2ème partie et fin L'inflation qui a des incidences directes sur le pouvoir d'achat est de retour en Algérie, risquant de remettre en cause les équilibres macro-économiques qui ont nécessité d'importants sacrifices de la population algérienne depuis 1994 date du rééchelonnement, car ayant accusé un retard dans les réformes micro-économiques et institutionnelles. L'Algérie risque de revenir à la case départ si l'on a cette vision du passé que le développement s'assimile aux dépenses monétaires, via la rente des hydrocarbures , et aux réalisations physiques sans se préoccuper des impacts et des coûts aussi d'une économie de plus en plus globalisée. Bien poser les problèmes, loin des discours euphoriques et du juridisme, c'est l'objet de cette modeste contribution à l'approche du mois sacré du ramadhan, car pour les petites bourses, le constat est amer, les prix des produits de large consommation connaissant des augmentations sans précédent durant cette périod , les organisations censées sensibiliser les commerçants ayant peu d'impacts, prêchant dans le désert. 2.-Quel est le pouvoir d'achat des Algériens face à la concentration du revenu national ? Toute politique salariale fiable qui favoriserait la création de valeurs durables, il y a urgence d'enquêtes précises analysant les liens dialectiques entre la concentration du revenu source d'injustice sociale au profit de couches spéculatives au détriment à la fois des producteurs de richesses et le processus d'accumulation du capital, enquêtes inexistantes en Algérie mais que les signes extérieurs de richesses d'une minorité rentière (pas les entrepreneurs créateur de richesses) montrent clairement. Lié à l'aspect précédent, doit être pris en compte l'analyse des couches moyennes productives pilier de tout développement en voie de disparition, entendu couches moyennes productives et non rentières gravitant au niveau des sphères du pouvoir en extension, destructrices de richesses. Certes, le SNMG algérien a plus que doublé en passant de 6.000 à 15 000 dinars ces dernières années, mais en dépit de cette augmentation, une interrogation s'impose : comment est-ce qu'un Algérien, qui vit au SNMG (140 euros par mois , soit 4 euros par jour alors que le kilo de viande est en août 2010 de 10 euros) fait face aux dépenses contraintes et incontournables :alimentation, transport, santé, éducation. Cette dégradation du pouvoir d'achat est renforcée par la dévaluation cyclique du dinar qui gonfle les prix des biens importés et il est admis maintenant qu'une famille avec 5 enfants à charge ne travaillant pas a besoin d'un revenu net minimum de 36.000 dinars. Sur la base du panier de la ménagère que maintient inchangé l'Office national des statistiques (ONS) depuis des années alors que le besoin est historiquement daté, l'inflation serait maîtrisée selon les pouvoirs publics alors que le vécu renvoie à une toute autre réalité. L'écart entre l'inflation perçue par l'Algérien et celle calculée par l'ONS témoigne de la difficulté de vérifier la véracité d'une donnée officielle. Jamais entre 2007/2010, la concentration des revenus au profit d'une minorité de couches rentières et la corruption n'ont été si importantes expliquant que certaines mesures gouvernementales d'austérité même louables en ces moments de crise, n'ont pas d'impacts de mobilisation et au contraire un rejet général car le sacrifice n'est pas partagé, démobilisation accélérée par les différents scandales financiers. Ce d'autant plus qu'avec l'inflation selon nos enquêtes, la majorité de la population ayant un revenu net inférieur à 20.000 dinars consacre plus de 80% de son revenu aux biens de première nécessité alors que selon l'enquête du CNEAP de septembre 2007, le taux était déjà de 70% Cependant il ne faut pas être utopique, et être réaliste, le quadruplement du SMIG aurait pour conséquence un processus inflationniste incontrôlé qui pénaliserait les couches les plus vulnérables à revenus fixes posant la problématique de l'inefficacité de la dépense globale source essentielle de l'inflation en Algérie, devant procéder à des actions ciblées devant favoriser exceptionnellement deux segments comme le recommande la banque mondiale à l'Algérie , l'éducation et la santé, qui cré de la valeur à terme, contrairement aux segments des autres fonctionnaires qui bénéficient d'un transfert de valeur. Or, la mensualité d'une manière générale d'un enseignant du primaire au supérieur supposé former les cadres de demain, en