Impensable : l'Islande passe à gauche ! La coalition de gauche, réunissant le Parti social-démocrate (AF) et le Mouvement gauche verts, a infligé une cuisante défaite au Parti de l'indépendance (SJ) aux législatives anticipées. La victoire de la gauche est historique. La crise financière avait chassé, en février, le parti de droite du gouvernement alors au pouvoir depuis 18 ans. Les deux partis de la coalition de gauche s'étaient alliés dans le gouvernement intérimaire formé à cette date. Les conservateurs, qui avaient le vent en poupe, ont payé. Les Islandais, qui étaient fiers de leur réussite, se sont vite détournés des conservateurs qu'ils ont considérés par ailleurs comme responsables de la crise qui a balayé la success story islandaise. Les conservateurs avaient dû lâcher le pouvoir fin janvier, après des manifestations populaires inédites, dès lors que l'économie islandaise s'est révélée n'être qu'une simple bulle vide. Le pays avait été le premier en Europe à être terrassé par la crise financière après des années de prospérité. La population avait exigé des élections anticipées face au chômage grandissant (10% attendus cette année) et à une grave récession (environ 10% de contraction du PIB estimée pour 2009). L'eldorado européen a explosé et les milliers de travailleurs européens qui étaient venus chercher fortune ont vite plié bagage. Le chaos s'est introduit avec l'effondrement du secteur bancaire à l'automne 2008 qui a précipité l'île au bord de la faillite. Après avoir accumulé une dette massive pendant les années de laisser- faire économique et de croissance rapide, les trois principales banques islandaises ont rendu le tablier en l'espace d'une semaine, en octobre dernier. Le gouvernement chantre du néolibéralisme outrancier n'avait d'autre issue que de les nationaliser en urgence. Sinon, effet de dominos, tout le pays aura été mis en faillite. Et c'est ainsi que les Islandais ont sanctionné le parti de la prospérité d'hier par la voie des urnes. Le Parti de l'indépendance recueille 23,7% des suffrages, soit 16 sièges. L'heure est à la gauche. La très populaire Johanna Sigurdardottir, dirigeante du Parti social-démocrate, a affirmé qu'elle pouvait effectivement sourire. Et oui, dans une Europe boostée par la droite et ses extrêmes, le vote des Islandais est historique. L'ancienne hôtesse de l'air de 66 ans se retrouve Premier ministre. Elle va gérer la crise, ce qui n'est pas rien, et veiller à l'harmonie dans sa coalition hybride. Les deux partis donnés vainqueurs vont entrer en négociations pour se répartir les ministères. Il faudra attendre encore quelques jours pour que soit annoncée la coalition gouvernementale officiellement. Les sociaux démocrates avaient fait campagne sur la nécessité d'adhérer aussi vite que possible à l'Union européenne et d'adopter la monnaie unique. La couronne islandaise avait perdu près de 44% de sa valeur. Cette position n'est pas partagée par leur allié. Mais il a toutefois reconnu l'urgence de discuter de cette question qui divise profondément les Islandais. Les eurosceptiques craignent, en effet, qu'une adhésion à l'UE soit nuisible à l'industrie traditionnelle de la pêche, l'Union ayant instauré des quotas pour les pays membres. Bruxelles est impatient de voir ce pays entrer dans sa famille. Les socialistes européens dans l'opposition retrouvent le sourire. L'effet islandais, sait-on jamais…