Le pétrole a terminé la séance en hausse à New York avant-hier, porté par la crainte d'une escalade des tensions en Ukraine qui éclipsait la montée des stocks de brut aux Etats-Unis à un niveau record. Le baril de "light sweet crude" (WTI) pour livraison en juin a gagné 50 cents, à 101,94 dollars, sur le New York Mercantile Exchange (Nymex). A Londres, le baril de Brent de la mer du Nord pour la même échéance a terminé à 110,33 dollars sur l'Intercontinental Exchange (ICE), en hausse de 1,22 dollar par rapport à la clôture de mercredi. Le marché "réagit surtout à la situation en Ukraine, où les violences augmentent peu à peu, et les investisseurs s'inquiètent de possibles perturbations des exportations (russes) de produits énergétiques", a relevé l'analyste indépendant Andy Lipow. Les autorités ukrainiennes ont en effet lancé jeudi un assaut meurtrier contre les séparatistes à Slaviansk, bastion des insurgés pro-russes dans l'Est, aussitôt dénoncé par la Russie qui a riposté avec de nouvelles manœuvres à la frontière. Les Etats-Unis ont de leur côté décidé de renforcer leurs forces dans la région en dépêchant 600 soldats en Pologne et dans les pays baltes. Comme environ 30% des importations de gaz et de pétrole européennes proviennent de la Russie, le marché européen de l'énergie est sensible à tout risque de dérèglement de l'approvisionnement. Par ailleurs en Libye, "des désaccords sur l'argent et la sécurité" entre les autorités et des autonomistes bloquant depuis juillet les exportations de brut freinent "la progression de la reprise de la production de brut", a remarqué Andy Lipow. Un accord conclu début avril avait pourtant fait espérer un retour rapide à la normale. "C'est encore un volume important d'or noir qui reste en dehors du marché", a commenté le spécialiste. Les investisseurs ont par ailleurs digéré des données contrastées sur l'économie américaine. Sur le front de l'emploi, secteur particulièrement observé par les acteurs du marché, les inscriptions hebdomadaires au chômage ont augmenté plus fortement que prévu la semaine dernière. Mais, côté positif, les commandes de biens durables aux Etats-Unis ont augmenté plus que prévu en mars, selon les chiffres du département du Commerce. La progression moins prononcée du baril de WTI, coté à New York, que celui du Brent, échangé à Londres, "reflète à la fois son plus grand éloignement d'avec l'Ukraine et la poussée des réserves de brut aux Etats-Unis à leur plus haut niveau en 83 ans", a aussi remarqué Tim Evans de Citi. En Asie, les cours du pétrole se redressaient dans les échanges matinaux, le marché restant soutenu par les tensions à Ukraine malgré le nouveau gonflement des réserves américaines de brut, qui était de toute façon attendu. Le baril de "light sweet crude" (WTI) pour livraison en juin gagnait 24 cents à 101,68 dollars, tandis que le baril de Brent de la mer du Nord, échéance juin, prenait 19 cents à 109,30 dollars. "Nous continuons de surveiller les développements en Ukraine, d'autant que la trêve semble fragile", a indiqué Desmond Chua, analyste chez CMC Markets à Singapour. Les cours ont ainsi vite rebondi, après leur baisse de la veille, causée par une nouvelle hausse des stocks américains de pétrole. Ils atteignent désormais leur plus haut niveau depuis 1931, sur la base de données mensuelle du Département de l'Energie. Le département américain de l'Energie (DoE) a en effet annoncé mercredi que les stocks d'or noir dans le pays, alimentés par une production au plus haut depuis 1988, avaient grimpé la semaine dernière à 397,7 millions de barils. Il s'agit de leur plus haut niveau depuis que le DoE publie des données hebdomadaires, soit 1982, et depuis 1931 sur la base de données mensuelles. Depuis l'explosion de l'exploitation du pétrole et du gaz de schiste grâce à de nouvelles techniques d'extraction, les Etats-Unis connaissent un boom de leur production de pétrole. Les réserves de brut ont augmenté de 3,5 millions de barils, à 397,7 millions, lors de la semaine achevée le 18 avril. Il s'agit de leur plus haut niveau depuis 1982, lorsque le DoE a commencé la publication de données hebdomadaires, et depuis 1931 sur la base de données mensuelles. Les experts interrogés par l'agence Dow Jones Newswires tablaient en moyenne sur une hausse de 2,4 millions de barils seulement. Ces stocks avaient déjà gonflé de 14 millions de barils la semaine précédente, sur fond de hausse continue de la production aux Etats-Unis et de l'approche de la fin de la saison de maintenance des raffineries américaines. Cette période s'accompagne généralement d'une baisse de la demande en or noir. Les réserves de produits distillés (dont le gazole et le fioul de chauffage) ont, elles, augmenté de 600 000 barils, à 112,5 millions de barils, alors que les analystes pariaient sur un recul de 300 000 barils. Les stocks d'essence ont de leur côté diminué de 300 000 barils, à 210,0 millions, soit moins que la baisse de 1,4 million de barils escomptée par les spécialistes.