Déjà finie, la crise ? Dans certains pays, on serait tenté de le croire, au vu de la généralisation du mouvement de hausse des taux d'intérêt par les banques centrales. Après l'Australie, premier pays du G20 à augmenter les siens, le 6 octobre, ce fut au tour de la Norvège d'effectuer son premier resserrement monétaire, mercredi 28 octobre. Comme attendu, la banque centrale a donné un tour de vis d'un quart de point, portant son taux principal à 1,50 %. Après une brève récession, la Norvège, gros exportateur d'hydrocarbures, a renoué avec la croissance au deuxième trimestre. Un redémarrage qualifié par la banque centrale de "plus rapide que prévu", qui a nécessité de débuter l'ajustement des taux d'intérêt. Ils devraient, selon l'institution, "être relevés progressivement" à l'avenir. Mais la banque de Norvège, qui s'était inquiétée à plusieurs reprises de la vigueur de sa monnaie, notamment due à la chute du dollar, a prévenu que ce scénario pourrait être modifié "si la couronne devait s'apprécier considérablement plus que prévu". Dès la semaine du 2 novembre, une nouvelle hausse des taux pourrait survenir. Mais ce serait à nouveau en Australie, selon les économistes, où les signaux de la demande intérieure sont au vert. La banque centrale du pays pourrait augmenter ses taux d'un demi-point. Du côté des quatre grands instituts d'émission sur lesquels les investisseurs ont les yeux rivés en permanence - Etats-Unis, Europe, Royaume-Uni et Japon -, on est encore loin d'une modification du niveau du loyer de l'argent. Même si les Etats-Unis sont techniquement sortis de récession, comme l'ont montré les données de la croissance au troisième trimestre (+ 3,5 % en rythme annuel), les banques centrales de ces pays n'en sont qu'au stade du retrait, ou non, des mesures exceptionnelles mises en place durant la crise. Et les économistes n'envisagent pas de modification des taux avant mi-2010, voire avant 2011. Au Royaume-Uni, la Banque d'Angleterre, qui a déjà acheté 175 milliards de livres (196 milliards d'euros) de bons du Trésor pour éviter une flambée des taux longs, pourrait même augmenter ce montant de 50 milliards dans la semaine du 2 octobre. Une décision qui, du point de vue des analystes de Nomura, rendra encore plus difficile pour l'institut d'émission la sortie de sa politique d'assouplissement quantitatif. Ils soulignent que la banque centrale a déjà acheté 19 milliards de livres de plus que ce que le Trésor a émis sous forme de titres, et que cela représente 25 % du marché, alors qu'aux Etats-Unis la Réserve fédérale (Fed), qui a mené une politique similaire, n'a acquis que 25 % des émissions du Trésor et seulement 3 % du marché. La Fed vient d'ailleurs d'achever son programme d'achats de bons du Trésor, et la Banque du Japon a annoncé, vendredi, qu'elle cesserait d'acheter des obligations et des billets de trésorerie d'entreprises fin décembre. Du côté de la Banque centrale européenne (BCE), Axel Weber, le président de la Bundesbank allemande, a prévenu les banques qu'elles devraient commencer à "se préparer au retrait progressif des médicaments que leur administrent les banques centrales". "Subsister grâce aux perfusions de liquidités (...) n'est pas une option durable pour l'avenir et certainement pas un modèle de gestion durable", a-t-il insisté. "Etant donné les récentes évolutions sur les marchés financiers et la stabilisation qui en a résulté pour le refinancement des banques, il n'est pas (...) approprié de conserver trop longtemps inchangé" le dispositif, a-t-il déclaré. "C'est la première fois qu'un membre du conseil de la BCE indique si clairement que celle-ci se rapproche de la mise en place de sa stratégie de sortie", analyse Valérie Plagnol, économiste chez CM-CIC Securities. L'Inde prépare aussi la fin de sa politique monétaire de crise. Mardi, le gouverneur de la banque centrale, Duvvuri Subbarao, a déclaré qu'"il semblerait approprié d'organiser la sortie d'une manière calibrée". L'institution a déjà demandé que les établissements augmentent la part de leurs réserves en bons du Trésor, de manière à retirer des liquidités du système. Elle devrait, selon les observateurs, relever ses taux d'ici à janvier 2010.