, on se retrouvait autour d'une table, pliés de rire, en dévoilant chacun la teneur de ses écrits. On était de vrais ennemis dans nos articles, mais frères et amis en dehors de la politique. C'est ce que nous sommes restés paradoxalement, à ce jour, malgré les tensions.»
Nouredine Naybet : «J'appelle les supporteurs à rester fair-play jusqu'au bout»
Notre mission à Casablanca nous a fait rencontrer quelques stars locales qui devaient venir à Alger, assister à la cérémonie du Ballon d'Or. Ils en parlent avec beaucoup d'engouement. A l'image de Nouredine Naybet : «Ce serait vraiment formidable d'organiser quelque chose pour nous rapprocher un peu plus et montrer aux jeunes que nous, les footballeurs, sommes très proches entre nous», nous dira l'ancien pilier du Benfica Lisbonne et du Deportivo la Corogne, aujourd'hui membre de la Direction Technique Nationale. «C'est déjà un plaisir en soi de retrouver les amis algériens et comme c'est pour la bonne cause, je signe des deux mains. Personnellement, je suis partant pour toute initiative de rapprochement entre nos deux pays. Et je voudrais appeler dès aujourd'hui tous les supporteurs à rester fair-play jusqu'au bout, car on ne tient pas à ce que ce match sorte de son cadre sportif. C'est très important de faire passer le message dans nos deux pays», insiste l'ancien capitaine des Lions de l'Atlas.
Rachid Daoudi : «Ce serait regrettable de gâcher ce qui doit être une fête du football»
Rachid Daoudi est également du même avis. «Il faut sensibiliser les jeunes et leur montrer que nous, les footballeurs, sommes toujours très liés avec nos frères algériens. Nous avons tellement de points en communs, tellement d'amis, qu'il serait vraiment regrettable de gâcher ce que je considère, personnellement, comme une fête du football maghrébin. Ce match est un derby entre voisins. Et de ce fait, il se doit d'être rehaussé par le beau jeu et les buts. Vous n'avez qu'à voir les grands derbys en Europe. Ce sont des matchs attrayants qui restent gravés dans les mémoires parce que le niveau est toujours séduisant. C'est ce qui restera pour la postérité», assure l'ancien baroudeur du WAC au pied si gauche magique qu'il lui permettait de marquer des coups francs venus d'ailleurs.
Même Dolmy, le Amar Ezzahi marocain, voulait venir témoigner son amitié pour l'Algérie !
Dans son beau Mercedes 4X4, Rachid Daoudi s'est vite empressé d'appeler quelques amis pour les inviter à venir à Alger, tellement il tient à contribuer à l'apaisement des esprits avant le mois de mars. C'est ainsi qu'il reçut devant nous l'aval des deux légendes du football marocain, en l'occurrence Timoumi et surtout Abdelmajid Dolmy. Le premier pourtant étant un peu malade de la jambe et le second étant considéré, tout bonnement, comme impossible à convaincre, tellement il est resté en retrait de la scène médiatique marocaine depuis qu'il est devenu célèbre dans les années 80. Pour bien comprendre ce qu'est Dolmy, on dira tout simplement qu'il est pour les Marocains ce qu'Amar Ezzahi est aux Algériens. C'est-à-dire une sorte de mythe vivant, aussi humble qu'inaccessible. C'est comme si notre «Amimer» national donnait son accord pour aller assister à une cérémonie du Ballon d'Or au Maroc. Mesurez un peu cela !
Bouderbala : «J'ai sacrifié mes obligations familiales pour dire non à la violence verbale entre nous»
Mais, à grand regret commun, les vols étaient tous complets pour les peu de jours qui nous séparaient de l'évènement. Et c'est ainsi que ce projet fort sympathique tomba à l'eau. «Ce n'est que partie remise», nous promettra Aziz Bouderbala à qui on avait réussi à trouver une place et qui rayonna vivement lors de la soirée. Il était venu dans la peau de l'artiste qu'il est réellement ; puisque l'acteur qu'il est aujourd'hui venait tout juste de prendre part au Festival du film de Marrakech. Il prendra l'avion pour Alger, malgré une maman très malade. «Pour l'Algérie, je ne sais pas dire non ! C'est tellement important à mes yeux que j'ai sacrifié des obligations familiales pour dire non à la violence verbale entre nos supporteurs», nous a-t-il répété durant son séjour parmi nous.
Ahmed, un Marocain vêtu d'un maillot des… Verts !
