Accusée par ses partenaires de bloquer le sauvetage de la zone euro et attendue au tournant par les investisseurs, l'Allemagne est persuadée que les Européens finiront par trouver leur salut dans une discipline budgétaire renforcée. Alors que la crise de la dette s'étend, les Allemands refusent obstinément le financement des Etats en difficulté par la Banque centrale européenne (BCE) ou bien la mise en commun de la dette par le biais d'euro-obligations. Ils y voient des solutions de court terme qui ne traiteraient pas le problème à la racine, voire l'aggraveraient. Mais ils n'en ont pas moins un intérêt vital à sauver la monnaie unique. Berlin estime que le seul moyen de retrouver la confiance des marchés est de rétablir des finances solides et veut ancrer la discipline budgétaire dans les traités, au moyen de changements "limités" et rapides. L'Allemagne espère des avancées concrètes sur ce chantier lors du sommet européen du 9 décembre. Le rôle de la banque centrale européenne Malgré un discours officiel refusant tout rôle à la BCE dans la gestion de la crise, le gouvernement allemand tolère depuis l'an dernier les achats de dette effectués par l'institution sur le marché secondaire pour faciliter le financement des pays surendettés comme la Grèce ou l'Italie. Et le respect absolu, par l'Allemagne, de l'indépendance de la BCE signifie aussi que l'institution pourrait décider d'agir davantage sans que Berlin ne s'interpose - notamment si de strictes conditions sont imposées aux pays en difficulté. L'Allemagne estime cependant que la seule mission de la BCE est de maintenir la stabilité des prix en zone euro. Tout autre mandat serait incompatible avec les traités européens, selon le ministre des Finances Wolfgang Schäuble. Si les craintes inflationnistes sont de moins en moins à l'ordre du jour en zone euro, Berlin considère qu'un soutien de la BCE aux pays surendettés serait une incitation au laxisme budgétaire. Changements des traités: la méthode pour aller vite M. Schäuble propose une modification du protocole 14 du Traité de Lisbonne, un texte court qui concerne uniquement la zone euro. Sa modification ne nécessiterait pas de convention, ni l'aval des 27 pays de l'Union européenne. Il propose de donner l'option aux 10 pays non membres de la zone euro de le ratifier également, sur une base volontaire. L'Allemagne évoque aussi comme "option de deuxième choix" un processus intergouvernemental, avec des accords entre capitales. Les euro-obligations Elles ne pourraient intervenir éventuellement qu'à la fin d'un processus poussé d'intégration européenne. Pour Berlin, en parler aujourd'hui est prématuré et même contre-productif: les différents taux d'intérêt appliqués aux pays de la zone euro sont une incitation salutaire à agir pour certains, et ont donc toute leur raison d'être. Le pacte pour l'euro Berlin insiste régulièrement sur l'importance du "Pacte pour l'euro", adopté en mars pour améliorer la compétitivité des pays de la zone euro. Ceux-ci se sont engagés à réformer leurs économies et leurs systèmes de retraite, à limiter le niveau de leur dette publique, pratiquer la modération salariale. Le mécanisme européen de stabilité (mes) Le mécanisme de renflouement doit faire office à partir de la mi-2013 de pompier de la zone euro à la place du Fonds de sauvetage (FESF) à l'œuvre actuellement. L'Allemagne a œuvré pour y introduire une participation forte des créanciers privés, qui seront appelés à passer à la caisse en cas de défaillance d'un Etat. Pour Berlin, les investisseurs privés ont une grande part de responsabilité dans la crise actuelle, parce qu'ils ont sous-évalué les problèmes de plusieurs économies européennes par le passé et les surévaluent aujourd'hui. Le MES, un fonds commun assorti de règles précises sur la marche à suivre en cas de dérapage des finances publiques, est actuellement en cours d'élaboration. Sur la question d'une entrée en vigueur anticipée, Berlin fait remarquer que les processus législatifs nécessiteront vraisemblablement plusieurs mois, et que toute date antérieure à mi-2013 paraît peu réaliste, même si elle saluerait une mise en œuvre plus rapide.