Il y a 14 ans, le 11 juin 1995, Hocine Dehimi dit «Yamaha», fidèle supporter du CR Belouizdad, a été assassiné à Belouizdad par des terroristes. Il y a 14 ans, le 11 juin 1995, Hocine Dehimi dit «Yamaha», fidèle supporter du CR Belouizdad, a été assassiné à Belouizdad par des terroristes. C'était quelques jours avant la finale de la Coupe d'Algérie entre le CRB et l'O Médéa. Depuis, son frère jumeau, Hassan, a pris le relais pour être le chef d'orchestre dans l'animation de la galerie belouizdadie. A la veille de la finale qui opposera le CRB au CABBA, Hassan et sa sœur évoquent la vie du défunt et les circonstances de son assassinat. «Il n'y a pas un stade algérien où Hocine et moi ne sommes pas entrés» «Hocine et moi sommes de vrais jumeaux, nés en décembre 1961 à Belcourt (actuellement Belouizdad, ndlr). Notre mère est une Bouderbal, la famille à laquelle appartient Rachid Bouderbal, l'un des membres fondateurs du CRB. Il était donc naturel que nous soyons attirés par ce club. Enfants, nous nous déplacions ensemble dans les stades pour assister aux matches du Chabab. Nous avons passé une partie de notre vie à sillonner les stades, à travers tout le pays. De Collo à Oran en passant par Aïn M'lila, Sétif ou Aïn Beida, il n'y a pas un stade algérien où nous ne sommes pas rentrés. Si mon défunt frère Hocine a acquis toute la popularité dont il jouissait, c'est parce qu'il était simple drôle, et doté de la faculté de semer la joie et la bonne humeur autour de lui. Il était aimé de tous, du petit peuple, de la police, des sportifs… Il ne supportait pas le CRB uniquement. Il a soutenu tous les clubs algériens qui ont représenté le pays dans les compétitions continentales : l'USMA, le MCA, la JSK… Il supportait encore plus la sélection nationale. Il n'a jamais raté un match de l'Algérie depuis le match amical face au Pérou, et ce en 1982 lorsque nous sommes allés ensemble au stade du 5-Juillet. Il avait mis un sombrero sur sa tête et avait créé une grande ambiance avec ses chants et ses danses. C'est de là qu'il a commencé à être connu. Il a même été présent au Mondial-82 en Espagne après qu'il eut introduit une demande en ce sens à Djamel Houhou, ministre de la Jeunesse et des Sport à l'époque. Il avait été sollicité plusieurs fois par la suite pour se déplacer à l'étranger car on connaissait sa capacité à donner de la joie aux joueurs et aux supporters. Ses internationaux préférés étaient bien sûr Yahi et Kouici, parce qu'ils jouaient au CRB, mais il aimait aussi Belloumi, Madjer et Bencheikh et je pense qu'il a beaucoup contribué à leur popularité en scandant leurs noms dans les stades.» «A sa mort, il avait le V du CRB tracé sur son crâne» «Je crois que son meilleur souvenir est le parcours effectué par le CRB en Coupe d'Algérie en 1995. Il avait assisté à la majorité des matches et je me rappelle qu'il s'était déplacé à Sétif pour le quart de finale face à l'US Chaouia, et il en était revenu en pleurant de joie car il ne restait que l'obstacle du Hydra AC avant d'atteindre la finale. Il a suivi cette demi-finale, mais il ne savait pas que cela allait être la dernière pour lui car il a été assassiné quelques jours après et a été donc privé de goûter à la joie du sacre en finale.» (Sa sœur intervient) «Son plus mauvais souvenir a été la rétrogradation du CRB en 1988. Il s'était écroulé en éclatant en pleurs. Hocine aimait le Chabab de manière incroyable. Je me rappelle même qu'il demandait à notre mère, que Dieu ait son âme, de prier pour que le CRB gagne. Le CRB l'a accompagné jusqu'à sa mort car il a été assassiné alors qu'il s'était fait une coupe de cheveux avec un V tracé sur le crâne, en prévision de la finale de la Coupe d'Algérie.» «J'ai échappé à une tentative d'assassinat dix jours avant qu'il ne soit tué» «Hocine et moi n'avons jamais fait de politique. Son seul souci était de semer la joie autour de lui. Je ne lui connaissais aucun ennemi. Même à l'époque du couvre-feu, il allait à la Glacière ou à La Montagne, des quartiers chauds, sans crainte aucune car il se considérait comme l'ami de tous les Algériens. Dix jours avant qu'on ne le tue, j'avais fait l'objet d'une tentative d'assassinat. J'étais dans un établissement de douche public et, alors que j'étais dans une cabine j'ai entendu quelqu'un frapper à la porte à grands coups et me demander de sortir. En ouvrant la porte, j'ai vu deux types, dont l'un tenait un revolver pointé sur moi. Son compagnon lui a dit ‘Tue-le !' mais le revolver n'a pas fonctionné. J'en ai profité pour le frapper et m'enfuir. Je suis allé voir sur-le-champ Hocine pour le mettre en garde car j'étais convaincu que c'était lui qui était visé. Il n'a pas voulu m'écouter car, disait-il, n'avoir rien fait pour avoir peur. Finalement, il a été sauvagement assassiné dix jours après à quelques mètres de notre domicile.» «On l'a tué parce que même les policiers étaient ses amis» (Il éclate en sanglots) «Malgré le temps passé, cela me fait encore mal. Je l'aimais beaucoup. Je ressentais tout ce qu'il ressentait. Il a laissé un vide irremplaçable. Ce jour-là, j'avais quitté la maison tôt pour aller à mon lieu de travail, aux Galeries du boulevard des Martyrs. Je me souviens qu'il m'avait demandé une cigarette Hoggar avant de partir et je la lui avais donnée. Puis des policiers sont venus et m'ont demandé de les accompagner. A bord d'une Daewoo, ils m'ont emmené au commissariat du boulevard des Martyrs. J'ai trouvé beaucoup de policiers en train de pleurer. Le commissaire m'a annoncée la nouvelle. J'ai senti le sol se dérober sous mes pieds.» (Sa sœur témoigne à son tour) «Nous étions à la maison et nous avions entendu du vacarme dehors. Des gens criaient ‘Yamaha a été tué !' Nous sommes descendus dans la rue et on nous a dit qu'il était à terre, au virage. Nous l'avons trouvé entouré des ‘Ninjas', en train d'agoniser. Il a rendu son dernier souffle quelques instants après. Les secours ont tardé à arriver.» (Hassan reprend la parole) «L'assassin est de la rue Nacera-Nounou. Il a eu son compte. Deux hommes l'ont pris par surprise alors qu'il souffrait d'une rage de dents. Le mobile de l'assassinat ? On lui reprochait d'être ami avec les policiers. Est-ce donc un crime ? Hocine était ami avec tout le monde. Les policiers sont aussi des enfants du peuple et des musulmans. Moi, je n'étais pas aussi dingue de football que mon frère, ni aussi drôle ; mais par fidélité à son combat j'ai pris le relais. Il ne fallait pas que les criminels qui l'ont tué atteignent leur objectif. J'ai assisté à la finale de la Coupe d'Algérie de 1995, même si j'étais très affecté. Depuis, j'assiste aux matches pour perpétuer le combat de Hocine. Mais si le CRB remporte ce jeudi la coupe, j'arrêterai car les mentalités ont changé et les insultes et violences qu'on voit aujourd'hui dans les stades sont étrangères à mes valeurs.» C. K.