Il restait une autre figure emblématique du football marocain à joindre dans notre mission. Il s'agissait de l'incontournable Badou Zaki, Ballon d'Or africain incontesté en 1986. C'est à Marrakech qu'il se trouvait, puisqu'il occupe le poste d'entraîneur du Kawkeb local. Notre déplacement coïncidait avec le match de la Botola, opposant le KACM à l'Olympique de Khouribga. Un «petit taxi» nous conduisit au stade Harti, une heure avant le début de la rencontre. Dehors, les jeunes supporteurs affluaient de toutes parts. L'un d'eux attira vite notre attention. Et pour cause ! Il était la seule anomalie parmi ses amis tout vêtus de rouge et noir. Il s'appelle Ahmed et il portait le maillot… de l'Equipe d'Algérie !
«J'ai acheté ce maillot pour soutenir l'Algérie face à l'Egypte»
On lui demande d'abord de le prendre en photo, avant de lui poser la question qui nous brûle les lèvres depuis qu'on l'a repéré. – «Pourquoi portez-vous ce maillot de l'Equipe d'Algérie ? Vous êtes algérien ?» Ahmed sourit timidement, puis nous dit : «Non, je suis Marocain. J'ai acheté ce maillot pour soutenir les Algériens pendant les éliminatoires contre l'Egypte. Tout le Maroc était pour l'Algérie. On était très fiers de supporter les Verts. On connaît tous vos joueurs, comme Yahia, Chaouchi, Bougherra, Ziani, Yebda, Belhadj et Ghezzal. Et aujourd'hui, je l'ai mis, parce que je n'avais rien d'autre à mettre, tout simplement», avoue-t-il d'un air sincère et souriant, avant de nous demander si nous étions algériens.
Les Crazy Boys nous taquinent gentiment
Dès qu'ils ont appris notre origine, les ultras des Crazy Boys se sont approchés de nous par curiosité et le match du mois de mars s'est imposé naturellement dans notre discussion. «Nous avons un grand avantage sur vous aujourd'hui. Désolés, mais c'est nous qui allons passer cette fois. Nous avons deux des meilleurs buteurs d'Europe : Chamakh et Al Hamdaoui. C'est eux qui vont vous anéantir. Surtout que votre équipe n'est plus la même que celle qu'on a vue pendant le Mondial. Quand on perd face au Centrafrique, on n'a pas le droit d'aller jouer la CAN. On est tristes pour vous, mais on ne doit pas faire dans les sentiments», rigolent-t-ils pour nous taquiner gentiment, avant de nous saluer fraternellement.
Badou Zaki : «Nous valons plus qu'un match de football !»
La rencontre avec Badou Zaki se fera bien plus tard, vers la fin du match nul (1-1) qui l'enragea autant que les supporteurs du Kawkeb. Mais en gentleman, il accepta de nous parler en s'excusant de ne pouvoir venir à Alger, en raison de ses obligations professionnelles. «J'aurais vraiment souhaité venir en Algérie pour au moins dire combien je me sens proche de ce peuple frère. Si vous voulez, je pourrais vous faire un enregistrement sonore dans lequel j'inviterai les supporteurs des deux pays à garder cet esprit fraternel qui nous lie depuis des siècles. Nous avons tout en commun et ce n'est pas un match de football qui va casser ces liens importants. Il faudra se dire juste cela : que restera-t-il après ces deux matchs ? L'amour ou la haine ? La réponse est pourtant claire à mon sens. Il faudra donc être raisonnable et ne pas se laisser prendre dans le piège. Nous valons plus qu'une qualification, fut-elle en Coupe du monde !», nous a dit le sage Zaki.
Les Verts joueront sur le rythme de la «daqqa el merrakchia»
Pendant le match, les ultras du Kawkeb enflammaient les tribunes de leurs chants ininterrompus qui ressemblent beaucoup à ceux des Algériens. La seule différence se situant dans la fameuse «daqqa el merrakchia», spécialité traditionnelle de la région. Il s'agit d'une frappée rythmique des mains, harmonisée entre plusieurs personnes à la fois et qui se termine sur la même note. Un art dont excellent les artisans (Dkaykia, de l'arabe Doukan) de la «ville ocre», notamment les quartiers de Bab D'Bagh, Sabtiyyine, Bin Laarassi, Casbah, Ben Salah, Derb Dabachi et d'El Moukkaf qui organisent mêmes des concours de Daqqa pendant la nuit de l'Achoura, surtout pour perpétuer ce rite. Grâce à cette rythmique «endiablée» et fort sympathique, les supporteurs du Kawkeb de Marrakech ont gagné la palme d'or de l'ambiance, devant tous les autres publics du Royaume.
