En dépit des pressions des Etats-Unis, la justice écossaise a finalement accordé, jeudi, une grâce médicale à Abdelbasset al-Megrahi condamné à perpétuité pour l'attentat qui avait fait 270 morts en 1988.Il a été accueilli en héros à son arrivée à Tripoli. Après moult tergiversations, l'Ecosse a accordé jeudi la grâce médicale à Abdelbasset al-Megrahi, le Libyen condamné à la prison à perpétuité pour l'attentat de Lockerbie. "Notre système judiciaire demande que la justice soit rendue mais que la compassion soit possible, nos convictions imposent que la justice soit faite mais que la clémence soit accordée", a déclaré le ministre écossais de la Justice, Kenny MacAskill. Al-Megrahi , qui souffre d'un cancer de la prostate en phase terminale, a regagné Tripoli dès jeudi soir. Plusieurs milliers de personnes étaient présentes pour accueillir celui que beaucoup de Libyens considèrent comme un héros et un bouc-émissaire de l'Occident. Vêtu d'un costume noir, il a quitté l'aéroport escorté d'un convoi de véhicules, en compagnie du fils du dirigeant libyen Moammar Kadhafi, Saif al-Islam Kadhafi. Abdelbaset Al-Megrahi, ancien haut responsable des renseignements libyens, avait été condamné en 2001 pour l'attentat perpétré contre un Boeing 747 de la compagnie Pan Am, qui a explosé en décembre 1988 au-dessus de Lockerbie, une petite ville écossaise, faisant 270 morts. La nouvelle de son éventuelle grâce médicale défrayait la chronique depuis plusieurs jours. Les rumeurs sur les conditions de cette libération ne cessaient d'enfler depuis que le ministre écossais de la Justice lui avait rendu visite dans sa cellule de la prison de Glasgow au début du mois d'août. La revue écossaise The Firm affirmait la semaine dernière que Megrahi avait subi des pressions pour abandonner la procédure en appel qu'il venait d'intenter, en échange du droit de finir ses jours en Libye. Kenny MacAskill a démenti cette hypothèse sans toutefois réussir à faire cesser les rumeurs. En effet, le Libyen avait obtenu le droit à un second procès en raison de la possibilité d'une "erreur judiciaire" dans sa condamnation en 2001 par un tribunal spécial écossais, installé aux Pays-Bas en gage de neutralité. A sa sortie de prison, le Libyen s'est déclaré soulagé de quitter sa cellule. Megrahi, qui n'a jamais cessé de clamer son innocence, a qualifié sa condamnation de "honte". "Cette épouvantable épreuve ne prendra pas fin avec mon retour en Libye. Elle pourrait même ne pas prendre fin avant ma mort", a-t-il déclaré dans un communiqué avant d'ajouter : "On m'a laissé face à un choix révoltant : risquer de mourir en prison dans l'espoir que mon nom soit blanchi de manière posthume, ou rentrer chez moi avec le poids du verdict de culpabilité qui ne sera jamais effacé". Mardi, Megrahi avait fait savoir publiquement qu'il renonçait à un second procès. Les Etats-Unis formellement opposés à cette libération Cette décision ne fait pas du tout l'unanimité au sein de la communauté internationale. Les Etats-Unis ont annoncé, quelques minutes après l'officialisation de la libération d'Abdelbasset al-Megrahi, qu'ils regrettaient profondément cette grâce. "Nous continuons à penser que Megrahi devrait accomplir sa peine en Ecosse", a déclaré dans un communiqué la Maison-Blanche avant d'enjoindre, en vain, la Libye à ne pas accueillir Megrahi en héros . Barack Obama a également fait savoir jeudi qu'il souhaitait que le terroriste soit assigné à résidence. La semaine dernière, la secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton avait déjà téléphoné au ministre écossais de la Justice l'exhortant à ne pas libérer le Libyen. Des sénateurs, poussés par les familles des 189 victimes américaines, avaient également fait savoir que cette libération aurait des conséquences sur les relations entre Washington et Tripoli. Elles "pourraient être testées au cours des prochains jours si Abdelbasset al-Megrahi est libéré par les autorités écossaises ", avait menacé le sénateur indépendant Joseph Lieberman. A Londres, le ministre britannique des Affaires étrangères David Miliband a qualifié de "profondément affligeant" l'accueil réservé à Megrahi. R.I.