Tout juste investi, le président des Etats-Unis Barack Obama a demandé la suspension des procédures judiciaires devant les tribunaux d'exception de Guantanamo pendant 120 jours, selon des documents judiciaires présentés à la presse mardi soir. "Dans l'intérêt de la justice et sur la demande du président des Etats-Unis et du secrétaire à la Défense Robert Gates, le gouvernement requiert, respectueusement, que les commissions militaires autorisent une suspension des procédures dans les cas suivants jusqu'au 20 mai", assure pour l'accusation Clayton Trivett, dans une motion qu'il présentera mercredi à Guantanamo à deux juges. Le premier, Stephen Henley, devait examiner jusqu'à mercredi le dossier des cinq hommes accusés d'avoir organisé les attentats du 11-Septembre. Le second, Patrick Parrish, examinait le cas de Omar Khadr, un Canadien arrêté à 15 ans en Afghanistan pour le meurtre d'un militaire américain, avant son procès prévu en principe lundi. C'est aux juges que reviendra mercredi la décision de geler ou non les commissions militaires. Ce système judiciaire d'exception a été créé en 2006 par l'administration Bush pour juger les détenus de Guantanamo. Ils sont actuellement 21 inculpés dont 14 renvoyés devant un juge, pour 245 prisonniers environ, selon le Pentagone. Le président Obama a promis que la fermeture de la prison de Guantanamo serait une de ses premières décisions en prenant ses fonctions. Mais avant même d'en donner l'ordre, il a donc choisi de suspendre ces procédures judiciaires particulièrement controversées, en plein milieu d'une session. Il s'agit, ajoute M. Trivett dans sa requête, de "permettre au nouveau président et à son administration de réexaminer le système des commissions militaires en général et des deux dossiers en cours particulièrement". Selon le document, les procureurs militaires ont reçu l'ordre directement de M. Gates de "donner suffisamment de temps à la nouvelle administration pour réexaminer les dossiers des détenus actuellement à Guantanamo qui n'ont pas été déclarés libérables ou transférables". Elle devra ensuite "déterminer s'ils peuvent être poursuivis pour des délits qu'ils auraient commis et quelle juridiction sera la mieux appropriée pour de futures poursuites". Ni cour martiale ni cour fédérale, les commissions militaires s'apprêtaient à être testées grandeur nature pour la troisième fois seulement lundi, avec le procès d'Omar Khadr. Pendant leur courte vie, les commissions ont condamné Salim Hamdan, ancien chauffeur d'Oussama ben Laden, à cinq ans et demi de prison, dont cinq déjà crédités et Ali Hamza Ahmad al-Bahlul, propagandiste d'Al-Qaïda, à la perpétuité. Contre tous les principes du droit américain, ces tribunaux acceptaient comme preuve des éléments recueillis sous la contrainte et les preuves indirectes, c'est-à-dire que les témoins ne venaient pas confirmer à la barre. Reste à savoir par quoi ces commissions seront remplacées. La plupart des avocats de la défense, militaires et civils, de même que les associations de défense des droits de l'homme plaident pour que les détenus qui seront inculpés à l'issue du réexamen de chaque dossier au cas par cas, soient traduits devant des tribunaux fédéraux. La possibilité de créer un nouveau système, adapté aux questions de terrorisme - notamment la différence entre soutien au terrorisme et action terroriste - a été évoquée mais nécessiterait une loi. Selon les experts, le nouveau président ne prendra pas le risque de la voir bloquée par le Congrès. Interrogé lors de sa séance de confirmation par le Sénat, le futur ministre de la Justice, Eric Holder, a également laissé entendre que les commissions militaires pourraient être "retapées", mais a assuré que la décision n'avait pas encore été tranchée. Dans l'immédiat, les cinq hommes accusés d'avoir conçu, financé et organisé les attentats du 11 Septembre 2001 n'ont toujours pas été jugés, plus de sept ans après.