Dr MOUSSA Kacem Enseignant-Chercheur à L'université d'Oran A l'occasion des deux journées mondiales, celle de l'arbre, puis de l'eau célébrées successivement le 21 et le 22 mars, il semble utile de marquer une halte pour dresser un état des lieux, et ainsi, mieux percevoir l'avenir.Les secteurs de la forêt et de l'eau sont considérés comme étant deux domaines stratégiques vus leurs apports à l'économie et leur lien avec le devenir de l'humanité, d'autant plus que les prochaines décennies sont essentiellement caractérisées par le réchauffement climatique qui engendre un dérèglement inquiétant. Ce phénomène mondial qui peut ne pas être conjoncturel, peut entrainer de lourdes conséquences dont le tarissement des sources hydriques, le changement de dates de floraison, la salinisation des sols et nappes aquifères, l'apparition des espèces de climat chaud en plein hiver, la disparition des forêts …etc. La réflexion pour la préservation des deux ressources constituées par l'eau et l'arbre est plus que d'actualité. Il s'agit de changer notre façon de voir et notre manière d'agir pour garantir la sauvegarde de ces deux ressources. L'école qui comprend dans ses programmes de l'éducation écologique doit également développer ce que sont les gestes éco-citoyens afin d'avoir au bout de quelques années des générations pensant uniquement et surtout environnement et équilibre écologique. La politique doit également fonder son économie sur des projections futuristes et réalistes s'inspirant des éventuels changements géographiques d'abord puisque les littoraux et les physionomies de nos plages et zones périphériques ne seront plus reconnaissables, suite bien entendu à l'élévation du niveau moyen des mers et océans qui provoqueront des envahissements et engloutissements des terres notamment celles qui offraient de meilleurs produits agricoles. On estime mondialement que ce phénomène ravagerait jusqu'à 12% des terres (cas de l'Egypte), voire même 35% pour ce qui est des Etats Unis. Nos terres agricoles qui avoisineraient les plages et qui sont à des altitudes relativement basses seraient fortement vulnérables, et ce avec un recouvrement rapide de la mer. Sur le plan hydrique, la forte chaleur qu'engendrerait le réchauffement serait la principale cause de déplacement du biseau salin vers le continent, ce qui impliquerait une salinisation accrue de toute bande littorale, qui jadis regorgeait de sources d'eau douce de très bonne qualité. La dégradation écologique de notre littoral s'accompagnerait d'une forte érosion des reliefs ce qui mènerait à des conséquences néfastes, aussi bien pour la flore que pour la faune. Par ailleurs, les installations industrielles dites classées, qui se trouvent alignées tout au long des côtes algériennes risquent également de subir les effets du dérèglement climatique. Pour les raisons invoquées ci-dessus, il est plus que jamais nécessaire de réfléchir à la mise en place de structures multidisciplinaires pour mieux saisir les multiples aspects liés aux diverses pollutions et à la protection de l'environnement. Il s'agit de quantifier le phénomène d'avancée de la mer mais aussi de prévoir la cartographie de toutes les incursions marines et leurs aléas possibles. Concernant les zones de l'intérieur, celles du Sud ou du Nord du pays, elles n'échapperont certainement pas aux méfaits éventuels du dérèglement climatique, car l'augmentation de la chaleur, comme il a été démontré par des chercheurs américains, peut impliquer un déplacement des espèces végétales vers les hauteurs des reliefs, mais aussi vers le Nord pour les zones sahariennes. Ce déplacement d'espèces végétales engendrera à son tour une migration écologique. En effet, de récentes études concernant le Sahel et le Sahara algérien ont fait état de déplacements de nombreuses tribus, suite à la disparition d'espèces végétales qui constituaient la base de leur alimentation et aussi de leurs troupeaux. Dans ce sens, notre pays ne dispose pas encore des moyens humains et matériels d'investigation pour faire face au phénomène du dérèglement climatique. Il ne s'agit pas de développer une recherche en faveur du développement