C'est un élément décoratif et symbolique qu'on trouve partout et qui s'est démocratisé de façon étonnante : le signe. Ça peut être un triangle, un carré, une étoile, une ligne, un rond, un point dans un rond ou tout simplement une main. Séculaire comme configuration graphique, le signe est un motif que l'on retrouve dans pratiquement tous les supports, et même celui des plus insolites et des plus intimes comme la peau. Pour la première fois, un groupe de plasticiens revendique davantage de recherche pour approcher ces formes géométriques très familières pour le visuel des africains en général et des algériens en particulier. Dans une conférence-débat organisée dans le cadre de l'exposition collective autour du signe et ouverte depuis samedi au Centre des loisirs scientifiques de l'établissement "Arts et Culture", les plasticiens ont mis en évidence l'importance que revêt ce style de peinture dans la sauvegarde d'une partie du patrimoine national immatériel, représentée par d'anciens symboles et motifs divers. Les participants à l'expo, ont même appelé à la création d'une école du signe en Algérie pour développer ce style de peinture inspiré des tatouages traditionnels et d'autres motifs berbères. Pour eux, la création d'une école du signe est nécessaire dans la mesure où elle permettra aux jeunes talents de développer leurs sensibilités artistiques et créera entre les artistes confirmés un espace d'échanges, de création et d'innovation. Parmi eux, y avait Noureddine Chegrane qui se revendique disciple d'Issiakhem. C'est l'un des fondateurs du groupe Aouchem, le mouvement algérien qui regroupe plusieurs artistes peintres travaillant exclusivement sur le signe. Ce dernier a estimé que malgré l'existence de ce groupe, la peinture du signe "reste quelque chose de nouveau chez nous", plaidant pour la création d'une école du signe par les artistes eux mêmes. "Nous devons exploiter tous les motifs que recèle notre patrimoine et dont la symbolique n'est pas fortuite, pour en faire une école. Ces signes, qu'ils soient sur de la poterie, des tapis ou dans les tatouages des femmes, véhiculaient des messages. En résumé, il s'agissait d'une communication graphique", a expliqué Chegrane. Il a déploré le peu de documents et de recherches anthropologiques approfondies sur la symbolique des signes berbères, allant jusqu'à dire que le vrai sens donné dans des ouvrages d'auteurs étrangers a été "déformé". Selon lui, la recherche "n'a pas beaucoup évolué" en la matière. Pour Noureddine Hamouche, plasticien spécialiste des motifs traditionnels de décoration locale, a souligné que le signe est un mode d'expression d'une ancienne époque qu'utilisait la femme rurale en s'inspirant des éléments de la nature. Il estime que les signes berbères forment un domaine qui "mérite beaucoup de recherches anthropologiques" afin de mieux comprendre leur symbolique. Qualifiant le monde des signes de "magique" et de "mystérieux", l'artiste Hamouche a tenu à préciser que la peinture du signe "se veut un art qui met en exergue le patrimoine culturel berbère et sauvegarde ce riche legs ancestral comprenant un nombre presque infini de symboles au sens magique caché", d'où l'importance, selon lui, de la création d'une école de ce style de peinture. L'idée semble bonne, mais trouvera-t-on des gens assez qualifiés pour explorer le sens qui s'affichait dans la tête d'une femme qui dessine un serpent, un matin d'automne ?