Trois films algériens récents entrent en diffusion dans une dizaine de salles à travers le territoire national. Il s'agit de Yema de Djamila Sahraoui, de L'Héroïne de Cherif Aggoune, et de Parfums d'Alger, de Rachid Benhadj. Cette programmation, initiée par le ministère de la Culture et organisée par l'Agence algérienne pour le rayonnement culturel, va permettre au public cinéphile algérien de découvrir trois œuvres cinématographiques algériennes récentes qui ont déjà obtenu une reconnaissance méritée ou se présentent comme des œuvres au fort potentiel artistique. Produit en 2012, Yema, le long métrage de Djamila Sahraoui, revient sur la décennie noire, en nous plongeant dans le quotidien d'Ouardia (Djamila Sahraoui), une vieille femme habitant une petite maison abandonnée au milieu des montagnes, dans une région isolée d'Algérie. Ouardia y a enterré son fils, Tarik, militaire tué par un terroriste. La vieille campagnarde n'est pourtant pas seule avec son chagrin, elle est épiée par un terroriste qui surveille ses moindres faits et gestes. Dans cet univers figé par la sécheresse, la vie va peu à peu reprendre ses droits. Grâce au jardin que Ouardia fait refleurir à force de courage, de travail et d'obstination. Grâce au gardien, peu à peu adopté par Ouardia. Grâce surtout à l'arrivée d'un nouveau-né. Mais Ouardia n'est pas au bout de ses épreuves. En effet, Ali, son autre fils, devenu chef d'un maquis islamiste et qu'elle soupçonne même d'être l'assassin de Tarik, revient à la maison, grièvement blessé. Film bouleversant de vérité, racontant avec beaucoup de réalisme -à travers le destin de Ouardia - le combat de milliers d'autres femmes algériennes durant la décennie noire, Yema n'a pu laisser les critiques indifférents. Il est aujourd'hui l'un des films algériens qui a obtenu le plus de prix dans les festivals étrangers. Si le dernier en date est le Premio Espressione Artistica (prix de l'Expression artistique) décerné par le 19e Medfilm Festival de Rome, qui s'est tenu en juin 2013, Djamila Sahraoui en a décroché beaucoup d'autres, notamment le Prix d'interprétation féminine au Festival international du film francophone de Namur en 2012, la Meilleure image, la Mention spéciale pour meilleure actrice, l'Etalon d'argent de Yennenga au Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (Fespaco), le prix Fipresci au Dubaï International Film Festival, le Prix de la ville d'Amiens au 33e Festival du Film international d'Amiens, etc. L'Héroïne, douleur d'une époque, premier long métrage de Cherif Aggoune, qui a été projeté en avant-première en mai 2013, tandis qu'en novembre il concourait pour décrocher l'Amayas d'or au Festival culturel maghrébin du cinéma d'Alger. S'il n'a pas été auréolé d'un prix, il a néanmoins été très applaudi, les festivaliers ayant apprécié la trame de cette histoire qui nous replonge au cœur d'une période douloureuse de l'histoire récente de l'Algérie. Produit par l'AARC et la société Cilia, avec le soutien du ministère de la Culture, L'Héroïne raconte une histoire qui se passe au milieu des années 1990, dans un hameau, à quelques kilomètres d'Alger. Achour exploite une ferme avec ses deux frères, Djelloul et Mourad. Les terroristes, nombreux à écumer la région, ne cessent d'investir les fermes alentours, rackettant les pauvres villageois. Au cours d'une de ces descentes, Achour (joué par Khaled Benaïssa) est tué suite à un accrochage entre les forces de sécurité et les terroristes. Djelloul reprend les commandes de la ferme mais il vit sous la perpétuelle menace terroriste. Il décide alors de s'organiser en comité d'autodéfense, ce qui n'est pas du goût des sanguinaires qui attaquent la ferme familiale. Djelloul, Mourad et leur mère sont tués et deux femmes sont kidnappées, seule Houria (Samia Meziane), veuve de Achour, parvient à prendre la fuite avec ses enfants. Elle est recueillie à Alger par des membres de la famille mais, au lieu d'y trouver la quiétude tant espérée, des conflits surgissent… Inspiré de faits réels, ce film est le premier volet d'une trilogie que le réalisateur Cherif Aggoune compte consacrer à la décennie noire pour, confiera-t-il, exorciser la douleur et lutter contre l'oubli. Parfums d'Alger, senteurs du passé, ce long métrage de Rachid Benhadj, sorti en 2012, nous met en " présence " de Karima (Monica Guerritore), célèbre photographe algérienne vivant à Paris. Son père qui vit toujours en Algérie et qu'elle n'a pas vu depuis vingt ans est à l'agonie. Aussi, même si elle a rompu tout contact avec lui, elle décide de se rendre à son chevet pour l'accompagner dans ses derniers instants. Mais ce retour sur le lieu de ses blessures va réveiller bien des douleurs et convoquer les fantômes du passé. Karima était, en effet, partie pour échapper à la dépendance et à l'oppression paternelle. Mais si, pendant toutes ces années d'absence elle a réussi à faire fi de tout et à se reconstruire, loin de ses attaches affectives, avec d'autres repères, tout remonte à la surface avec ce retour.Dans la maison d'Alger, où elle revient respirer l'air et les parfums du passé, Karima constate que la musique des souvenirs n'est pas toujours gaie, souvent mélancolique, parfois même funèbre, car c'est ici, dans cette demeure aux jardins parfumés, que s'était déroulé le drame qui l'avait poussée à s'exiler et couper les ponts avec sa famille. Une fois encore pour Karima, l'heure est au règlement de comptes. Rien n'est plus faussement serein que certains lieux qu'elle a beaucoup aimés, plus trompeur que les parfums enivrants d'Alger. Parfums d'Alger, qui a pris part à plusieurs festivals, a reçu le prix du Public 2013 au Festival du film africain de Vérone ainsi que la mention spéciale du prix Don Quichotte de la Fédération internationale des ciné-clubs (FICC), dans le cadre d'une remise des prix parallèles à la 24e édition des Journées cinématographiques de Carthage.