L'année 2010 sera difficile pour l'Allemagne. Angela Merkel l'a dit, hier, sans détours à ses compatriotes lors de son allocution télévisée. "Nous ne pouvons pas espérer que la récession soit rapidement surmontée", a souligné la chancelière chrétienne-démocrate, qui portait de fines lunettes pour l'occasion. La première économie de la zone euro a certes commencé à sortir de la plus grave récession qu'elle ait connue depuis la seconde guerre mondiale. Les prévisions de croissance ont été corrigées à la hausse ces derniers mois - le gouvernement table sur une hausse du PIB de 1,2 % en 2010 - et l'augmentation du chômage est restée limitée. Mais de nombreuses incertitudes planent sur l'avenir. "Il y aura d'abord une dégradation au cours de cette nouvelle année, avant qu'il y ait un redressement", a expliqué Mme Merkel. La chef du gouvernement allemand craint notamment une explosion du chômage. Jusqu'à maintenant, les entreprises ont pu éviter des licenciements massifs en recourant au système du chômage partiel. A long terme, cette mesure n'est pas rentable pour les sociétés. En outre, le dispositif de la prime à la casse, qui a dopé les ventes des constructeurs automobiles, est arrivé à échéance en septembre. Aussi, le chef de l'Agence fédérale pour l'emploi, Frank-Jürgen Weise, s'attend-il à d'importantes destructions d'emplois, notamment dans les secteurs-clés de l'industrie allemande, au cours des prochains mois. Autre menace qui pèse sur la conjoncture : l'aggravation des conditions de crédit pour les entreprises. Début décembre 2009, la chancelière avait convoqué des représentants des banques, entreprises et syndicats pour réfléchir à des mesures de lutte contre la pénurie de crédit. Lors de ses voeux, Mme Merkel a annoncé la mise en place de nouvelles règles pour les marchés financiers afin d'empêcher "l'accumulation d'excès et d'irresponsabilité". Pour la chancelière, 2010 sera un tournant. L'Allemagne doit "transformer son économie de manière à la rendre durable". La question qui se pose, selon elle, est de savoir "comment nous préservons notre prospérité, en changeant notre art de vivre et notre économie". "C'est maintenant que sont posés les jalons pour l'avenir des Allemands", résume l'hebdomadaire Der Spiegel, qui consacre sa "une" à la conjoncture allemande en 2010. En effet, certains économistes critiquent le modèle allemand tourné vers l'exportation et exhortent les responsables politiques à stimuler davantage la demande intérieure. Un emploi sur cinq dépend du commerce extérieur et la part des exportations dans le PIB atteint désormais 47 %. Une manière de répondre à ce défi est d'augmenter substantiellement les investissements dans l'éducation et la recherche. La chancelière souhaite faire passer les dépenses de ce secteur à 7 % du PIB d'ici à 2015. Mais l'urgence est d'abord de sortir le pays de la crise. L'Allemagne a été particulièrement touchée. En 2009, son PIB devrait afficher une baisse de 5,3 % contre 2,4 % pour la France ou 4,4 % pour le Royaume-Uni. "Nous, au sein du gouvernement allemand, devons faire tout ce que nous pouvons pour créer de la croissance", a-t-elle poursuivi. Pour relancer la machine économique, la nouvelle coalition de centre-droit, qui réunit les unions chrétiennes CDU-CSU et les libéraux du FDP, a décidé de baisser les impôts. Une première série d'allégements fiscaux d'un montant de 8,5 milliards d'euros est entrée en application le 1er janvier. D'autres réductions d'impôts sont prévues d'ici à 2011. En même temps, le gouvernement souhaiterait s'atteler à la réduction du déficit public, qui bat des records, pour respecter les critères du pacte de stabilité et le mécanisme de frein à la dette inscrit dans la Constitution allemande. De l'avis de nombreux économistes, les hausses d'impôts seront alors incontournables. Les négociations pour la prochaine loi sur le budget 2011 s'annoncent donc laborieuses. Mais d'ici au 9 mai, date des élections régionales en Rhénanie du Nord-Westphalie, le Land le plus peuplé d'Allemagne, le gouvernement évitera d'aborder ce sujet délicat. De même, les autres dossiers lourds de la coalition, tels la réforme de la santé ou le nouveau concept énergétique, ne devraient pas être rouverts avant ce scrutin test.