fin de carrière, est environ d'un tiers de celles de ses collègues marocain et tunisien, avec les nouvelles augmentations ( moins d'un tiers par rapport au salaire d'un simple député ou sénateur pour un professeur d'université ) et 80% de ce montant en retraite,( donnant un écart un quart du fait que la retraite des hauts cadres est de 100%) sans compter les conditions de travail bien plus meilleures et surtout la considération : statut de l'élite au niveau de la société en Algérie dévalorisé ce qui contredit les discours. Pour les entreprises toute augmentation doit être liée à la productivité mais malheureusement en Algérie cette productivité étant dépendante de la politique économique globale souvent incohérente car les gestionnaires publics ne sont pas véritablement autonomes car étant revenu à la gestion administrative du passé alors que la définition de l'entreprise est justement la prise de risque face à un monde turbulent. Comment situer donc les responsabilités lorsque l'entreprise a une productivité faible fonction d'une mauvaise politique gouvernementale ? Paradoxalement, la sphère informelle joue actuellement en Algérie avec la cellule familiale de tampon social, la crise du logement (même marmite, même charges) et des distributions de revenus sans création de valeur au nom de la solidarité (bien que la destination des transferts sociaux, somme colossale 10% du PIB entre 2007/2009, ne concerne pas toujours les plus défavorisées) permettent à une famille de disposer de plusieurs revenus reportant dans le temps provisoirement les tensions sociales dans la mesure où toute Nation ne distribue que ce qui a été préalablement produit. On ne peut pourtant invoquer, pour expliquer l'inflation et par là la détérioration du pouvoir d'achat de la majorité des algériens , uniquement les effets des dernières augmentations de salaires notamment au niveau de la Fonction publique (le montant étant estimé à environ 170 milliards de dinars annuellement, soit environ 1,8 milliard d'euros, somme dérisoire ) , la baisse du cours du pétrole , pour preuve, le cours du pétrole a atteint un cours entre 110 /140 dollars , les salaires ayant stagnés et l'inflation relativement maîtrisée, ou l'extérieur car avec la crise mondiale nous constatons une déflation ,baisse de l'activité, chômage, baisse des prix, alors qu' en Algérie nous assistons à une stagflation (récession , chômage et hausse des prix). Dans les pays émergents, certes le taux d'inflation est relativement élevé comme en Chine, Inde, Brésil ou la Russie, mais le taux de croissance est supérieur à la moyenne mondiale. Se pose la question face à la déflation (baisse des prix au niveau mondial,) pourquoi le consommateur algérien n'en bénéfice pas ? La raison essentielle de la non répercussion de cette baisse des prix au niveau mondial est que la banque centrale d'Algérie a dévalué simultanément (et c'est un paradoxe puisque la cotation de ces monnaies n'évolue pas dans le même sens) le dinar par rapport à la fois au dollar, 15% et à l'euro plus de 20%, mais comme le montre les dernières statistiques douanières de novembre 2009. Bien plus, ces dévaluations gonflent artificiellement la fiscalité pétrolière et le fonds de régulation en dinars non convertibles, voilant l'importance du déficit budgétaire. Les mesures gouvernementales contenues dans la loi de finances complémentaire 2009/2010 n'ont pas eu et n'auront pas d'impacts significatifs sur la valeur des importations, du point de vue de la valeur globale, touchant certains segments mais gonflant d'autres, car ce gonflement est du essentiellement à la dépense publique, assistant toujours à une valeur monétaire allant vers 40 milliards de dollars tant pour 2009 que pour 2010 si l'on maintient le rythme actuel de la dépense publique. Car les réévaluations permanentes des projets allant de 20 à 25% en moyenne, plus pour d'autres, les assainissements répétées des entreprises publiques , des dizaines de milliards de dollars entre 1991/2010 avec des résultats mitigés plus de 70% de ces entreprises étant revenues à la case de départ , les banques publiques contrôlant environ 90% du crédit global à l'économie en 2009 étant malades de leurs clients, les entreprises publiques d'où les recapitalisations répétées, sans compter les créances douteuses de certaines entreprises privées, traduit à la fois l'inefficacité de la dépense publique et la faiblesse de la productivité globale, ( blocage systémique) , source de l'inflation. C'est faute d'une analyse objective et sereine que l'on impute l'inflation uniquement aux salaires alors que l'on oublie qu'ils régressent en Algérie au sein du produit intérieur brut étant inférieur à 20% en 2009 contre plus de 50% dans les pays développés et émergents , traduisant une désalarisation dangereuse de l'économie algérienne au profit des rentes destructeurs de richesses, oubliant que le salaire certes est un cout mais également une demande , que le couple travail/intelligence combiné avec une bonne gouvernance sont les fondamentaux de la création de la valeur et de la compétitivité en ce XXIème siècle. 