«Vous avez Tchaker, nous avons Marrakech
C'est d'ailleurs pour cette raison que les responsables de la FRMF pensent à domicilier le match retour contre l'Algérie dans le nouveau stade de Marrakech qui est en voie de finition. Les supporteurs du second groupe des ultras du KACM, Leader Boys, rivalisaient comme ils le pouvaient devant la furia de leurs «frères ennemis» de tribunes. Moins nombreux ce jour-là, il était donc plus facile d'aller leur demander ce qu'ils pensaient du derby contre l'Algérie. Issam donne l'impression d'être le leader. Il s'avance et lâche d'un jet : «Nous allons vous ramener ici à Marrakech. C'est là qu'on va vous creuser votre tombe, dans notre nouveau stade qui peut contenir quelque chose comme 40 000 places. Vous avez Tchaker, nous aussi nous avons ce stade qui va nous porter bonheur inch'Allah.»
«Un policier m'a demandé d'enlever le maillot d'Algérie pour accéder aux tribunes»
Ses amis se marrent et abondent tous dans le même sens. Parmi eux, on remarque notre «Algérien» qui vient nous apprendre la mésaventure qu'il venait de vivre à cause de ce maillot d'Algérie qu'il portait. «Et bien, figurez-vous qu'un policier m'a empêché d'entrer au stade avec le maillot d'Algérie. Il m'a demandé de l'enlever pour passer. Il a fait dans l'excès de zèle et m'a fait rater une bonne partie de la première mi-temps. Ce n'est que lorsqu'il a vu que j'étais un enfant de la ville à 100% et que je n'avais rien d'autre à mettre sur la peau qu'il a fini par me laisser rentrer. Ceci, bien sûr, en m'avertissant que la prochaine fois, je resterai dehors», a poursuivi l'adolescent qui a mesuré toute la haine qui animait le cœur de ce fanatique en faction, galvanisé sans doute par la gigantesque manifestation de la veille à Casablanca.
«One, two, three… nah… l'Algérie ! »
Quelques minutes plus tard, un chant familier raisonna pas loin derrière nous. Il s'agissait du célébrissime slogan entonné habituellement par les supporteurs des Verts, mais déformé cette fois, vulgairement par un groupuscule d'à peine une dizaine de gamins. «One, two, three… nah… l'Algérie !» A la vue de cette bande de jeunes excités, mais inoffensifs, nous nous dirigeâmes vers eux pour leur demander des explications. A peine apprirent-ils notre origine que les bambins baissèrent la tête, gênés comme pas possible, qu'un Algérien les ait surpris en flagrant délit d'insultes gratuites. «Franchement, on est désolés On ne faisait que rigoler entre nous. Ça n'avait rien de méchant. Excusez-nous monsieur», nous dirent-ils d'un air mi-souriant, mi-honteux. Les paroles de paix qu'on leur distilla semblaient les avoir remis dans le droit chemin et ils se mirent par la suite à nous demander amicalement ce qu'on pensait du Maroc et des Marocains à notre tour.
«N'oubliez pas que le match retour se jouera chez nous !»
La discussion ne s'éternisera pas, comme toutes celles qu'on a eues avec les jeunes Merrakchis. Mais la plus marquante d'entre toutes restera incontestablement celle qu'on a eue avec certains ultras des Crazy boys qui ont tenu à envoyer un message clair et net à leurs homologues algériens. Ils s'appellent Ahmed, Acheraf, Mourad, Réda, Youness, Houssam, Mounir et Ayoub. «Nous ne voulons pas faire la guerre avec vous, car nous sommes tous des Musulmans. Nous voulons très sincèrement que les deux matchs se déroulent dans le fair-play le plus total. Que les Algériens sachent que nous viendrons nombreux pour le match aller en espérant être reçus amicalement. Si c'est le cas, on en fera de même. Mais si par malheur l'accueil sera hostile, sachez que le match retour se jouera chez nous et nous ne risquons pas d'oublier de vous rendre la pareille. Pour être clair, nous vous ferons comme vous nous ferez !» Voilà qui est noté des deux côtés et le premier qui trahira l'autre sera honni à tout jamais.


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