Les Tunisiens votaient, hier, en masse et dans l'émotion pour élire une une assemblée constituante, premier scrutin libre de leur histoire dont les représentants d'Ennahda sont les favoris, neuf mois après la révolution qui a chassé Ben Ali et donné le coup d'envoi du printemps arabe. L'affluence des Tunisiens pour élire une assemblée constituante dépasse toutes les attentes, a déclaré à la mi-journée, le président de la commission électorale, Kamel Jendoubi, en dépit de quelques irrégularités pour ce scrutin historique. La masse des votants a dépassé toutes les attentes. Le taux de participation a dépassé les 60%, a déclaré M. Jendoubi lors d'un point de presse à Tunis. Le président de la commission a noté certaines irrégularités dans le déroulement du scrutin. Certains partis continuent leur campagne et n'ont pas respecté le silence électoral en vigueur depuis vendredi à minuit, a-t-il déclaré. Il a notamment cité des pressions sur les électeurs analphabètes et des SMS envoyés pour influencer le vote, sans citer aucun parti. Ces pratiques peuvent nuire aux premières élections libres, démocratiques et transparentes de la Tunisie, a ajouté M. Jendoubi, en mettant également en garde contre toute tentative d'achat de voix. Interrogée sur les files d'attente séparées d'hommes et femmes dans certains bureaux, notamment dans les quartiers populaires de Tunis, une responsable de l'Isie, Monia al-Abad, a répondu: ce ne sont pas les présidents de bureau qui ont décidé cela, ce sont des citoyens qui ont décidé de s'organiser de cette manière. Elle a salué le comportement civique des électeurs. L'émotion de la mère de Mohamed Bouazizi Pour la mère de Mohamed Bouazizi, le jeune homme qui a déclenché la "révolution du jasmin" en s'immolant par le feu le 17 décembre à Sidi Bouzid, "ces élections sont une victoire pour mon fils qui est mort pour défendre la dignité et la liberté". "J'espère que les gens qui vont gouverner garderont ce message à l'esprit et témoigneront de la considération à l'égard de tous les Tunisiens, y compris les pauvres", a poursuivi Manoubia Bouazizi. Le premier ministère rassurant Le premier ministère s'inquiète désormais de voir Ennahda imposer des bouleversements sociétaux par le biais d'un succès politique. Conscients de l'enjeu du scrutin pour leur pays mais aussi pour le monde arabe, les Tunisiens votent dans un climat tendu. Le Premier ministre Béji Caïd Essebsi leur a assuré jeudi qu'ils pourraient voter sans crainte de violences ni de fraudes, qui étaient la marque des élections organisées du temps de Zine Ben Ali. Selon les autorités, 40 000 militaires et policiers sont déployés pour maintenir l'ordre. Des commerçants affirment que la population a constitué des stocks de lait et de bouteilles d'eau à titre de précaution. Attente des résultats Plus de 7 millions de Tunisiens doivent élire une assemblée constituante de 217 membres qui sera chargée de rédiger une nouvelle constitution, neuf mois après la chute de Ben Ali. Dès l'ouverture du scrutin à 07H00 (06H00 GMT), de longues chaînes s'étiraient devant les bureaux de vote. Concernant le vote des Tunisiens à l'étranger, qui s'est déroulé jeudi, vendredi et samedi, M. Jendoubi a indiqué que le dépouillement était toujours en cours et que les premiers résultats seront connus à partir de 19H00 (18H00 GMT) dimanche. Un total de 18 sièges sont réservés à la communauté de l'étranger, dans la future assemblée constituante. Le scrutin doit accoucher d'une assemblée chargée de rédiger une nouvelle Constitution. Il va aussi entraîner la formation d'un gouvernement intérimaire dans l'attente d'élections législatives et présidentielle. A peine une heure avant la fermeture des bureaux de vote, aucun signe de violence n'a été signalé, d'ailleurs, même pas une petite idée sur premiers résultats de ce scrutin historique. A ce moment, les yeux du monde entier sont rivés sur la Tunisie, qui va entrer dans l'histoire, attentistes à la fermeture des bureaux de vote, à 19h00 (18h00 GMT).