Le militant de la cause nationale Henri Alleg, auteur du livre choc ''La Question'', témoignage accablant sur la pratique de la torture par l'armée française durant la guerre de libération nationale, a été au cœur du vibrant hommage qui lui fut rendu jeudi soir au Centre culturel algérien (CCA) par des historiens et des militants qui ont accompagné son parcours anticolonialiste. L'historien Alain Rucio, le militant William Sportiss, dirigeant actif du PCA durant la guerre de libération, les enfants du défunt, Alain et André Salem, ont tour à tour restitué devant un public venu nombreux, la personnalité exceptionnelle et le combat exemplaire d'Henri Alleg, ainsi que le poignant et courageux témoignage de celui qui dévoila à l'opinion française et internationale la torture pratiquée à grande échelle par l'armée française contre les militants algériens. Ils diront notamment que par son parcours militant exemplaire, Henri Alleg n'a jamais renié ses idéaux, rappelant qu'il avait beaucoup fait pour la cause algérienne, sans le claironner sur tous les toits et sans revendiquer le moindre mérite. William Sportiss rapporta dans son témoignage qu'Henri Alleg a dit un jour à un journaliste venu l'interroger sur la pratique de la torture, qu' ''une guerre est toujours injuste et qu'à partir du moment où on est une guerre coloniale, c'est-à-dire une guerre pour soumettre un peuple à sa volonté, on peut édicter les lois que l'on veut et qu'il y aura toujours des dépassements'', et d'ajouter que les gouvernants français ''ont promulgué une loi d'amnistie après 1962 qui blanchit tous leurs officiers tortionnaires''. Cette loi, a souligné Alleg, rapporte encore William Sportiss, ''confirme la complicité qui régnait avec eux au plus haut niveau'' puis conclut cet entretien par ces mots : ''Mon souhait est qu'on condamne la colonisation en tant que système, comme un crime contre l'humanité, or au contraire, on assiste à des choses incroyables comme cette loi qui se félicite de la colonisation en Algérie et pire, qu'on enseigne ce mensonge dans les écoles''. Selon William Sportiss, Henri était un homme qui mettait en accord ses paroles et ses actes, c'est pourquoi il a poursuivi son combat anticolonialiste jusqu'à sa mort. Un film documentaire fut projeté à la faveur de cet hommage, intitulé ''Henri Alleg, l'homme de la question'', du journaliste Christophe Kantcheff. Un film témoignage sur la pratique de la torture. Le film fait alterner la lecture de passages de ''La Question '' par un grand acteur contemporain, les réflexions d'une historienne sur le silence observé par les autorités coloniales sur la pratique de la torture, avec le témoignage d'Alleg qui, répondant à des jeunes qui l'entouraient, évoque les sévices qui lui furent infligés, mettant en lumière le courage de l'homme et établit opportunément un pont entre le passé et l'avenir. " La Question " publiée aux Editions de Minuit fut un immense succès avec 65 000 exemplaires vendus au jour de sa saisie le 27 mars 1958, sur ordre du gouvernement français. Dans ce livre, Henri Alleg dénonce la pratique de la torture par l'armée française, et l'arrestation de Maurice Audin. Né en juillet 1921 à Londres, et décédé en juillet 2013, Henri Salem dit Alleg, est arrivé en avril 1939 en Algérie et adhéra un an plus tard au Parti communiste algérien (PCA) dont il était membre du comité central jusqu'à sa dissolution en 1955. Il dirigea ensuite le quotidien "Alger Républicain" organe du PCA de février 1951 à juillet 1955, date de son interdiction. Il est arrêté le 12 juin 1957 par la 10eme DP durant la "Bataille d'Alger", au domicile de Maurice Audin, son ami, arrêté la veille. Torturé par l'armée française puis condamné en 1960 par les autorités coloniales françaises, à 10 ans de travaux forcés en France, il s'évade de prison un an plus tard et regagne la capitale algérienne. Il refonde alors ''Alger Républicain'' qu'il dirige jusqu'à son interdiction en 1965. Le défunt Henri Alleg a été journaliste à " l'Humanité " de 1966 à 1980.