Président du jury dans la catégorie long métrage, l'écrivain Rachid Boudjedra est indigné par le niveau des films arabes projetés à Oran au sixième jour de ce rendez-vous qui met en lice 13 films pour le trophée suprême de l'Ahaggar d'Or. Selon lui " le cinéma arabe vit une crise de scénario". Et Boudjedra sait de quoi il parle, parce qu'il est également scénariste lui qui a signé quelques œuvres de D'Ahmed Rachedi et Lakhdar Hamina entre autres. Pour lui, le manque d'intérêt pour le scénario dans la production cinématographique arabe, ces derniers temps, " a mené à l'échec des films du point de vue contenu et interprétation " a-t-il dit en qualifiant "d'erreur flagrante" le désintérêt de beaucoup de réalisateurs pour le scénario romancier qui est remplacé par ''l'improvisation de scénaristes non professionnels''. L'écrivain algérien a souligné dans ce même ordre d'idées, que l'intérêt porté à la production quantitative et rapide, et la domination de l'aspect commercial constituent une entrave au développement du cinéma arabe. Il a fait remarquer, par ailleurs, que de jeunes réalisateurs dans le monde arabe ont abandonné le texte sérieux et le scénario en adoptant des "contenus superficiels", ce qui a eu des répercussions sur le rendement cinématographique et la qualité, comme c'est le cas de films que le public n'a pas appréciés. Le monde arabe, a-t-il poursuivi, recèle une richesse inestimable en matière de littérature romancière considérée comme matière première pour toute production cinématographique performante sur les plans qualitatif et quantitatif, en ajoutant que le scénario est le fondement de la production du film et de sa réussite. M. Boudjedra, qui préside le jury des longs-métrages en compétition au 4e Festival international du film arabe à Oran, a appelé en outre à concentrer les efforts sur l'investissement dans les romans et les récits, et à la créativité dans les œuvres cinématographiques. Il a insisté, dans ce sens, sur la nécessité de réactiver les comités de lecture de scénarios et leur rôle quant à l'orientation des œuvres cinématographiques, et de renforcer les consultants artistiques ainsi que la formation des chargés de ces missions " les figuiers de Barbarie " A peine sorti en avril dernier, le dernier roman, "Les figuiers de barbarie " de Rachid Boudjedra avait raflé le prix du roman arabe dont c'était la troisième édition. Ce trophée, doté d'une somme de 15. 000 euros, a été remis à l'Institut du monde arabe à Paris à deux romanciers ; en l'occurrence Boudjedra et le peintre et romancier marocain Mahi Binebine pour " Les Etoiles de Sidi Moumen " (Flammarion). Tout jeune, le Prix du roman arabe a été fondé en 2008, et est décerné par le Conseil des ambassadeurs arabes en France. Son but est de "récompenser un ouvrage de haute valeur littéraire et consolider le dialogue interculturel entre le monde arabe et la France en mettant en avant la littérature arabe traduite ou écrite directement en français". Après " Hôtel Saint Georges " édité en 2007 chez Dar El-Gharb, Rachid Boudjedra opère un come-back littéraire avec son tout neuf " Les figuiers de Barbarie " édité chez Grasset. Avec " Les figuiers de Barbarie " Rachid Boudjedra ne rompt pas avec le thème de la guerre qui lui est si cher, lui qui a paraphé le scénario de "Chronique des années de Braises", le film de Lakhdar Hamina, palme d'or à Cannes en 1975. Selon le résumé de ce livre, il s'agit de deux hommes qui se retrouvent côte à côte dans le vol Alger-Constantine. A dix mille mètres d'altitude, en un peu moins d'une heure, c'est leur destin - et celui de tout un pays à travers le leur -, qui va se jouer au fil de la conversation et des réminiscences. Ils sont unis par les liens du sang, par l'expérience traumatisante de la guerre d'Algérie, mais aussi par le souvenir d'un été torride de leur adolescence, épisode dont jamais ils n'ont reparlé mais qui symbolise la jeunesse perdue de leur patrie. Rachid, le narrateur, a toujours voué une admiration mêlée d'envie et de ressentiment à son cousin Omar ; celui-ci, devenu un célèbre architecte, parcourt le monde pour mieux fuir ses démons. Ce sont ces fantômes que Rachid va le forcer à exorciser : son grand-père Si Mostefa, propriétaire terrien, l'homme aux 'figuiers de Barbarie', symbole d'une Algérie prospère et paisible ; son père Kamel, commissaire, soupçonné d'avoir collaboré avec les autorités françaises pendant la guerre ; son frère Salim enfin, engagé dans 'l' Organisation', mort dans des circonstances mystérieuses. C'est toute l'histoire de l'Algérie déchirée, depuis la conquête française jusqu'à l'indépendance, de l'enfance dorée et sensuelle aux horreurs de la torture et du terrorisme, qui défile dans les souvenirs du narrateur.