3.-Lutte contre l'inflation : une politique socio-économique plus visible et plus cohérente L'objectif pour améliorer le pouvoir d'achat de la majorité passe à la fois par l'amélioration la réforme globale , la levée des contraintes d'environnement qui freinent l'épanouissement de l'entreprise créatrice de la richesse durable , dont le terrorisme bureaucratique, le système financier sclérosé, un système socio-éducatif inadapté et l'épineux problème du foncier non résolu à ce jour, et la gestion de la dépense publique afin de favoriser une croissance durable hors hydrocarbures, les infrastructures et les réserves de change n'étant qu'un moyen. Or actuellement on assiste à un gaspillage des ressources financières car n'oublions jamais que la réduction tant de la dette extérieure (moins de 4 milliards de dollars) que de la dette publique intérieure (moins de 1 milliard de dollars) fin 2009 est du à la rente des hydrocarbures et non pas à la création de valeur. C'est que la dépense publique entre 2004/2009 , et certainement entre 2010/2014 s'il n'ya pas une nouvelle gouvernance, n'est pas du tout proportionnelle aux impacts économiques et sociaux, en soulignant que les infrastructures ne sont qu'un moyen accessoire du développement et les expériences négatives récentes de l'Espagne et la semi faillite récente de Dubai en sont les exemples frappants. Car, sans un taux de croissance de 6/7% par an sur plus de 5 années hors hydrocarbures reposant sur les véritables entreprenants , l'actuel taux de croissance hors hydrocarbures étant fictif autant que le taux de chômage officiel, car la majorité de ces segments sont irrigués par la dépense publique via les hydrocarbures , il est impossible, c'est une loi économique universelle, de créer 3 millions d'emplois fiables à valeur ajoutée et par là d'augmenter à moyen terme les salaires donc le pouvoir d'achat des algériens au risque d'une hyperinflation en cas de chute du cours des hydrocarbures car n'existe pas une véritable politique salariale mais des redistributions de rentes. Et qu'en sera t-il des futures retraites sans hydrocarbures avec la gestion défectueuse des caisses de sécurité sociale, l'Office national des statistiques (ONS) venant de rendre public le 20 juillet 2010 une enquête du second semestre 2009 où il met en relief que la moitié de la population occupée n'était pas affiliée à la sécurité sociale au 4e trimestre de l'année 2009, soit un taux de 50,4% de l'ensemble des travailleurs occupés. Plus précisément, sur les 9.472.000 travailleurs occupés recensés, 4.778.000 personnes ne sont pas affiliées au régime de la sécurité sociale, soit un occupé sur deux. Aussi, le pouvoir d'achat des Algériens pose toute la problématique d'une meilleure cohérence et visibilité de la politique socio-économique évitant ces changements perpétuels de cadres juridiques comme si des lois pouvaient mettre fin à des distorsions qui trouvent leur origine dans les dysfonctionnements du système comme l'importance de la sphère informelle, la société enfante ses propres règles de fonctionnement lorsque des mesures autoritaires sans concertation et dialogue social lui sont imposées. Comme elle pose la problématique des deux fondamentaux du développement du XXI ème siècle à savoir un Etat de droit, une bonne gouvernance et la valorisation du savoir. L'analyse de l'inflation face à un monde de plus en plus interdépendant, est inséparable de l'analyse des mécanismes de régulation liant l'accumulation, la répartition du revenu national et le modèle de consommation par couches sociales, analyse inséparable des nouvelles mutations mondiales dont la place de l'Algérie est dans l'espace arabo-africain , euro méditerranéen d'où l'importance de l'intégration maghrébine. Docteur Abderrahmane MEBTOUL Professeur d'Université, Expert International – Economiste