«Le 10 octobre, on sera tous supporters de la Zambie» A 34 ans, Rafik Saïfi est en train de vivre ses meilleurs moments en équipe nationale. Une équipe nationale qu'il a rejointe le 5 juin 1998 à Sofia, au cours d'un match amical face à la Bulgarie de Stoichkov. Depuis lors, Saïfi a connu des fortunes diverses avec les Verts, mais il a été fidèle, malgré les difficultés en tous genres rencontrés en sélection. L'on se rappelle qu'il a été surtout le sauveur des Verts à plusieurs reprises avec un but marqué au Liberia en pleine guerre qui qualifiera l'Algérie à la CAN-2000. Et lorsqu'il était écarté, parfois injustement, il ne se plaignait guère. On l'a vu face à l'Egypte haranguer les foules, alors qu'il n'était même pas titulaire. On l'a vu aussi prodiguer de précieux conseils aux attaquants depuis le banc de touche. «Si je n'étais pas joueur de football, je serais sans doute dans les gradins en train de supporter l'équipe nationale. Etre dans le groupe, c'est pour moi un privilège, que ce soit sur le terrain, sur le banc ou dans les gradins, l'essentiel est que l'Algérie gagne», n'a-t-il cessé de répéter durant les discussions informelles. C'est cela Saïfi, un homme entier et un joueur imprévisible et fantaisiste capable de changer le cours d'un match à lui seul, comme il l'a si bien fait durant ces éliminatoires et ce, à trois reprises. Face au Sénégal et malgré l'hostilité incompréhensible du public de Tchaker, il a réussi à tuer le match au plus fort de la domination sénégalaise. Six mois plus tard, il remplace Ghezzal en Zambie et réalise le break. Dimanche, il remet ça d'un coup de patte magique qui permettra à l'Algérie d'assurer presque son billet pour le Mondial. Sans diminuer du mérite de tous, si on va en Afrique du Sud, ce sera grâce à l'homme providentiel qu'est devenu Saïfi. M. S. «A la mi-temps Saâdane nous a dit : “ça va venir les garçons, vous allez marquer”» * Avant la rencontre, vous sembliez très sûr de vous au point où vous nous aviez confié pouvoir marquer ? Dire que j'étais sûr à 100% de marquer, c'est un peu prétentieux et ce n'est pas mon genre. Mais j'avoue que j'étais bien à l'entraînement et tous les joueurs l'ont remarqué. J'étais bien en jambes et bien dans ma tête, l'entraîneur a donc décidé que je devais commencer le match. J'avais donc le devoir d'être digne de la confiance du cheïkh. * Que vous a dit M. Saâdane ? Vous savez, M. Saâdane ne s'adresse pas aux joueurs individuellement avant un match. Il fait son discours habituel à tous les joueurs. Il nous a dit de rester calmes et concentrés durant tout le match et d'oublier la victoire de l'Egypte. Après bien sûr, il nous donne les consignes tactiques. * Pouvez-vous nous raconter votre but ? Lorsque j'ai vu Ziani décaler Matmour, j'ai feint d'aller au premier poteau avant d'arrêter brusquement ma course. Le ballon de Matmour était devant moi et j'ai dû allonger ma jambe pour la mettre dedans du plat du pied. El Hamdoullah djat fessouab ! * Mais avouez que ça a été difficile ? Oui, mais on s'y attendait. On savait tous que les Zambiens allaient nous créer des problèmes, car la pression était sur nous. Leur objectif à eux c'est la Coupe d'Afrique et qu'un nul leur suffirait pour y arriver. * Vous attendiez-vous pour autant à être dominés de cette façon en première mi-temps ? Je ne pense pas que nous avons été dominés durant toute la première mi-temps. En début de match, nous avons bien pris les choses en main pendant un quart d'heure au moins avant que les Zambiens ne renversent la tendance. L'entraîneur avait prévu tout ça et il n'arrêtait pas de nous dire que le match retour n'avait rien à voir avec le match aller. On est en plein milieu du Ramadhan et en début de saison, cela est suffisant pour expliquer nos difficultés sur le plan physique. * Avez-vous été secoués par la victoire de l'Egypte la veille ? Franchement non, car même si l'Egypte n'avait pas gagné, notre objectif n'aurait pas changé. On aurait joué pour gagner. J'avoue toutefois qu'à la fin du match Rwand-Egypte, on était tous déçus et la pression est montée d'un cran, mais on n'a pas été secoués. * Beaucoup ont été surpris que Saâdane sorte Yahia, un défenseur, pour incorporer à sa place Meghni, un meneur de jeu… Nous les joueurs n'étions pas surpris. En première mi-temps, la Zambie jouait avec un seul attaquant qui piquait très souvent sur les côtés, on n'avait donc pas besoin de mettre trois arrières centraux. Et comme Yahia s'était blessé, le coach a mis à sa place Meghni pour soutenir Ziani et couvrir le côté gauche de l'attaque. C'est comme ça que l'équipe a bougé et c'est comme ça que nous avons ouvert le score pour ensuite rater par deux fois le break. * Justement Rafik, ne regrettez-vous pas ces buts ratés en deuxième mi-temps ? C'est vrai qu'on peut nourrir certains regrets notamment par rapport au goal-average, mais le plus important était avant tout de gagner et on l'a fait. Prendre les trois points face à un tel adversaire n'a pas été une balade de santé, croyez-moi. * Saâdane vous a-t-il donné des consignes en particulier en deuxième mi-temps ? Le coach est très calme et essaye toujours de nous transmettre son calme sur le terrain. Il nous a surtout dit de ne pas nous précipiter en nous répétant : ‘ça va venir les garçons, ça va venir en deuxième mi-temps, vous allez marquer'. * Hervé Renard a affirmé que l'Algérie est déjà qualifiée en Coupe du monde. Est-ce l'avis des joueurs ? Jamais ! Après la victoire face à la Zambie, nous avons franchi un pas supplémentaire vers la qualification, mais nous ne sommes pas encore qualifiés. Avant la Zambie, on savait qu'il nous fallait gagner nos deux matchs à domicile. Il nous reste encore un match face au Rwanda qu'on doit prendre très au sérieux. Ce qui est sûr, c'est qu'au soir du 11 octobre, après notre match face au Rwanda, tout sera clair pour nous. Si Renard est persuadé que l'Algérie ira au Mondial, c'est qu'il nous promet une belle surprise face à l'Egypte. En tout cas, on sera tous supporters de la Zambie le 10 octobre. Entretien réalisé par M. S.