En être ou ne pas en être? Appelés in fine à trancher sur une entrée de leur pays dans l'UE, les Islandais affichent pour l'heure une certaine frilosité qui s'explique par leur attachement à l'industrie de la pêche et par une fierté nationale retrouvée. En pleine torpeur estivale, le coup d'envoi, mardi dernier à Bruxelles, des négociations en vue d'une éventuelle adhésion n'a pas attisé le débat sur la petite île volcanique de l'Atlantique Nord. Sur les trottoirs ensoleillés de Reykjavik, rares sont ceux qui acceptent de s'ouvrir sur la question et ceux qui le font dessinent une image contrastée. De nombreux Islandais attendent l'issue des négociations avec Bruxelles pour se faire une opinion et se prononcer par référendum. Le dernier sondage disponible remonte à début juin. La tendance était alors nette: 60% des répondants se disaient hostiles à une entrée dans l'UE contre seulement 26% d'opinions favorables. Un rapport de forces qui inquiète les responsables européens déjà échaudés par l'échec de deux référendums en Norvège. Si les Islandais semblaient prêts à se jeter dans les bras de Bruxelles au plus fort de la crise en 2008, lorsque leur pays était au bord du précipice, leurs ardeurs ont décliné depuis. L'affaire Icesave y a largement contribué: les démêlés avec la Grande-Bretagne et les Pays-Bas sur l'indemnisation des épargnants lésés par la faillite de la banque islandaise a ressuscité un nationalisme qui tait son nom. Surtout, l'écroulement du système bancaire hypertrophié a conduit les Islandais à se replier sur leurs industries traditionnelles, au premier rang desquelles la pêche, un secteur qui représente un tiers des exportations et où l'UE sent le soufre. Face à l'opposition tonitruante des pêcheurs, des agriculteurs et des chasseurs de baleines, qui se sentent tous menacés par l'UE, les milieux d'affaires globalement europhiles tentent de faire entendre leur voix. "Qu'ils cessent de hurler et qu'ils commencent à discuter", déclare Helgi Magnusson, directeur de la Fédération des industries islandaises, qui dit vouloir oeuvrer à Bruxelles pour "l'accord le plus favorable possible". Directeur de Marorka, entreprise innovante spécialisée dans l'efficacité énergétique du secteur maritime, Jon Agust Thortseinsson est l'un de ces patrons excédés par la volatilité de la couronne islandaise et qui veut rivaliser à armes égales avec ses concurrents du continent. "Nous sommes un pays européen, nous avons une culture européenne, notre place est dans l'UE", dit-il. En effet, 'Islande est un pays aux confins du plateau continental européen, au nord de l'Écosse. Sa population de seulement 320 000 habitants aujourd'hui (beaucoup moins il y a cinquante ans) était pauvre et vivait en autarcie avec pour seul revenu la pêche. Son principal handicap était en effet, son isolement géographique. Cependant, le développement des transports maritimes et aériens après la Seconde Guerre mondiale et l'abaissement des droits de douane dans le monde développé, lui a permis d'exporter sa production. Ainsi, depuis 1950, un bien être matériel relatif est né de l'opportunité offerte aux Islandais de sortir de leur isolement. Ce bien être s'est traduit dans le taux de fécondité de l'après guerre. Aujourd'hui, la moyenne d'âge de la population de l'Islande n'est que de 37 ans ! L'Islande s'est investie considérablement dans l'éducation et la formation de sa population suite à l'élévation de son niveau de vie. Ainsi, lorsque la révolution technologique de l'économie numérique est apparue, la nouvelle génération issue du baby boom de l'après guerre, formée dans l'excellence éducative et l'ouverture sur le monde, a profité pleinement de l'effet de démultiplication que confèrent l'informatique et Internet. L'adhésion de l'Islande à l'Espace économique européen en 1994, l'a arrimée définitivement à l'Europe tout en lui offrant un nouvel espace de liberté pour entreprendre. Au début des années 1990, cette nouvelle génération, enthousiasmée par les possibilités qu'offre Internet pour se réaliser, est partie à la conquête des nouvelles technologies avec un succès tout à fait extraordinaire s'agissant de domaines n'ayant rien à voir avec les activités traditionnellement développées par leurs pères : la recherche génétique et la génétique appliquée (Decode Genetics), les médicaments génériques (Actavis), le business to business aéronautique (Aviation group), les nouvelles technologies appliquées à l'agroalimentaire (Marel), les jeux vidéo en ligne (CCPGames), les énergies renouvelables (Geysir), la finance internationale, l'immobilier, les prothèses médicales (Ossur), la plasturgie (Promens), entre autres.