L'alliance Nokia-Microsoft est un tournant majeur dans la bataille pour la suprématie sur le marché des smartphones, mais les experts restent divisés sur l'opportunité de ces fiançailles entre géants. L'association va faire du système d'exploitation de Microsoft, Windows Phone, le principal logiciel des smartphones Nokia. Dans un marché dont les lignes ont été bousculées par l'iPhone d'Apple, elle constitue le plus gros "coup", depuis l'émergence d'Android, le système de Google adopté par un nombre croissant de fabricants de téléphones multifonctions. Android a rencontré en 2010 un succès foudroyant. Selon le cabinet Gartner, il a décuplé sa croissance et, avec 22,7% de parts de marché, s'est hissé au deuxième rang mondial sur l'année, derrière le système d'exploitation Symbian de Nokia. Il a même décroché la première place des ventes sur le 4e trimestre. Nokia est de son côté en perte de vitesse. Il reste en tête des ventes de portables mais affiche 7,5% de parts en moins, du fait de son retard dans les terminaux haut de gamme. Son PDG Stephen Elop, et son alter ego de Microsoft, Steve Ballmer, ont martelé à Barcelone leur confiance dans leur association. Industriels et analystes sont unanimes à considérer que le champion finlandais ne pouvait rester bras croisés face à la concurrence. "Je comprends pourquoi (M. Elop) a fait ça, et je suppose que si j'avais été à sa place, j'aurais fait la même chose", a déclaré Paul Otellini, patron du géant des puces électroniques Intel. Les deux partenaires ne prévoient pas de lancer de smartphones Nokia sous Windows avant fin 2011. Malgré le lancement de Windows Phone 7, Microsoft a perdu des parts au dernier trimestre 2010 sur le marché américain des systèmes d'exploitation pour smartphones, selon le cabinet comScore. Magnus Rehle, analyste de Greenwich Consulting, affiche sa défiance quant à l'avenir de Microsoft dans la téléphonie: "Microsoft a déjà essayé sept fois sans réussir à convaincre les utilisateurs (...) ni les développeurs, ce qui est la clé du succès car s'ils n'ont pas de contenu à proposer, ils ne convaincront pas". Selon lui, Nokia aurait pu lancer plus vite de nouveaux modèles et rattraper son retard dans les smartphones, en adoptant Android plutôt que Windows Phone. Pete Cunningham, analyste chez Canalys, prédit de son côté qu'Android va croître deux fois plus vite que ses concurrents cette année. Mais il estime que Nokia a de bonnes raisons de parier sur Windows Phone, dans lequel il voit une alternative technologiquement crédible. A en croire Eugène Kaspersky, fondateur du géant russe des systèmes de protection informatique Kaspersky Labs, le succès d'Android et sa capacité à attirer à lui les développeurs font qu'il est peut-être déjà trop tard. Exposant sa vision de l'avenir du marché des smartphones, il a dressé à Barcelone un sombre tableau pour les concurrents du système d'exploitation de Google, qu'il voit à terme dévorer 80% des parts, ne laissant que des miettes à l'iPhone et au BlackBerry... et rien du tout pour Nokia-Microsoft. Avec près de 39% des parts de marché mondial, Nokia est l'un des plus grands constructeurs de téléphones mobiles. Cependant, avec l'arrivée récente des smartphones tels que l'iPhone d'Apple, l'entreprise connaît quelques difficultés à s'imposer dans ce nouveau domaine. L'entreprise finlandaise a pourtant investi dans le marché des smartphones, tenu d'une main de fer par Google et Apple. Par exemple, en octobre 2009, Nokia a racheté Symbian OS, un système d'exploitation pour mobiles très populaire dans la deuxième moitié des années 2000 (en 2006, 100 millions de smartphones vendus dans le Monde tournaient sous ce système). A cette occasion, Nokia a d'ailleurs fait de Symbian OS un projet Open-Source, puisqu'il est possible de télécharger son code source. Nokia soutient également MeeGo, un système d'exploitation pour mobiles open-source et basé sur Linux. MeeGo utilise notamment le framework Qt pour son interface utilisateur, édité depuis 2008 par Nokia. Microsoft propose depuis fin octobre 2010 un OS pour mobile : Windows Phone 7. Ce partenariat devrait donc permettre de populariser ce système jeune par le biais de Nokia qui, selon le communiqué, deviendrait un fournisseur de matériel. Il est toutefois important de souligner qu'aucun des OS pour mobiles édités par Nokia ne devrait disparaître sous le nom de Windows Phone 7. Les développeurs devront se servir d'outils de Microsoft pour développer sur la plateforme de Nokia et on note divers petits changements au niveau des technologies logicielles (Bing sera, par exemple, le moteur de recherche par défaut). Cependant, cet accord plaçant Windows Phone 7 au premier plan dans des appareils de Nokia ne fait pas l'unanimité. Des mouvements de grèves au sein de l'entreprise finlandaise ont notamment été lancés par des salariés ayant travaillé sur Symbian OS.