Toute manifestation maintenant est susceptible d'être interprétée comme une suite du processus appelé le printemps arabe. Ce n'était peut-être pas le cas avant. Mais, aujourd'hui, il y a une nouvelle donne. On dit bien que les manifestations d'octobre 88 étaient porteuses de revendications plutôt sociales que politiques. De justice également. Elles ont pourtant reçu une réponse politique. Il était plus facile d'annoncer un programme de réformes politiques que de lancer un programme important économico-social à hauteur de l'ampleur des manifestations. Même si la demande de réformes est portée par les revendications dans la rue des satisfactions socioéconomiques, on pense qu'il est ainsi normal que des émeutes commencent d'abord par des revendications sociales, puis finissent par prendre une tournure politique. On parle trop des réformes politiques et pas du tout des réformes économiques. Des réformes politiques, certainement car ce sont celles-ci qui focalisent toutes les attentions. On a oublié la dimension économique des réformes. Depuis le temps que l'on parle de déclarer la guerre au marché informel et à la corruption, on a fini par nous habituer à l'absence d'actions conformes aux engagements. Fermeté dans les discours et prudence dans les actions. Cette absence de conformité a érodé ce qui peut encore exister de confiance en les institutions. Des réformes politiques d'abord ? Nous ne retenons des émeutes que le côté politique, alors qu'elles débutent par des revendications sociales. Ouvrir le champ politique ? Ouvrir le champ économique et surtout l'accès aux banques pour ce qui concerne les devises et les garanties des importations à faire par le secteur privé ? De toute façon, nous allons prioriser les réformes politiques. En premier lieu, ce qui concerne les libertés politiques. Parmi elles, le droit à l'information plurielle. Cela passe bien sûr par l'ouverture des médias au secteur privé. Nous y allons. Comment y allons-nous ? On le saura quand le projet gouvernemental sera envoyé au Parlement pour en débattre. L'exacerbation des revendications sociales peut atteindre progressivement le point culminant s'il y a reconduction des mêmes contradictions. Tout apaisement recherché pour ne pas laisser la contestation monter en puissance et atteindre le seuil de non retour nécessite bien entendu une concertation la plus élargie possible. Mais, le préalable demeure la tenue d'un débat impliquant le plus d'acteurs possibles concernés par le règlement de telles questions. Normalement, il ne peut pas y avoir de réformes sans débat, aussi bien les réformes politiques que les réformes économiques. La programmation des étapes de crise est connue. Contestation sociale, puis mouvement social plus ou moins structuré, puis transformation en revendications politiques durables. Les députés, vont-ils pour la première fois mettre de côté leurs appartenances partisanes pour produire et voter des amendements en faveur de l'intérêt général ? Il leur appartient cette fois-ci que le débat sur les réformes politiques ne sorte pas de l'enceinte parlementaire pour trouver refuge dans la rue.