durable, mais également d'amener la société à penser et produire écologiquement. De tels phénomènes constatés par des chercheurs étrangers échappent malheureusement à la maîtrise de nos experts. Maintenant si les institutions officielles trouvent de la peine à étudier et maîtriser les conséquences du dérèglement climatique, quels sont les rôles et apports de la société civile représentée par les milieux associatifs, notamment ceux qui se revendiquent de la protection de l'environnement et du développement durable ? La floraison des associations dans le domaine de la sauvegarde de l'environnement n'ayant pas impliqué nécessairement de la vraie prise en charge de ces préoccupations, notamment environnementales, bien au contraire le manque de solidarité dans le travail et la faible formation en écologie rend les réseaux associatifs assez fragiles, et même au sein de chaque entité associative de grandes dissensions peuvent à tout moment se déclencher. En Algérie, la non perception du rôle associatif et de la valeur de l'apport d'autrui ayant conduit à la mise en place des associations-personnes, qui sur papier représentent énormément de choses mais sur le terrain, il n'y a que le président qui patauge en pleine dédale administrative. Une troisième catégorie placée entre le monde officiel et celui de la société ne joue absolument aucun rôle, mises à part quelques initiatives de quelques chercheurs engagés. La classe dite des intellectuels est apparemment absente ou du moins inconnue des milieux associatifs, même si les bibliothèques universitaires, regorgent parfois de travaux et essais sur les phénomènes scientifiques et sociaux dont on a développé certaines facettes. La crise que connait l'université va de pair avec celle qui traverse la société. Les études de projection qui faisait l'attribut de l'université ne constituent maintenant que de vagues souvenirs. Pour revenir à la célébration de ces deux journées, nous devrions donc approfondir les réflexions au sujet des deux ressources vitales que constituent l'arbre et l'eau. La réalisation d'ouvrages hydriques tels les unités de dessalement d'eau de mer, les retenues collinaires, les barrages, les systèmes de transferts d'eau entre autres, constituent de véritables armes en ce troisième millénaire où l'eau est la ressource stratégique. D'autres réalisations s'avèrent nécessaires pour la mobilisation d'autres sources d'eau qu'elles soient conventionnelles ou non, l'essentiel étant d'augmenter en plus les réserves hydriques. En ce troisième millénaire donc, la bataille sera celle de l'eau, une situation qui risque de voir périr ou émerger des nations. Pour le domaine forestier garant d'une maîtrise de gaz à effet de serre (GES) est, par contre assez vulnérable, puisque de rares tentatives ont été observées et par endroits il a suffi d'implanter quelques arbustes, faisant fi de toute étude détaillée du sol de la région. En somme c'est toute une autre politique qui doit être menée, celle-ci doit être guidée par une stratégie étatique mais ce sont aussi et surtout les vrais chercheurs en ces domaines qui doivent prendre en charge les aspirations écologiques, arguant de moyens et techniques modernes mais en ayant aussi un esprit de recherche critique afin d'éviter les fameuses répétitions et copier coller. La société civile , doit être au-devant des aspects éducatifs et de sensibilisation des plus jeunes citoyens (écoliers), mais aussi des moins jeunes, car la formation et la mobilisation doit concerner également les chefs de familles, les enseignants, les ouvriers, les administrateurs etc. Toutes les catégories sont donc bien concernées par la prise en charge des dossiers de l'environnement. Pour le reste, ce sont surtout les études universitaires qui doivent être orientées vers ce qui est immédiat, car le fondamental ne doit nullement supplanter l'appliqué et l'économico-social. A la fin on doit quand même se poser la question quel est le mécanisme ou l'organe qui doit coordonner tous ces aspects, ces structures et ces acteurs en vue de parvenir à regrouper les efforts, dégager les idées, méthodes de travail et réalisations.